Un investisseur ayant un taux d’endettement élevé aura très souvent des difficultés à recourir à l’emprunt pour financer ses opérations immobilières, quand bien même il disposerait de revenus importants. Guillaume Lucchini, associé fondateur, et de Malek Ziane responsable corporate, chez Scala Patrimoine reviennent sur les stratégies à mettre en œuvre y parvenir.

Décideurs. Les approches françaises et anglo-saxonnes en matière d’endettement sont-elles identiques ?

Guillaume Lucchini. Leurs méthodologies sont très différentes. Les acteurs bancaires français sont dans une logique de flux. L’emprunteur doit percevoir des revenus réguliers, qui constitueront la base de calcul du taux d’endettement. Les pays anglo-saxons raisonnent, quant à eux, en termes de patrimoine. Un investisseur ne disposant pas de revenus immédiats peut être capable de rembourser son emprunt grâce à la vente d’un actif immobilier, par exemple. La position française peut conduire à des situations incongrues où l’on peut ne pas prêter d’argent à des personnes disposant d’un patrimoine important, notamment lorsqu’en changeant de travail elles se trouvent en période d’essai.

Quels sont les éléments à prendre en compte avant de recourir à l’endettement ?

G. L. Il faut bien analyser l’investissement souhaité et le taux d’endettement. Si la personne dispose d’une capacité d’investissement confortable, nous allons la diriger vers un emprunt amortissable. Elle pourra alors profiter des taux bas pour emprunter dans d’excellentes conditions. Si son taux d’endettement est trop élevé, nous l’orienterons davantage vers un prêt in fine. L’idée étant de limiter au maximum son taux d’endettement, de sorte que la banque ne prenne en compte que le remboursement de la mensualité, à savoir les intérêts.

« Le taux de 33 % n’est pas apprécié de la même manière selon les revenus »

Dans le cadre d’un prêt in fine, l’établissement prêteur va-t-il prendre des garanties supplémentaires ?

G. L. La banque va prendre une garantie sur l’investissement et nantir une assurance-vie  pour s’assurer du remboursement à l’échéance. Les prêts in fine sont souscrits sur une durée comprise entre sept et quinze ans. Les groupes bancaires français ne prennent pas de risque. Le collatéral, c’est-à-dire l’assurance-vie faisant l’objet du nantissement, doit représenter 100 % de la somme empruntée. L’intérêt pour le client est alors très faible. Nous lui conseillons de viser un collatéral représentant 30 % à 50 % de la somme à rembourser. Toutes les banques ne le font pas, il est donc nécessaire de choisir un partenaire plus souple. Sachant que l’emprunteur doit être capable de mobiliser de l’épargne sur une durée longue.

Le taux d’endettement est un élément très important, mais le taux de 33 % n’est pas apprécié de la même manière selon les revenus. Pour ceux disposant d’un revenu important, nous pouvons travailler sur deux stratégies : le crédit lombard et le crédit hypothécaire.

Qu’est-ce qui distingue le crédit lombard du crédit hypothécaire ?

G. L. Avec un crédit lombard, le client a des sommes immobilisées sur une assurance-vie ou un compte-titres. La banque va ensuite créer une ligne de crédit basée sur ces sommes. Le client reste donc investi, ce qui lui évite d’être imposé lors du rachat de son contrat. Il pourra également concrétiser d’autres opérations qui n’auront pas vocation à être remboursées par l’assurance-vie, mais plutôt par la cession d’actifs. L’investisseur aura la possibilité d’anticiper la transmission de ses biens en utilisant un démembrement de propriété ou l’assurance-vie, sans se séparer de ses actifs. La banque va cependant regarder la loan to value (LTV), c’est-à-dire le risque pris sur le placement. Si le contrat est positionné à 100 % sur un fonds en euros, elle prêtera une somme équivalente, le risque étant faible. Si l’assurance-vie est investie à 40 % en unités de compte, la ligne de crédit sera moins importante.

Avec un crédit hypothécaire, l’établissement bancaire prendra une hypothèque sur un bien immobilier sur lequel il n’y a pas de dettes, le plus souvent des actifs dit « liquides » situés à Paris ou sur la Côte d’Azur. En parallèle, la banque exigera qu’une partie du crédit soit réemployée dans une assurance-vie.

« Il faut bien prendre en compte la sensibilité au risque de chaque investisseur »

Quels conseils peut-on donner aux emprunteurs qui se lancent sur ce type d’opérations ?

G. L. Nous avons monté notre propre structure de courtage et listé les principaux opérateurs intervenant sur le sujet. Il faut bien prendre en compte la sensibilité au risque de chaque investisseur. Ce sont des outils sur lesquels il convient d’être vigilant. Une communication approfondie doit s’opérer en amont avec le client. Notre rôle est de négocier pour eux les meilleures conditions d’emprunt, et notamment de taux.

Les taux bas poussent également les investisseurs à renégocier leurs prêts. Sont-elles ouvertes à la négociation ?

Malek Ziane. Les banques veulent financer des dossiers simples. Peu d’établissements se positionnent sur des financements complexes ou des restructurations financières notamment pour des prêts immobiliers locatifs, en direct ou en SCPI. Avec la faiblesse des taux d’intérêt, renégocier un prêt immobilier peut permettre aux investisseurs de se dégager une faculté d’épargne supplémentaire. Cette réticence des banques, nous en avons fait une force. Car avec le temps nous avons réussi à trouver les bons partenaires. Le client est en recherche d’un accompagnement. Nous lui proposons donc un service sur mesure pour y parvenir.

Propos receuillis par Aurélien Florin

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