Membre de la commission finance de CroissancePlus et président de Fast Lease, Cédric Alexandre livre sa vision du marché du private equity français. Il revient sur les principales mesures plébiscitées par l’association pour libérer la croissance des entreprises et dévoile les prochains axes de réflexion du groupe, notamment en matière de réglementation des cryptomonnaies.

Décideurs. Le capital-investissement français a bouclé une année record. Investisseurs professionnels et dirigeants se sont-ils réconciliés ?

Cédric Alexandre. Ils n’ont jamais été en guerre. Les sociétés ont besoin d’investisseurs à condition de bien les choisir. Ce n’est pas nouveau. Mais, comme dans tout mariage, il faut savoir anticiper un éventuel divorce. Dans ce sens, il me semble que la négociation du pacte d’actionnaires est bien plus importante que celle des conditions financières de l’entrée du fonds au capital. Pour en revenir à la bonne santé du private equity, elle s’explique d’une part parce que le marché boursier est perçu comme cher et très réglementé, et d’autre part parce que les banques proposent des conditions beaucoup trop restrictives d’octroi de financement, en partie pour des contraintes de régulation prudentielle. En parallèle, les fonds ont beaucoup levé et disposent de liquidités à investir. Aujourd’hui, il est donc assez facile pour une entreprise de trouver un investisseur financier et ce d’autant plus que, les banques d’affaires acceptent d’intermédier de plus en plus de dossiers. 

Très favorable aux start-up, la France semble avoir plus de difficultés à les accompagner pour les transformer en ETI. Comment expliquer cette situation ?

La France est un pôle d’excellence. Il est toujours un peu frustrant de voir qu’une société hexagonale cherche à se financer auprès d’investisseurs étrangers, bien souvent anglosaxons, même si l’idée qu’elle parvienne à obtenir des fonds pour alimenter sa croissance est toujours une excellente nouvelle. D’ailleurs plus les montants recherchés sont élevés, plus le recours à des capitaux étrangers se généralise. Pourtant, il ne faut pas oublier que le financement ne passe pas uniquement par l’equity : la dette est essentielle pour les sociétés. Or, aujourd’hui, l’accès au financement par la dette est souvent soit complexe, soit contrarié. Voilà une raison supplémentaire qui pousse les entreprises françaises à se tourner vers des financements étrangers.

" La négociation du pacte d’actionnaires est bien plus importante que les conditions financières de l’entrée du fonds au capital "

La loi Pacte a été conçue pour accélérer la croissance des entreprises. Selon vous, cet objectif a-t-il été atteint ?

CroissancePlus s’est beaucoup engagé dans la phase de consultation nationale qui a précédé la rédaction du projet de loi Pacte. Nous avons été force de propositions et le texte aujourd’hui examiné par le Sénat contient de nombreux éléments très positifs. La fusion du PEA-PME avec le PEA en est un excellent exemple, puisqu’elle permet d’augmenter le plafond du nouveau dispositif à 225 000 euros par personne. Cette réforme aurait pu aller plus loin. Nous préconisions de fixer ce montant à 500 000 euros, voire un million d’euros par couple comme c’est le cas en Grande-Bretagne. On aurait pu également désintermédier le PEA-PME, c’est-à-dire le rendre simplement déclaratif et abandonner le système actuel de monopôle bancaire. Enfin, on aurait pu réduire le plafond de détention des droits dans la société éligible au PEA-PME pour les entrepreneurs qui investissent dans leur propre société.  

Avez-vous d’autres exemples de propositions portées par CroissancePlus ?

L’un des chantiers essentiels consisterait à développer le crédit interentreprise. Aujourd’hui, pour recourir à ce dispositif, la loi impose l’existence d’un lien économique entre le prêteur et l’emprunteur. Nous travaillons à supprimer cette condition dangereuse qui permet à un client de prêter à son fournisseur et contribue donc à créer une situation de dépendance entre les parties. La notion de délai de paiement est un autre de nos chevaux de bataille. Si les entreprises respectaient les délais de paiement, elles auraient beaucoup moins de problème de financement. Pourquoi ne pas imaginer, dans ce contexte, pouvoir pénaliser celles qui, sur deux exercices consécutifs, ne s’acquittent pas en temps voulu de leurs dettes ? La sanction pourrait être la non-validation des comptes par le commissaire aux comptes.

Propos recueillis par Sybille Vié

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