À la tête de la direction fiscale du groupe depuis 2012, Gaëlle Le Bon détaille ses missions notamment à l’occasion de l’intégration de Darty. Entre réformes législatives et menaces cyber, elle revient sur les prochains défis de sa profession.

Décideurs. Quel est le périmètre de la direction fiscale ?

Gaëlle Le Bon. La direction fiscale dépend de la direction financière et est composée de deux personnes : la directrice fiscale et un collaborateur expérimenté.

Quelles sont vos principales missions ?

Nos missions sont très diverses. Nous collaborons beaucoup avec les différents métiers de l’entreprise pour qu’ils tiennent compte des contraintes et réglementations fiscales. En effet, la direction fiscale est au service des opérations et des opérationnels qui sont une source constante de nouveaux projets. Chez Fnac Darty, tous les jours, de nouveaux projets sont initiés par les équipes commerciales, le marketing ou les services informatiques. Il nous arrive également d’être moteur dans la mise en place d’un nouveau process, d’un nouvel outil ou d’un projet pour répondre à des nouvelles obligations réglementaires comme, par exemple, les récentes évolutions sur les obligations des plateformes de e-commerce. De plus, nous avons la charge du suivi des contrôles et contentieux fiscaux et plus généralement de la gestion des relations avec l’administration fiscale. Le calcul de l’impôt sur les sociétés en phases prévisionnelle et réelle nous occupe évidemment, c’est une mission réalisée en étroite collaboration avec la direction comptable et la direction chargée des comptes consolidés. Enfin, outre la coordination de la fiscalité de nos filiales hors de France, nous réalisons une mission d’audit des process du groupe en lien avec la fiscalité et d’audit des charges fiscales. Cela consiste, d’une part, à vérifier que les process de l’entreprise permettent de respecter nos obligations fiscales et, d’autre part, à nous assurer de l’absence de surimposition ou double imposition, comme en matière d’impôts locaux par exemple.

Comment avez-vous été impliqués dans la préparation, la réalisation puis l’intégration de l’opération de fusion entre la Fnac et Darty ?

L’opération de rachat proprement dite n’a pas impliqué la fiscalité puisque les actions de Darty ont été achetées en Bourse lors d’une OPA : aucun audit fiscal n’a été réalisé lors de l’acquisition. Cette phase d’audit a eu lieu après l’acquisition et a permis de nous familiariser avec l’environnement et les problématiques fiscales de Darty. Lors de son incorporation au groupe Fnac en revanche, nous avons été sollicités sur la plupart des chantiers d’intégration pour analyser leurs impacts fiscaux : la création d’une intégration fiscale unique, le regroupement des fonctions de siège des deux groupes dans une seule société, la mise en place des nouveaux flux entre Fnac et Darty, etc.

"Nous ne craignons pas les fuites de données fiscales: le groupe paye ses impôts là où il est implanté à proportion de la valeur qui y est créée."

Quelles sont les problématiques fiscales propres à l’activité de retail ?

Il y a déjà des impôts ou contributions sectoriel(le)s propres au retail à l’image de la taxe sur les surfaces de vente (ou TASCOM), sur les enseignes publicitaires, sur les ventes de vidéogrammes (DVD) ou la redevance pour copie privée (due sur les supports d’enregistrement comme les disques durs ou les cartes mémoires). La contribution sociale de solidarité, une taxe spécifiquement française assise sur le chiffre d’affaires, les impôts fonciers comme la taxe foncière, la TEOM (taxe d’enlèvement des ordures ménagères), la CFE et les taxes sur le transport pèsent également très lourd sur les magasins et centres logistiques des entreprises du retail même si elles ne sont pas réservées à ce secteur.

Le fait que nous soyons distributeurs nous rend parfois tributaires des informations que nous pouvons récupérer auprès de nos fournisseurs : par exemple, les éco-contributions (sur les emballages, le papier, les piles, les produits électriques et électroniques) nécessitent de recueillir de nombreuses informations que seuls nos fournisseurs peuvent apporter. Nous dépendons donc d’eux pour satisfaire à certaines de nos obligations déclaratives.

Enfin, les problématiques fiscales se multiplient avec la digitalisation de l’économie et les nouvelles réglementations du e-commerce avec des objectifs multiples : la lutte contre la fraude à la TVA, un ajustement de la répartition de l’effort fiscal des entreprises entre les pays de production et de consommation, l’équité fiscale entre le commerce physique et le commerce numérique.

Que pensez-vous de la réforme du début d’année sur le régime de l’intégration fiscale ?

Je comprends que cette réforme a été menée pour éviter que nos règles puissent être considérées comme incompatibles avec le droit européen. Ce régime demeure intéressant pour consolider les pertes et bénéfices de nos filiales françaises même s’il renonce avec cette réforme à une part de son intérêt.

La digitalisation et la cybersécurité sont-elles des préoccupations pour la direction fiscale ?

Bien sûr, même si les problématiques de digitalisation sont une préoccupation assez récente car notre petite équipe fiscale n’est pas en pointe dans ce domaine. Nous avons de toute évidence des progrès à faire pour automatiser certaines fonctions, contrôles de cohérence ou audits de données. Mais cela fera clairement partie de nos préoccupations dans les années qui viennent. D’ores et déjà, les FEC (fichiers des écritures comptables), les pistes d’audit, les nouvelles obligations en matière de TVA nous poussent à une digitalisation de nos fonctions. Quant à la cybersécurité, ce sont toutes les fonctions de l’entreprise qui doivent être en alerte. Nous ne craignons pas spécifiquement les fuites de données à caractère fiscal, le groupe Fnac Darty paye ses impôts dans les différents pays d’implantation de ses magasins à proportion de la valeur qui y est créée, la menace la plus redoutable, ce sont les cyber-attaques qui paralysent le commerce ou les systèmes d’information.

Propos recueillis par Sybille Vié

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