Plus rien ne semble l'arrêter. Le Spac (Special Purpose Acquisition Company) monte en puissance et attire de plus en plus d’investisseurs institutionnels qui y trouvent "le meilleur des deux mondes", le private equity combiné à la liquidité de la cotation. Un nouvel acteur émerge ; le M&A en sortira vainqueur.

Jean-Pierre Mustier revient au premier plan avec le lancement de Pegasus Europe, accompagné par Diego De Giorgi – ex-Bank of America – et soutenu par Tikehau Capital et la Financière Agache (Bernard Arnault). Une annonce qui suit de quelques jours celle faite par Lazard avec Lazard Growth Acquisition Corp et augure les suivantes. 

En France, c’est au duo Matthieu Pigasse et Xavier Niel que le Spac doit ses lettres de noblesse. Le lancement de Mediawan en 2016 attira l’attention sur ce véhicule dont le seul objet est de faire des acquisitions. Pour l’occasion, ils s’associèrent au producteur Pierre-Antoine Capton qui apportait réseaux et savoir-faire. En 2020, c’est au distributeur Moez-Alexandre Zouari – fondateur du groupe Zouari et actionnaire de référence du groupe Picard Surgelés – qu’ils font appel pour lancer 2MX Organic. Pas moins de 300 millions d’euros levés à l’occasion de la plus importante introduction en Bourse de l’année. L’objectif : bâtir le premier acteur européen de la consommation responsable et durable. 

"En France, c’est au duo Matthieu Pigasse et Xavier Niel que le Spac doit ses lettres de noblesse"

Ce nouveau véhicule, émetteur de "chèque en blanc", car il ne mentionne pas le nom du bénéficiaire, monte – très – rapidement en puissance et vient concurrencer acteurs industriels et fonds de private equity sur leur marché. À ce jour, aux États-Unis, 330 Spac sont dénombrés totalisant 110,5 milliards de dollars sous gestion. Depuis début 2021, déjà 88 ont été levés pour près de 25 milliards de dollars. En 2018, on en comptait moins d’une cinquantaine, pour 11 milliards de dollars. On le voit, l’engouement est majeur, leur force de frappe réelle. À tel point que l’année passée, plus de 50 % des montants levés à l’occasion d’IPO aux États-Unis l’ont été par des Spac. 

La force du positionnement sectoriel 

Pour Benjamin Vedrenne-Cloquet, CEO de EdtechX Holdings II, monter un Spac a été une évidence. "Avec mon associé, nous avons vite vu que la transition numérique allait susciter des opportunités dans le secteur de l’éducation. Pour investir […], rien ne nous est apparu aussi simple et efficace que le SPAC". Un premier véhicule est donc lancé en 2018. Son succès permet d’en boucler un second : EdtechX Holdings Corp II. "Nous avons levé 115 millions de dollars en 3 jours", explique-t-il. "5 % seulement des entreprises de l’éducation numérique sont cotés. Ce n’est rien comparé au secteur de la santé par exemple et les institutionnels ont logiquement été très sensibles à notre thèse d’investissement". Sans parler de l’intérêt du "panier" : si les investisseurs acquièrent des actions assorties de warrants, rien ne les empêche de se "dérisquer" par la suite en cédant leurs actions tout en conservant les warrants. 

"L’année dernière, plus de 50 % des montants levés à l’occasion d’IPO aux États- Unis l’ont été par des Spac"

Du coup, aucun marché ne semble hors de portée. Y compris le restructuring. Stéphane Cohen, fondateur de la banque d’affaires Wingate, rappelle que : "Dans le cadre d’un SPAC, on investit sur une équipe et son track record, sur un savoir-faire, des réseaux, une capacité à mettre en œuvre un plan d’action. Cela doit pouvoir servir aux entreprises en situations spéciales." Et pour y parvenir ? "Il ne faut pas cibler l’entreprise mais la dette qu’elle porte. Les banques sont généralement vendeuses de ces crédits, avec une forte décote, et un SPAC serait à même de les reprendre tout en gardant la possibilité de les convertir ensuite en capital, renforçant ainsi les fonds propres des entreprises. Tout le monde en sort gagnant." Un modèle déjà pratiqué avec succès par le canadien Mudrick Capital. 

Le nombre de SPAC et les montants levés ne devraient aller qu’en augmentant. Aux industriels et aux fonds de private equity de faire face désormais à ces nouveaux concurrents. À chacun de savoir se différencier et se montrer sous son meilleur jour. Les banques d’affaires ne s’y tromperont pas dans les prochaines enchères. 

Alexis Valero

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