Le patron France de Randstad, qui a déroulé sa carrière à l’international au sein de ce groupe spécialisé dans les ressources humaines, a pour mission de développer et d’exporter les bonnes pratiques françaises en matière de recrutement. Ce Franco-Australien passionné tient à apporter sa pierre à la lutte contre le chômage.

Frank Ribuot atterrit à l’aéroport de Paris Charles de Gaulle en mars dernier, au deuxième jour du confinement. Ce spécialiste des ressources humaines vient occuper son nouveau poste à Paris vingt-neuf ans après avoir quitté la France. Patron hexagonal de Randstad, il opérait jusqu’ici en tant que PDG pour l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Asie du Sud-Est et l’Inde, région qui connaissait déjà des restrictions pour cause de crise sanitaire. Dans un contexte hors du commun mais qu’il maîtrise bien, Frank Ribuot a dû prendre la tête d’une équipe opérant à distance. Avantage : il a pu échanger avec plus de 250 personnes en l’espace de deux mois, ce qui n’aurait pas été envisageable en présentiel. Et lorsque la situation l’a permis, et le permettra à nouveau, le dirigeant repartira faire son "tour de Frank", comme aime à le qualifier ses collaborateurs.

Homme de terrain

Car Frank Ribuot passe la majeure partie de son temps à rencontrer ses équipes et ses clients. Une connaissance du terrain indispensable, selon ce Marseillais d’origine, expatrié à Londres, Singapour ou encore en Australie dont il a pris la nationalité. Empreint de culture anglo-saxonne, lui qui ne se voyait pas forcément revenir sur sa terre natale y a découvert de beaux savoir-faire, tels que le Centre de gestion des compétences de son groupe : une équipe qui se concentre sur la carrière des 7 200 CDI intérimaires de Randstad (soit 10 % des intérimaires du groupe en France) en leur proposant un suivi annuel ainsi que des formations, et qui fait sa fierté.

Travailler les compétences

"Dans les pays anglo-saxons, d’où je viens, les recrutements sont beaucoup plus basés sur les compétences des candidats et ne se font pas uniquement en fonction d’un intitulé du poste ou d’un diplôme, explique Frank Ribuot. Cela fonctionne très bien." Sa méthode ? "Nous faisons l’inventaire des besoins en compétences, des opportunités dans certains secteurs afin de former de la manière la plus efficace. Plus on connaît les candidats, plus on connaît nos clients, mieux nous pouvons agir sur l’emploi." C’est ainsi que Randstad a procédé en Australie lorsque le pays fit une croix sur son industrie automobile qui représentait 70 000 personnes à reclasser.

En 2019, Randstad a formé 35 000 personnes grâce à un budget de 50 millions d’euros

Dans la même optique, le groupe travaille en binôme avec les institutions gouvernementales françaises. Randstad a formé de manière spécifique 35 000 personnes en 2019 grâce à un budget de 50 millions d’euros. "Nous sommes en discussion avec Pôle emploi pour mener des actions très précises sur certains bassins d’emploi", ajoute le patron, qui souligne la force du dispositif de soutien du gouvernement français dans cette crise sans précédent.

Plus que de l’intérim

Outre le chômage partiel, les entreprises et des États disposent de tout un arsenal pour doper le marché du travail : apprentissage, alternance, formation, prêt de main-d’œuvre ou encore intérim. Si Randstad emploie des intérimaires, Frank Ribuot n’apprécie guère que son entreprise soit réduite à l’appellation de "boîte d’intérim". À ses yeux, il s’agit d’un tremplin pour les jeunes, une voie facilitant le retour au travail pour les plus seniors, et plus encore.

L’une des failles de ce statut ? Le manque parfois de protection des employés, qui, par exemple, ne reçoivent pas toujours un équipement aussi en pointe que les collaborateurs des groupes dans lesquels ils sont missionnés. Alors, le patron de Randstad France s’engage. Il souhaite multiplier les audits de prévention sur les sites. "Je me lève tous les matins pour créer de l’emploi aussi bien en interne qu’en externe. Et je suis très attentif à la prévention des accidents, assure Frank Ribuot. Si je peux me dire tous les soirs que l’on a placé 10 000 intérimaires en plus et dans de bonnes conditions, alors mon travail a un sens."

Exporter les bonnes pratiques

Celui qui a toujours voulu travailler dans les ressources humaines et fut responsable de classe dès le CE2 a choisi Kedge, à Marseille, pour faire ses études en raison de la vie associative de l’école. Ce père de deux enfants - qui revendique une facette paternelle même au travail - partage des conseils de carrière dans la sphère tant privée que publique. Ils sont au nombre de trois : aimez votre travail, faites-en sorte que votre patron sorte grandi à travers ce que vous faites, occupez-vous de votre présent plutôt que de votre futur.

Frank Ribuot, qui fit ses gammes chez Adecco, Cartus et Manpower avant d’intégrer Randstad, met désormais à profit ses compétence en France, deuxième marché international du groupe. Sa feuille de route est claire : repositionner l’entreprise au cœur du réseau Randstad, utiliser tout ce qui a été développé au niveau digital et exporter les bonnes pratiques sur d’autres territoires. L’homme a également pris la présidence d’un "petit Capgemini", Ausy, groupe de conseil et d’ingénierie. Il souhaite accélérer son développement et faire des ponts entre les solutions digitales créées pour des clients et celles qui seraient utiles à Randstad.

4 % à 6 % des parcours de recrutements sont appelés à être entièrement digitalisés 

Le numérique devient en effet incontournable, particulièrement en période de crise sanitaire. Selon Frank Ribuot, 4 % à 6 % des parcours de recrutements sont appelés à être entièrement digitalisés - questions adaptées aux réponses du candidats grâce à l’intelligence artificielle, tests entièrement en ligne...- afin de présenter des candidats répondant au plus près aux besoins des entreprises.

Frank Ribuot songe également aux métiers d’avenir, sur lesquels il souhaite se positionner. Le dirigeant prend l’exemple des spécialistes de la cybersécurité. Alors que les entreprises devaient renforcer leurs systèmes informatiques et se doter de collaborateurs capables de les y aider, il n’existait à l’époque pas de formation, ni de filière dans ce domaine. Les recruteurs sont donc allés débaucher sur d’autres segments des personnalités capables de s’atteler à la tâche. Une anticipation du marché qui est une manière supplémentaire pour Frank Ribuot d’apporter sa pierre à la lutte contre le chômage, qui promet d’être le cheval de bataille des prochains mois pour l’économie dans son ensemble.

Olivia Vignaud

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