À la tête de deux organismes représentant les professionnels de la finance, Pierre de Lauzun présente sa vision sur l’avenir des marchés financiers.

Décideurs. Vous êtes délégué général de l’Association française des marchés financiers (Amafi) depuis 2002 et président de l’International Council of Securities Associations (ICSA) depuis mai 2017. Pouvez-vous nous présenter ces deux organismes ?

Pierre de Lauzun. L’Amafi représente les acteurs des marchés financiers en France. Nous regroupons plus de 140 adhérents, en majorité banques et entreprises d’investissement, mais aussi infrastructures de marché et de post-marché, au total près de 10 000 professionnels. Notre rôle est d’une part d’offrir un cadre d’analyse de la législation et de la réglementation financière à nos membres, à travers des commissions techniques, d’autre part de coopérer avec les autorités en amont de l’élaboration de ces textes. Le Trésor et l’AMF sont nos principaux interlocuteurs dans ce processus. Autre mission clé : faire entendre la voix des professionnels que nous représentons dans le débat public sur le rôle des marchés.

L’ICSA est une structure de concertation et de coordination internationale créée en 1989, qui rassemble de nombreuses associations représentant une grande majorité des acteurs des marchés financiers dans le monde. Elle a surtout vocation à ouvrir le dialogue entre ses membres, mais aussi avec des acteurs institutionnels au niveau international.

Les autorités de régulation sont très présentes depuis quelques années. Le renforcement des règles est-il positif ?

Il apparaît clair que le renforcement du contrôle des marchés après la crise de 2009 était nécessaire. Toutefois, les modalités d’élaboration des règles après la crise sont assez inégales d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique. Aux États-Unis, la marge de manœuvre des agences est beaucoup plus grande qu’en Europe, où les textes législatifs sont très détaillés et les régulateurs ont beaucoup moins de latitude, ce qui rend toute adaptation ultérieure lourde et difficile.

Quel va être l’impact du Brexit sur le secteur financier ?

Le Brexit est un événement majeur pour le secteur financier. Pourtant, la finance est loin d’être prioritaire dans les discussions politiques, notamment dans les vingt-sept pays restant dans l’Union. La City a un poids fondamental, la plus grande partie de l’activité financière européenne étant à Londres. Mais le centre financier de l’Europe peut-il demeurer à l’extérieur de l’Europe ? J’ai tendance à penser que la City perdra des plumes avec le Brexit, mais pas massivement. Pour le moment, certains acteurs de la City créent des entités sur le continent, tout au moins ceux qui n’en ont pas encore, ou les renforcent mais ils ne délocalisent pas le cœur de leur activité. A terme, nous allons avoir en outre à gérer une compétition exacerbée entre la City et les autres places et un possible déséquilibre réglementaire.

« La plus grande partie de l’activité financière européenne est à Londres »

Les chambres de compensation, qui éliminent les risques de contrepartie sur les marchés dérivés, sont au cœur du débat de par leur rôle stratégique. Leur transfert vers l’Europe continentale est-il envisageable ?

L'obligation de compensation centralisée entrée en vigueur en 2009 est, dans le domaine des marchés dérivés, la grande décision européenne d’après la crise, et à laquelle l’Amafi s’est montrée favorable dès 2008. Les pouvoirs publics souhaiteraient, pour des questions de souveraineté et de sécurité, que cette activité soit réalisée dans la zone euro, pour l’ensemble des produits euros. Dans la réalité c’est compliqué. D’abord l’efficacité de la compensation suppose d’avoir une base la plus large possible, en termes de produits comme de participants. Si le marché se coupe en deux, il est plus cher. Ensuite, les acteurs majeurs du marché étant principalement basés à Londres, la difficulté est de trouver un moyen juridique pour les contraindre à compenser leurs opérations en Europe continentale. L’imposer de fait aux seules banques continentales serait contreproductif.

En France, Emmanuel Macron a annoncé des mesures destinées à encourager l’investissement sur les marchés financiers. Quel est votre avis à ce sujet ?

Nous sommes tout à fait favorables à la mise en place d’un taux forfaitaire unique à 30 %, même s’il pourrait être plus réduit. Toutefois, il reste à éclaircir certains points, notamment concernant la suppression de l’abattement de 40 % sur les dividendes, qui serait une grave erreur. Au-delà, ce qui est annoncé par le gouvernement va dans le bon sens mais il faudrait mettre beaucoup plus nettement la priorité sur l’investissement en actions, le plus utile à l’économie. Notamment avec les fonds de pension.

Propos recueillis par Camille Prigent et Tanguy Warsmann

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