Le plan de soutien au secteur aéronautique, présenté le 9 juin, fait certes la part belle aux constructeurs et aux compagnies aériennes mais certains acteurs se sentent oubliés, comme les entreprises privées en charge de la sûreté. Or, si la sécurité des aéroports devait ne plus être assurée, les avions se retrouveraient cloués au sol. Jean-Baptiste Thélot, président du Syndicat des entreprises de sûreté aéroportuaire (Sesa), explique la situation.

Décideurs. La sûreté aéroportuaire est mise à mal par la crise. Expliquez-nous.

Jean-Baptiste Thélot. La sûreté aéroportuaire regroupe les métiers de prévention du risque terroriste dans les aéroports. Le plus connu d’entre eux étant les postes d’inspection de bagages par lesquels passent les valises et les passagers. Ce sont des points d’étape obligatoires dans les aéroports. En France, une taxe de sûreté - dont le montant dépend des différents sites - finance les prestations humaines et le matériel pour un budget total d’environ 1 milliard d’euros par an. Intégrée dans le prix des billets, cette taxe est reversée par les compagnies aériennes à l’État qui la distribue ensuite aux aéroports qui font, eux-mêmes, appel à des entreprises privées pour assurer la mission. Avec la crise, les compagnies aériennes, qui ont des problèmes de trésorerie, ne reversent plus la taxe collectée.

L’État, qui ne perçoit plus la taxe, n’a-t-il pas les moyens de réagir ?

Il dispose de moyens de coercition, le principal étant l’immobilisation d’avions. En ce moment, celui-ci s’avère assez léger ! En outre, l'État a conscience que les entreprises touchées par la crise ont besoin de cash. Ce n’est pas pour rien que les premières mesures pour soutenir l’économie visaient à maintenir les flux de trésorerie, comme les prêts garantis (PGE).

Quelles sont les conséquences pour votre secteur ?

La France compte une dizaine d’entreprises spécialistes de la sûreté aéroportuaire pour environ 10 000 salariés. Pour le moment, celles-ci bénéficient du chômage partiel. Toutefois, ce n’est pas parce que le gouvernement prend en charge 100 % du salaire versé que les sociétés ne paient rien. Avec les congés cumulés ou encore les heures de formation obligatoires, les coûts résiduels sont de l’ordre de 25 %, sans rentrée de chiffre d’affaires en face. Soit sept millions d’euros de pertes par mois pour l’ensemble du secteur. C’est pourquoi nous demandons à l’État le maintien du chômage partiel entièrement pris en charge. Dans le cas contraire, nous risquons des faillites d’entreprises et la casse sociale qui va avec.

"L’État doit regarder l'écosystème dans sa globalité"

L’État peut-il se le permettre, ne serait-ce que sur le plan sécuritaire ?

Les entreprises de sûreté aéroportuaire assurent une délégation de services publics, qui répond à des normes européennes et internationales. Les processus de vérification sont obligatoires. Or, si la sécurité n’est pas assurée, vous ne pouvez pas faire décoller les appareils. Le plan de soutien, annoncé le 9 juin par le gouvernement, aura un effet limité si les avions ne peuvent pas décoller. L’État doit regarder l'écosystème dans sa globalité.

Vous sentez-vous oubliés par le plan de soutien ?

Ce plan est réduit au secteur de l’aéronautique, soit aux constructeurs et aux compagnies aériennes. Il oublie les aéroports et les sous-traitants. Pourtant, il y a bien toute une chaîne et des lieux comme les aéroports coûtent chers, ne serait-ce qu’à entretenir. Le gouvernement n’a fait qu’une partie du travail. Nous nous attendons à une reprise en U, avec un retour de 50 % du trafic d’ici à la fin de l’année et à 100 % d’ici à un an et demi. On ne pourra pas tenir si le gouvernement n’entend pas notre message.

Propos recueillis par Olivia Vignaud

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