Habib Ramdani a pris les rênes de la direction financière de Virbac depuis mai 2016, alors que le Français, 7e groupe pharmaceutique vétérinaire mondial, était fortement endetté. Ce centralien, passé par BCG, revient sur ses premières actions pour améliorer la santé financière de la société et détaille leurs efforts en matière de développement durable.

Décideurs. Vous avez pris vos fonctions en 2016, alors que Virbac avait entamé son processus de désendettement. Quelles ont été vos premières missions ?

Habib Ramdani. J’ai effectivement pris mes fonctions à une période charnière de la vie du groupe. La dette venait d’être multipliée par trois, à la suite de la plus importante acquisition réalisée par Virbac quelques mois plus tôt. Dans le même temps, nous avons rencontré des difficultés industrielles sur un site de production majeur ayant entraîné une division par deux du résultat opérationnel. La combinaison des deux événements a évidemment fragilisé nos financements. Ma mission prioritaire a dès lors été de continuer ce qui avait été initié par mon prédécesseur, à savoir la sécurisation de nos financements. Nous avons œuvré pour restaurer la liquidité de la holding à travers trois axes : la mobilisation des équipes finance et opérationnelles au service de la création de trésorerie, la mise en œuvre et le suivi d’indicateurs de performance trésorerie et l’installation des solutions de financement comme le factoring. Simultanément, nous avons maintenu un dialogue constant auprès de nos prêteurs qui, pour la plupart, nous ont été fidèles et ont accepté d’alléger à plusieurs reprises les contraintes de covenant. En parallèle de ces actions à court-terme, j’ai travaillé avec l’ensemble des équipes sur la feuille de route à plus long terme de la fonction finance. Cela nous a permis de définir une vision de ce que nous souhaitions construire dans les années à venir en orientant les actions et objectifs annuels en cohérence avec cette perspective.

Quel est le périmètre de la DAF du groupe ?

Le périmètre de la DAF est, somme toute, assez classique. Il regroupe toutes les fonctions financières comme la consolidation, la comptabilité, la trésorerie et le financement, le contrôle de gestion et les relations investisseurs. Je supervise également, en tant que membre du directoire, les fonctions juridique et systèmes d’information du groupe.

Quels sont les prochains chantiers que vous comptez mener ?

Après trois ans, nous avons réussi à retrouver une situation financière assainie marquée notamment par un retour aux conditions d’avant crise de nos covenants financiers. Cette amélioration a d’ailleurs été saluée en 2019 par la remise du prix de la meilleure « recovery » par les Echos-Investir. Nous pouvons désormais nous tourner à nouveau vers l’avenir et tâcher d’accélérer les chantiers identifiés dans le cadre de la construction de notre feuille de route. Une de nos priorités sera la modernisation de nos systèmes d’information financiers avec un axe ERP et un axe business intelligence. Le deuxième chantier, qui va nous occuper dans les années à venir, est l’amélioration de la profitabilité. Nous ciblons autour de 15 % d’Ebit ajusté à l’horizon 2022, soit une amélioration de 50 % en quatre ans. Nous devons pour cela continuer à soutenir l’ensemble de l’organisation dans l’identification, la sélection et le pilotage des projets qui vont nous permettre de réaliser cette ambition.

Virbac revendique une approche glocale. Qu’en est-il au niveau de la direction financière ?

Il est vrai que nous revendiquons une approche glocale en innovation et production avec la présence de centres de R&D et de sites de production sur les cinq continents, le tout en coordination avec les équipes du siège. De façon plus générale, nous essayons, pour toutes nos fonctions, de trouver la meilleure articulation entre une coordination globale et une adaptation locale. Ceci est valable pour la direction financière également. Dans chacun des pays où nous opérons, nous disposons d’une organisation financière classique et régionale au plus proche des directions opérationnelles. Nous assurons ainsi une coordination financière complète sur les sujets qui le nécessitent comme les normes comptables par exemple ou bien certains processus clés (gestion de la trésorerie et construction des budgets, pour n’en citer que deux). À ces deux niveaux s’ajoute un échelon financier régional, plus léger, mais qui fluidifie la relation entre le siège et nos filiales et apporte un niveau de proximité plus important avec les pays.

« même au plus fort de la crise, nous n’avons jamais sacrifié nos investissements R&D qui ont continué à peser autour de 8 % de notre chiffre d’affaires »

Virbac conjugue un actionnariat familial et une cotation à la Bourse de Paris. Quelles en sont les conséquences au niveau de la DAF ? Quelles relations entretenez-vous avec les investisseurs ?

L’actionnariat familial de Virbac est un marqueur fort de l’identité de la société. Nous avons la chance de bénéficier d’une stabilité actionnariale solide qui ne s’est pas démentie sur les cinquante dernières années ainsi que d’actionnaires majoritaires qui ont une vision de bâtisseurs et donc une vision long-terme. Cela évite de céder à la tentation du court-terme et nous permet de travailler au quotidien pour l’après demain. Ainsi, même au plus fort de la crise, nous n’avons jamais sacrifié nos investissements R&D qui ont continué à peser autour de 8 % de notre chiffre d’affaires. La cotation à la Bourse de Paris, quant à elle, nous impose un niveau d’exigence important, et nous offre également une certaine visibilité. Ces avantages s’accompagnent de certains devoirs en matière de communication financière, en particulier assurer les relations avec les investisseurs, que nous rencontrons fréquemment pour partager notre vision, ainsi que commenter nos résultats financiers.

