L’industriel breton a su transformer l’entreprise familiale en un empire multisectoriel. L’œuvre d’une vie dont la succession pose aujourd’hui question.

Il ne s’en est jamais caché, bien au contraire. Depuis longtemps, Vincent Bolloré a prévu de prendre sa retraite le 17 février 2022, jour du bicentenaire de son groupe. Pour ne pas perdre de vue cette échéance, le dirigeant aurait même, dit-on, installé une application chargée d’effectuer le décompte des heures.

À 67 ans, celui qui a transformé une PME familiale en piètre état en un groupe diversifié comptant dans ses rangs Vivendi et, indirectement, Universal Music, Havas et Canal +, n’a plus à prouver ses talents de dirigeant. Peut-être sa succession constitue-t-elle son dernier vrai défi. L’annonce, le 14 mars 2019, soit avec près de trois ans d’avance sur le calendrier établi, de son départ du groupe Bolloré fit l’effet d’une bombe. Pourtant, à bien y regarder, cette décision se justifie à plusieurs égards.

Un retrait de façade ?

Tout d’abord, le patriarche ne confie pas à n’importe qui les rênes du groupe. C’est Cyrille Bolloré, son troisième fils jusqu’alors directeur général délégué, qui hérite du titre de PDG. Une succession logique à la fois parce que son successeur connaît parfaitement la maison mais aussi parce que, chez les Bolloré, le business est affaire de famille. Chacun des quatre enfants du patriarche occupe des places de choix au sein de l’empire industriel. Ensuite, en dépit de ce passage de témoin, Vincent Bolloré conserve la main par le biais de la Financière de l’Odet, dont il est PDG et qui contrôle 64 % du capital du groupe, lui assurant de facto une forte implication personnelle dans la gestion de l’entreprise. Enfin, et de manière plus pragmatique, certains ­n’hésitent pas à ­établir un lien entre ce retrait soudain et les revers qui se sont accumulés ces derniers temps : échec d’Autolib à Paris, bataille musclée contre le fonds Elliott pour s’implanter en Italie dans les télécoms et, même, mise en examen pour soupçons de corruption en Afrique. En prenant également du recul, Vincent Bolloré protégerait aussi son groupe dans l’éventualité d’une condamnation.

Caroline Castets

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