Depuis deux ans, l’assureur français Covéa souhaite compléter son expertise autour de son cœur de métier en rachetant un réassureur. Après un an de feuilleton judiciaire avec Scor, cinquième acteur du marché, Covéa réagit en formulant une solide proposition d’achat de 9 milliards de dollars à son concurrent PartnerRe.

La maison mère de la Maaf, de la MMA et de la GMF, Covéa, est en passe de réaliser un gros coup sur le marché de l’assurance. Le groupe serait prêt à débourser 9 milliards de dollars pour racheter PartnerRe aux héritiers de l’empire Agnelli. Exor, la holding de la famille italienne détient notamment les parts majoritaires de Fiat-Chrysler, de Ferrari et de la Juventus de Turin, mais elle a aussi acquis le réassureur en 2015, pour un montant de 6,9 milliards de dollars. Une belle plus-value se profile donc pour John Elkann, PDG du groupe et petit-fils de Gianni Agnelli. Covéa offre surtout de solides garanties puisque le groupe dispose de près de 10 milliards de trésorerie, ce qui permettra, conformément aux exigences d’Exor, de conduire l’opération en cash.

S’offrir Partner Re lui permettrait bien sûr de faire des économies sur ses frais de réassurance, mais aussi d’améliorer son risque à l’international, car 90 % de son activité est encore menée en France. Si les synergies sont évidentes pour Covéa, ce rachat apparaît néanmoins comme un plan B. En effet, son excédent de trésorerie était, à l’origine, destiné à la prise de contrôle du réassureur français Scor, dont le groupe est actionnaire à hauteur de 8,45 %. Une clause de standstill contraignait le groupe à ne pas dépasser 10 % du capital de Scor avant 2019, mais la perspective d’une fusion du réassureur avec un de ses concurrents a poussé le PDG de Covéa, Thierry Derez, à avancer sa proposition d’achat au 24 août 2018. Cette information étant confidentielle, Scor a poursuivi Covéa et son dirigeant pour abus de confiance ainsi que la banque d’affaires Barclays, alors financeur de l’opération, pour « violation grave de la confidentialité et du secret des affaires de Scor ». La demande de la banque de suspendre le procès jusqu’à la fin de la procédure en France vient d’être déboutée par le tribunal à Londres, car celui-ci pourrait la contraindre à divulguer des documents compromettants pour Covéa. Barclays se trouve donc dans une situation délicate, car son ancien client, qui s’est déjà retourné contre elle, l’accuse de « manquements aux obligations légales et de loyauté », pour s’être soumise aux requêtes d’un tribunal londonien concernant des documents sur le projet d’acquisition.

Dans l’attente des jugements à venir, Covéa a donc changé ses plans et formulé sa proposition d’achat à Exor. Bien que le cédant n’ait actuellement « aucune certitude qu’elles [les négociations] aboutissent à une transaction », le projet semble solide. Scor a subi les contrecoups de cette annonce qui rend pratiquement impossible un rapprochement entre les deux entreprises. Depuis, le cours de bourse du réassureur a dévissé de plus de 2 % à l’ouverture des marchés le 10 février. Surtout, Covéa coifferait Scor au poteau en s’offrant Partner Re, que le réassureur français avait déjà tenté de racheter en 2018.

Baptiste Delcambre

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