Virbac met en avant sa volonté d’une création de valeur durable et responsable. Comment cela se traduit-il au sein de la DAF ?

Nous jouons tout d’abord un rôle clé dans la coordination de la construction du rapport annuel développement durable. Nous coordonnons également la mise en place et le suivi des indicateurs de suivi des performances de développement durable au sein de l’organisation. Enfin, nous nous efforçons, dans la mesure du possible et de plus en plus, d’éclairer les décisions d’investissement en intégrant les dimensions de développement durable.

Avec une présence dans plus de 30 pays, comment gérez-vous les risques liés à l’international ?

Nous avons mis en place, il y a plusieurs années, une fonction de gestion des risques au sein du groupe. Cela nous a permis de déployer une méthodologie de cartographie des risques et de mise en œuvre d’un plan de mitigation au niveau global et sur la plupart de nos filiales importantes. Nous avons complété cette approche par un effort de formation et de communication ciblées sur les principaux risques identifiés. Enfin, nous avons une organisation financière qui intègre des contrôleurs financiers régionaux qui nous permettent d’augmenter de façon importante la proximité avec nos pays et d’assurer un relais de communication en jouant dans les deux sens.

Les acquisitions effectuées entre 2012 et 2014 ont fortement contribué à l’augmentation de l’endettement du groupe, jusqu’à revoir les covenants financiers. Quelle est aujourd’hui la politique de croissance de Virbac ? Comment comptez-vous la financer ?

Effectivement, historiquement nous avons toujours bénéficié de deux moteurs pour alimenter la croissance du groupe : la croissance organique et les acquisitions. Le second moteur est éteint depuis 2015 et nous n’envisageons pas d’acquisition importante d’ici à 2020. Notre performance récente a montré notre capacité à continuer de croître en s’appuyant sur un seul moteur. Nous avons également continué à bénéficier de l’apport de produits issus de in-licensing : cette approche est moins coûteuse pour compléter de façon ciblée dans certains pays l’offre proposée à nos clients. En parallèle nous travaillons à désendetter le groupe le plus rapidement possible pour être en situation de pouvoir envisager de nouvelles acquisitions.

« nous ciblons autour de 15 % d’Ebit ajusté à l’horizon 2022 »

Qu’est-ce que la « matrice de matérialité » ?

Ce programme est piloté par les équipes finance et communication et sa responsabilité est partagée entre les différents départements contributeurs : RH, HSE, innovation, qualité…

Virbac a engagé une réflexion stratégique sur sa responsabilité sociétale et mené une analyse de la matérialité afin d’évaluer les enjeux RSE prioritaires du groupe et notamment les conséquences sociales et environnementales de l’activité, de ses effets quant au respect des droits de l’homme, ainsi que la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale. Pour ce faire, Virbac s’est fait conseiller par un tiers expert qui a piloté ces analyses et évaluations. La dernière mise à jour de cette matrice date de 2018.

Celle-ci reflète l’indispensable écoute des parties prenantes du groupe et demeure la pierre angulaire de tout reporting développement durable pertinent, qui sont des données spécifiques à l’activité de Virbac. Au-delà des obligations de transparence en la matière, elle permet à l’entreprise de répondre aux enjeux identifiés à travers des engagements spécifiques, de mieux mesurer et comparer sa performance et ainsi, d’identifier des axes de progrès pour les années à venir.

Quelles sont les qualités requises pour être un bon directeur financier ?

D’abord, aimer les chiffres et les processus. Ensuite, comprendre les enjeux de l’activité et avoir une vision la plus complète possible de l’entreprise. Les qualités de leadership sont évidemment indispensables pour fédérer, motiver et animer les équipes et enfin, le plus important peut-être, savoir s’entourer des bonnes personnes et des bonnes expertises.

Comment voyez-vous évoluer le métier de DAF ?

Nous le savons tous, nous vivons dans un monde de plus en plus volatile, incertain, complexe et ambigu. Cela génère des risques pour les entreprises mais qui sont aussi autant d’opportunités pour le DAF et les équipes finance qui, je le crois, sont particulièrement armés pour accompagner les organisations dans de tels environnements.

La volatilité et l’incertitude sont des dimensions que les DAF gèrent au quotidien. Nous connaissons les processus, comme ceux de gestion des risques, ou bien les approches, comme celles par scénarios pour les budgets et les estimés notamment, qui nous permettent de trier les paramètres, et d’en contrôler certaines dimensions. Je pense que graduellement le DAF va pouvoir et devoir soutenir les autres fonctions dans le déploiement de processus permettant de mieux gérer cette volatilité et cette incertitude et d’en anticiper, autant que faire se peut, les répercussions à tous les niveaux de l’organisation.

Une deuxième évolution aura trait à la révolution de la data et la complexité qui en découle. Le DAF a très souvent non seulement une appétence pour ces sujets mais également une réelle expertise. Là encore, il pourra jouer un rôle fondamental pour assister les directions générales et leur permettre de bien comprendre les enjeux mais aussi les limites de la gestion de la donnée de masse pour chaque activité.

Propos recueillis par Anne-Gabrielle Mangeret

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