Pour le Président de la République, c’est en "libérant la créativité" que le pays pourra se réinventer. Baisses des taxes de production, relocalisation, simplification administrative, mesures anti-chômage... revue détaillée des axes de réflexion de l'exécutif.

Libérer, délivrer, et remettre sur le devant de la scène politique et économique, la "créativité", tel est le credo qu’a voulu privilégier le président Macron, dimanche, dans son allocution. Mettre en exergue cette créativité pourrait être une façon de revisiter "l’imagination au pouvoir", ce slogan de 68 qui voulait mettre à bas le "vieux monde". Ainsi le chef de l’État rappelle qu’il fut aussi candidat, celui-là même qui avait publié en son temps un livre au titre évocateur : Révolution. C’est que le président s’agace : trop de pesanteurs, trop de lenteurs, trop d’obstacles… Le Monde, Le Figaro ou L’Opinion nous dressent ces dernières semaines le portrait d’un président irrité par les blocages de la haute administration, et pourfendant, comme en août 2019, devant la presse présidentielle,"l’État profond". 

C’est que la crise sanitaire a révélé les "failles" d’un fonctionnement de l’État ainsi que le diagnostiquait dimanche Emmanuel Macron. Et lorsqu’il constate que la pandémie a mise au jour "nos lourdeurs d’organisation" c’est pour mieux saluer "les citoyens, les entreprises, les syndicats, les associations, les collectivités locales, les agents publics dans les territoires" qui eux, "ont su faire preuve d’ingéniosité, d’efficacité, de solidarité".

Vers une baisse des taxes de production ?

Comment cette incantation, "libérons la créativité et l’énergie du terrain" peut-elle s’incarner dans l’optique du "travailler et produire plus" voulu par le chef de l’État ? Peut-être par "le concret", "le tangible" qu’il aimerait voir plus mis en avant dans les réformes qu’il veut mener. Ainsi pour mettre en œuvre "le pacte productif" qu’il appelle de ses vœux, (et dont la présentation prévue en avril a été reportée), le Président de la République semblerait décidé à accélérer la baisse des "taxes de production" qui devait débuter en 2021.

La France est le pays d'Europe où les taxes sur la production sont les plus élevées

Car si tout le monde ne peut que souscrire à une volonté "d’indépendance industrielle" et à des "relocalisations", il convient de se rappeler que dans ce domaine la France est pour le moins entravée puisqu’elle est le pays européen où les taxes de production sont les plus élevées d’Europe après celles de la Grèce (2% du PIB contre 0,5 % en Allemagne). Une baisse serait donc évidemment très bien accueillie par les acteurs industriels, reste à convaincre les élus locaux, dont les collectivités sont les bénéficiaires : une véritable gageure alors que ces dernières ont encore du mal à digérer la suppression de la taxe d’habitation.

Comment travailler plus sans toucher aux 35 heures ?

La "créativité" devra être aussi au rendez-vous pour favoriser le "travailler plus" auquel le Président aspire car d’ores et déjà les ministres interrogés sur le sujet l’ont assuré : cela ne passera pas par une remise en cause des 35 heures. Quelles sont dès lors les pistes privilégiées ? La réponse gouvernementale était unanime lundi après l’intervention du président : "travailler davantage, c’est travailler tous" comme le résume Bruno Le Maire.

Alors quelles mesures pour amplifier le soutien à l’emploi : outre l’annonce, début juin, du plan "activité partielle de longue durée", verra-t-on une plus grande souplesse pour autoriser le travail le dimanche (déjà rendu possible dans certains secteurs dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire) ? Un élargissement des dispositifs permettant l’annualisation du temps de travail ? Ces possibilités sont en clairement sur la table de la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, même si cette dernière, sur ce terrain social miné, est quelque peu échaudée par la tempête provoquée par son vrai/faux appel à une baisse des salaires, début juin, (elle recommandait des aménagements de temps de travail à la baisse, avec une rémunération réduite, pour les secteurs en crise, et non une diminution généralisée). 

En tous les cas, en élargissant le dispositif et en doublant l’aide à l’embauche pour les apprentis, Muriel Pénicaud a répondu à la priorité affichée d’aider une jeunesse particulièrement impactée par la crise avec une décision saluée à la fois par le Medef et les syndicats.

Charges : du report à l’exonération pour certains secteurs ?

Mais c’est peut-être de Bercy que l’on verra émerger cette créativité réclamée par le Président, avec une batterie de mesures à même de relancer l’emploi en diminuant la pression fiscale sur des entreprises déjà passablement meurtrie par la crise. Ainsi le ministère de l’Économie prévoirait de convertir le report de charges en exonération pour un nombre plus important de secteurs en difficulté (Gérard Darmanin ministre de l’Action et des Comptes publics avait déjà annoncé une exonération de 3 milliards d’euros de charges sociales auprès des entreprises particulièrement touchées telle la culture, la restauration ou le sport).

Bercy envisagerait de convertir le report de charges en exonération pour certains secteurs en difficulté

Mais la décision la plus politique que pourrait prendre Bercy, celle-ci restant encore à trancher, sera bien celle des prêts garantis par l’État. Devront-ils être tous remboursés ? L’État convertira-t-il, pour les secteurs en difficulté, "ce pont aérien de cash" pour reprendre l’expression du patron de la BPI, Nicolas Dufourcq, en fonds propres pour les entreprises en difficulté ? Le choix reviendra comme il se doit à l’exécutif, lequel sait que de la "créativité" au principe de réalité, il est un chemin politique sinueux que scrutera l’opinion publique, une ligne de crête, pour éviter la bascule. Un travail de funambule…

Sébastien Petitot

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