Philippe Loizelet, président de l’Association nationale des Conseils diplômés en gestion de patrimoine (ANCGDP), revient sur les douze derniers mois agités pour son association, entre loi Pacte et avenir du métier de conseiller en gestion de patrimoine.

Décideurs. Cette année a été riche en nouvelles obligations règlementaires pour les CGP. Quelle est votre analyse ?

Philippe Loizelet. Tout d’abord, permettez-moi de souligner que le CGP qui est un métier de conseil est toujours vu par les autorités que sous le prisme d’un réseau de distribution de produits financiers et uniquement comme tel. Or, les textes imposent aux promoteurs de services d’investissements et aux Compagnies de maitriser et de contrôler le respect des textes par leur réseau de distribution, et ce, ce qui nous place pratiquement sous la tutelle de concepteurs d’offres produits, alors que nous sommes conseils. C’est nier notre ADN qui est d’être conseils des clients, y compris pour l’intermédiation. Nous nous opposons à cette surtransposition des textes, à notre sens, non conformes à leur esprit.

Que pensez-vous de la loi Pacte et de ses conséquences pour les intermédiaires ?

Nous avons effectué un important travail sur le projet de la loi Pacte. Cette Loi annoncée comme l’une des plus importante du quinquennat, a été malmenée et s’est vu adjoindre par le Trésor des dispositions annexes, n’y ayant rien à y faire. Aussi, nous nous sommes opposés rapidement à ce cavalier législatif qui envisageait la création d’associations IOBSP et d’intermédiation en assurance. Un problème de principe se posait sur cette injonction de structuration, unique en Europe. Cette opposition à cette surtransposition des textes européens nous a pris beaucoup de temps, d’autant plus que nous étions à contre-courant de plusieurs associations qui voyaient là une possibilité de renforcer leurs effectifs et de compléter leur chiffre d’affaires. Nous avons fédéré autour de nous plusieurs associations et les travaux de nos avocats ont été largement diffusés, notamment quant à la non-conformité à la Constitution du procédé législatif. Le conseil constitutionnel a « retoqué » toute cette partie de la Loi Pacte. C’est heureux. La réforme est maintenant décalée avant d’être, je l’espère, abandonnée. A notre sens, il n’est en rien nécessaire de créer de multiples associations, avec des antennes régionales, pour encadrer les intermédiaires dans la mise en place des formations continues obligatoires. L’ORIAS peut utilement et très économiquement assurer cette mission de conformité, et ce, d’autant plus que les professionnels concernés n’étaient plus que les seuls libéraux (les agents, réseaux captifs, salariés des assureurs et des banques étant, au fil des débats, exclus). Bref, couteux, administrativement lourds, pour une plus-value limitée et une distorsion entre professionnels : tout concourt à l’abandon de ce projet uniquement soutenu par des motivations catégorielles.

" L'engouement sur les produits d"épargne retraite est, depuis plusieurs années, assez faible"

Reste les obligations de formations continues ?

Effectivement. Les 15 heures annuelles de formation continue s'imposent, à compter du samedi 23 février 2019, aux intermédiaires en assurance et aux IOBSP. La décision du Conseil Constitutionnel ne remet pas en cause le calendrier. L’ANCDGP s’est associée pour mettre en place une DDA ACADEMY pour que les professionnels, pas uniquement nos membres, puissent, d’ici, la fin de l’année 2019, respecter leurs obligations pour assurer leur renouvellement auprès de l’ORIAS en Février 2020.

L’épargne retraite pourrait-elle retrouver un second souffle ?

Les changements opérés sur l’épargne retraite arrivent, à mon sens, très tard. Les taux de rendement sont désormais très faibles. Il y a quelques années, un million d’euros suffisait pour générer 70 000 d’euros de rente annuelle. Aujourd’hui, il en faut trois à quatre fois plus. Je suis donc très dubitatif sur la question, l’engouement sur ces produits est, depuis plusieurs années, assez faible. Je ne pense pas que la loi Pacte change profondément la situation. Même si, pour ne pas dépendre de ses enfants, un retraité doit espérer que son capital, même régulièrement consommé, lui survive.

" Cela sent à plein nez la sauvegarde d’intérêts catégoriels au détriment du choix du client quant à l’évolution de son épargne à long terme "

Les dispositions ouvrant la voie à la transférabilité interne des contrats d’assurance-vie trouvent-elles grâce à vos yeux ?

Nous sommes en pleine schizophrénie. D’un côté, l’épargnant ne pourrait pas transférer à une autre compagnie ses avoirs, en gardant l’antériorité juridique et fiscale de son contrat, car cela fragiliserait les comptes des compagnies si leur stock d’épargne constitué venait à être ainsi arbitré. Mais, concomitamment, il y a urgence à ce que les épargnants, pour pallier un risque de crash obligataire, arbitrent leurs avoirs vers des unités de compte. La gestion de ce mouvement d’allocation ne pourrait donc se faire qu’au sein de la même compagnie ? Cela sent à plein nez la sauvegarde d’intérêts catégoriels : « préservons les stocks constitués » au détriment du choix du client quant à l’évolution de son épargne à long terme.

Sur le même raisonnement, nous travaillons ardemment à ce que les promoteurs ne nous imposent pas les modalités de transférabilité des contrats par l’abandon du 3ème usages du courtage, par des dispositions contractuelles dérogatoires soi-disant prises en conformité aux directives. C’est faux et une escroquerie intellectuelle. Sur ce point, nous avons bon espoir de fédérer un accord de place permettant de concilier la liberté du client de choisir dans le temps le conseiller de son épargne, la juste rémunération de ses conseils, en évitant la distorsion de concurrence actuelle au profit des réseaux captifs de distribution qui, eux, refusent le principe même d’un arbitrage du client.

Les étudiants en gestion de patrimoine privilégient-ils encore les cabinets en gestion de patrimoine plutôt que les banques ?

Les cabinets libéraux sont peu présents dans le domaine des formations, notamment sur l’alternance. Il y a un réel déficit. Les banques sont beaucoup plus présentes. Sur la promotion de quinze personnes au sein de laquelle j’enseigne, une seule personne travaille dans un cabinet libéral, et c’est le mien ! La banque donne une approche « produit » du métier alors que nous leur apprenons des matières bien plus larges autour des besoins du client. L’alternance représente un coût, finalement assez modéré. Une autre difficulté est l’impossibilité pour mes futurs confrères souhaitant s’installer, d’accéder à une gamme de produits et services, mais également de partenaires suffisamment larges. Nous devons former nos futurs confrères qui sont nos futurs successeurs.

Propos recueillis par Théo Maurin-Dior et Aurélien Florin

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