Loin de la restructuration de dette de 2014, le groupe 5àsec vise aujourd'hui une croissance tambour battant, notamment à l'international. Le spécialiste du pressing va pouvoir compter sur le soutien d'un nouvel actionnaire financier, Bridgepoint. Nicolas Boucault, président de 5àsec, et Grégory Fradelizi, directeur associé chez Edmond de Rothschild CF, reviennent sur cette opération de financement et sur les fondamentaux de ce marché du nettoyage textile.

Plus de détails sur le deal ici.

 

Dealmakers. 5Àsec repart avec un nouveau sponsor, Bridgepoint. Le management participe également au rachat. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la structure de capital ?

Nicolas Boucault. Le management a effectivement pris une participation au capital, même si à l'échelle du deal les quinze managers restent très minoritaires, autour de 5 %. C'est vraiment Bridgepoint qui est à l'origine de ce buy-out.

 

Dans le cadre du mandat de vente, vous avez dû composer avec les intérêts de fonds n'ayant pas du tout vécu le deal 5àsec de la même manière, certains d'entre eux étant arrivés juste après les temps les plus difficiles du groupe... Comment arbitrer une telle situation ?

Grégory Fradelizi. C'était un mandat de vente intéressant à gérer. Lors de la restructuration en 2014, un waterfall assez complexe a été constitué. Il a fallu satisfaire à la fois les anciens actionnaires et les nouveaux, les banques, les dirigeants... Comme toujours, l'objectif est l'alignement d'intérêts afin que chaque partie obtienne son dû par rapport à une juste valorisation, et que cela soit intelligible pour le sponsor entrant, Bridgepoint. Au final, on débouche sur une valeur de capital de 50 millions d'euros correspondant à 5,3 fois l'Ebitda.

 

Pourquoi ce fonds ? Est-ce l'acquéreur idéal selon vous ?

G. F. Bridgepoint est l'acquéreur idéal car en plus d'un très bon « fit » avec l'équipe de direction de 5àsec, il a bien compris la situation du groupe et lui donnera des moyens conséquents pour se repositionner et se développer. Aux côtés de 5àsec depuis 2007 et le LBO avec Parquest, j'ai pu mesurer le travail accompli par Nicolas et ses équipes ces dernières années. Cela m'a permis de bien appréhender les forces et zones d'amélioration de l'entreprise. Si elle a connu quelques problèmes liés notamment à son haut niveau de dette, elle a conservé une capacité de résilience remarquable grâce à une présence étendue et à un socle solide de chiffre d'affaires et d'Ebitda.

 

N. B. Nous avons eu un coup de cœur pour Bridgepoint. D'abord parce que c'est une belle maison avec les moyens financiers d'organiser notre rachat, mais surtout d'accompagner notre politique de développement ambitieuse. Par ailleurs, Bridgepoint dispose d'équipes habituées à la transformation de business, à l'image de la reprise en main des fonds Edmond de Rothschild... Le métier du pressing évolue rapidement : l'activité globale est stable voire en légère décroissance et il faut vite redéfinir nos services pour retrouver une véritable dynamique positive. Le nouveau paradigme consiste à récupérer l'ensemble du textile des clients .

 

Est-ce que cela va conduire à la suppression des machines à laver personnelles ?

Non, pas dans l'immédiat. Mais nous avons pour objectif de laver tous les vêtements des ménages et plus seulement la veste et le pantalon de costume. Cela explique plusieurs de nos initiatives. Nous avons baissé le prix du nettoyage/repassage de la chemise par exemple. Plus récemment, nous nous sommes attaqués au linge du quotidien en proposant le lavage des vêtements au kilo.

« Plus récemment, nous nous sommes attaqués au linge du quotidien en proposant le lavage des vêtements au kilo »

 

Au-delà de la redéfinition des services dans vos laveries physiques, l'enjeu n'est-il pas de développer l'offre digitale ?

Bien sûr, c'est le deuxième gros vecteur de croissance pour 5àsec. Pourquoi l'usage du digital comme nouveau canal commercial ? Parce que nous souhaitons faciliter l'accès des clients aux offres de pressing. Cela fait un petit moment que nos solutions de nettoyage sont présentes dans des locaux d'entreprise par le biais de casiers où les employés peuvent déposer puis récupérer leur linge. L'acquisition de la start-up GroomBox nous a bien aidés pour aller vite au sein des entreprises. Avec le salarié, nous communiquons sur le Web ou par le biais de l'application mobile dédiée. Cela fonctionne bien à Paris et bientôt dans le reste de l'Europe où nous souhaitons nous implanter.

 

À domicile, pour les particuliers, nous avons lancé notre offre de livraison en début d'année, My5àsec. Nous avons voulu apprendre de ce nouveau métier reposant sur l'utilisation d'une interface digitale pour la commande et la gestion de services, même si nous bénéficions déjà de l'expérience GroomBox. Dans un premier temps, on s'est limité à quelques arrondissements de l'ouest parisien. On a fait des erreurs sur plusieurs sujets et une version rafraîchie de l'application est aujourd'hui à l'essai. Cette mise à jour sera lancée avant la fin de l'année et élargie à l'ensemble de Paris intra-muros. Cette prestation n'est pas offerte sous forme d'abonnement – c'est une idée intéressante que nous explorons – mais tarifée au nombre de pièces par panier. La formule est aussi variable selon que le client souhaite le nettoyage et/ou le repassage. Enfin, nous allons prochainement mettre au point une option permettant au particulier de laisser ses affaires au pressing sans faire la queue pour ensuite venir les collecter de la même manière.

 

Le marché du pressing va-t-il bientôt passer sous la coupe totale du digital ?

Non, je pense que nos points de vente physique vont continuer à générer l'essentiel de notre chiffre d'affaires durant les prochaines années, même si les services connectés vont augmenter leur quote-part. Les pressings sont souvent sur le chemin du boulanger ou du boucher et la clientèle continue à apprécier cette routine du week-end notamment.

 

Vous évoquiez une erreur de développement de l'offre digitale aux particuliers. Est-ce que vous pouvez préciser afin d'informer nos lecteurs et d'avertir les entrepreneurs parmi eux ?

L'erreur principale a été de vouloir reproduire le parcours client en magasin à l'identique dans l'application mobile. Cela ne fonctionnait pas car c'était trop compliqué pour l'utilisateur et il a fallu que nous repartions d'une feuille blanche. Nous avons fluidifié les processus de commande et de suivi afin de faciliter nettement l'usage de l'application digitale. Ces feuilles raturées en France nous servent pour le roll-out de la technologie à l'international, particulièrement en Suisse, en Espagne, et bientôt au Luxembourg et au Portugal, où nous couplons les offres digitale et physique. De plus, nous ouvrons ce mois un pays avec notre premier flagship 5àsec à Jeddah en Arabie saoudite.

 

@ Firmin Sylla

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