La loi Pacte réforme en profondeur le système des brevets. Une évolution en partie rendue possible grâce à Sylvain Waserman, député Modem du Bas-Rhin qui revient sur les retombées positives de la mesure.

Décideurs. Pourquoi avoir déposé un amendement sur les brevets ?

Sylvain Waserman. Le constat est assez cruel : les PME françaises sont deux fois moins nombreuses que leurs homologues allemandes à déposer des brevets. Or, nous ne sommes pas deux fois moins créatifs dans l’Hexagone qu’Outre-Rhin.

Pour le moment, le brevet français est considéré comme faible. Cela signifie que son inventivité n’est pas testée. En cas de litige face à un juge, une fois sur deux, il tombe. Les entrepreneurs hésitent donc à breveter leurs inventions puisqu’ils courent le risque d’être sanctionnés pour plagiat ou contrefaçon, même s’ils sont de bonne foi. Le système actuel est donc un frein à l’innovation et à la compétitivité. Voilà pourquoi nous avons profité de la loi Pacte pour rehausser la force du brevet français afin de le mettre au niveau des standards internationaux. Ce travail a été effectué en partenariat avec Marie Lebec, députée LREM des Yvelines qui s’est fortement impliquée sur le sujet.

Désormais, lorsque l’Institut national de la propriété intellectuelle (Inpi) examinera les demandes de brevets, il tiendra compte de l’activité inventive…

Tout à fait. C’est ce critère qui nous permettra de disposer d’un brevet fort. Déterminer l’inventivité sera le travail des ingénieurs brevets de l’Inpi. C’est une rupture puisque pour le moment, cette notion n’est pas testée. Cela permettra d’instaurer un dialogue entre l’inventeur et l’Inpi, dialogue qui pour le moment est rudimentaire.

Cet amendement risque donc de changer la nature du travail de l’Inpi…

Pour l’Inpi, il s’agit d’un véritable projet d’entreprise : hisser le brevet français au niveau des brevets mondiaux. Cela nécessite le recrutement d’une vingtaine d’ingénieurs qui vont apporter une véritable plus-value en accompagnant l’inventeur, notamment en lui donnant des pistes pour que son invention soit brevetée. L’Inpi a été remarquable. Au début, il pensait que la mise en place de la réforme prendrait peut-être dix ans. Celle-ci sera effective dès l’an prochain. En 2020, le brevet français sera enfin fort.

Au-delà de la date d’application, il y a des enseignements à tirer. Cet amendement a été construit avec des avocats, des entrepreneurs, le Cepi, l’Inpi, Bercy… Nous avons tous rapidement cheminés ensemble. C’est un vrai travail de co-construction.

Avez-vous connu des oppositions à cet amendement ?

Une partie du Medef s’est très vite positionnée contre le projet. C’est lors des auditions que nous avons compris pourquoi. Plusieurs grandes entreprises le disent clairement : les brevets, c’est un tableau de chasse. Elles cherchent à en déposer un maximum pour des raisons marketing, pour prouver aux actionnaires que le groupe est dynamique. Peu importe que cela soit innovant ou non. Désormais, il ne sera plus possible de procéder de la sorte.

En tant qu’ancien chef d’entreprise (Gaz de Strasbourg, ndlr), j’ai été frappé par la futilité de cet argument. Déposer un brevet ne doit pas être une activité marketing. Surtout dans un pays discrédité sur la scène internationale pour la valeur relative de ses brevets.

"Déposer un brevet ne doit plus être une activité marketing"

Nous avons convaincu à l’Assemblée. Bruno Le Maire a soutenu notre proposition en évoquant à la tribune un élan nouveau. Le Sénat, pour sa part, a émis des réserves et est revenu pratiquement sur la notion de brevet fort. Il a été influencé par des voix plutôt orientées vers l’intérêt des grands groupes. Nous sommes parvenus à inverser la tendance et à convaincre à nouveau.

Quels seront les changements pour les entrepreneurs ?

La durée de dépôt ne va pas changer. Il en est de même de son coût, même si une hausse marginale est possible. En revanche, le passage au brevet fort est une source d’économie potentielle en termes de frais judiciaires. Aujourd’hui, il est possible de déposer un brevet, le mettre en œuvre, se faire attaquer pour contrefaçon et se retrouver devant le juge avec un brevet faible qui va sauter. Dans ce cas, les frais de justice sont colossaux. Le système que nous mettons en place va drastiquement empêcher ce type de situation. Le brevet sera fort, fiable, ce qui permettra de sortir plus facilement gagnant d’un procès et d’être moins attaqué.

De quoi rassurer les entrepreneurs et les innovateurs. L’insécurité juridique aura moins de raison d’être. Nous espérons que les patrons de PME innoveront plus et oseront déposer leur brevet sans crainte.

D’autre part, nous mettons en place une procédure d’opposition. Il s’agit d’une période fixée par décret qui sera, par exemple, de neuf mois. Durant cette période, il sera possible de challenger l’Inpi sur sa décision d’octroyer un brevet. Il reprendra sa copie et statuera. Une entreprise qui déposera un brevet et qui passera cette étape, pourra se targuer d’une certaine solidité en termes d’innovation. Il sera possible de déposer le brevet de façon fragmentée. Concrètement, une entreprise pourra formuler une demande provisoire de brevet, mettre un pied dans la place en attendant la décision définitive.

Votre amendement s’adresse également aux chercheurs…

Tout à fait. Le système en vigueur est absurde. Prenons un chercheur français qui va travailler plusieurs années sur une invention. Il va faire une annonce sur ses travaux de recherche sans avoir préalablement déposé de brevet, ce qui est souvent le cas. Pour le moment, il se retrouve piégé car son invention et son possible brevet tombent dans le domaine public. Nous avons trouvé une solution pour éviter ce cas de figure.

Propos recueillis par Lucas Jakubowicz

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