Face au partage inéquitable des fruits de la mondialisation, les réactions de rejet se font de plus en plus visibles et la tentation du protectionnisme au sein des pays développés de plus en plus pressante. Face à cette réalité, beaucoup en appellent à une nouvelle culture de la solidarité.

→ Rencontres économiques d’Aix 2017

Présent aux Rencontres économiques d’Aix, l’ancien ministre des affaires étrangères, Hubert Védrine, voit dans le « décrochage des classes moyennes qui, en Occident, ne croient plus que la mondialisation puisse leur profiter » le symptôme d’une faillite. Celle d’une élite qui n’a pas su rendre la mondialisation inclusive et la prospérité partagée et qui, de ce fait, a alimenté la monté d’un « scepticisme aux manifestations de plus en plus agressives au sein d’une part importante de la population. » La plus visible et la plus inquiétante étant la tentation d’un protectionnisme qui, légitimée par la montée des populismes, gagne un nombre croissant de pays développés.

Un constat inquiétant pour Hubert Védrine qui insiste : en aucun cas le protectionnisme ne saurait être une solution à la montée des inégalités au sein des nations, bien au contraire. « Le protectionnisme n’emmène pas la prospérité, il la menace », assène-t-il avant de rappeler l’urgence, pour les pays développés, de travailler à rendre la mondialisation plus inclusive.

Vers une mondialisation inclusive

Une position partagée par Hélène Rey, membre du Cercle des économistes, pour qui le fait que la redistribution des bénéfices de la mondialisation demeure aussi déséquilibrée s’explique  clairement par un manque de volonté politique. « Force est de constater que, jusqu’à maintenant, les politiques n’ont pas su, ou pas voulu, organiser cette redistribution, affirme-t-elle. D’où la montée de plus en plus visible d’une contestation, d’un rejet de la mondialisation ».

Une mondialisation à laquelle il serait aujourd’hui impensable de renoncer  tant les économies mondiales sont interconnectées, souligne Jean-Pierre Clamadieu, président du comité exécutif de Solvay, rappelant que « le fait que les supply chains soient mondiales permet de développer des produits à un coût acceptable pour le consommateur ». Reste donc à humaniser cette mondialisation. À la rendre inclusive et profitable au plus grand nombre. Un objectif qui, de l’avis de tous, ne pourra être atteint sans une impulsion forte des États.

« Impératif de solidarité »

Membre du Cercle des économistes, Pierre Jacquet explique. « Le défi actuel est le creusement des inégalités au sein des nations, or une globalisation bien gérée dépend de nations bien gérées et vice-versa. Cette complémentarité est essentielle ». Et pour être effectives, les politiques publiques doivent avoir un rôle de catalyseur des énergies – celles des individus, des entreprises, des institutions, des associations… D’où l’urgence, selon Pierre-André de Chalendar, de réinventer le rôle de l’État. « Celui-ci doit devenir à la fois coordinateur, initiateur et moteur pour faire émerger les politiques publiques qui vont vers plus de solidarité. Pour que l’altruisme devienne un projet collectif et individuel », insiste le Pdg de Saint-Gobain.  

« Notre économie doit basculer vers une économie du partage, confirme Jacques Attali. C’est cela qui réduira les inégalités : lorsqu’enfin on comprendra qu’on a intérêt à être altruiste ». Une opinion largement partagée par Esther Duflo, économiste spécialiste de la pauvreté et de l’économie du développement, pour qui il existe aujourd’hui un véritable « impératif de solidarité ». Une urgence mondiale que les dirigeants des pays développés ne pourront ignorer plus longtemps.

Caroline Castets

 

 

 

 

 

 

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