Les investisseurs français et internationaux ont particulièrement apprécié les résultats de l’élection présidentielle française. La prime de risque politique qui pesait sur les actions européennes s’est considérablement réduite. Mais Guillaume Dard, le président de Montpensier Finance, garde la tête froide, le regard tourné vers la politique de Donald Trump et les questions relatives à l’endettement de l’économie chinoise.

Décideurs. Avec l’élection d’Emmanuel Macon et l’éloignement du risque de l’arrivée au pouvoir d’un parti anti-européen, les investisseurs ont montré plus d’intérêt pour le marché français. Cette dynamique peut-elle s’inscrire à plus long terme ?

Guillaume Dard. Cette prime de risque ne pesait pas uniquement sur le marché français mais sur l’ensemble des bourses européennes. Les indices italiens mais aussi hollandais et allemands ont rebondi à l’annonce des résultats du premier tour. Même les marchés américains et japonais ont salué l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir. C’est la première fois qu’une prime de risque française pesait sur les marchés mondiaux. Ce risque politique écarté, nous entrons désormais dans une nouvelle phase où les investisseurs se montreront attentifs à la politique menée par Donald Trump et à l’évolution de la dette chinoise.

 

Les investisseurs ont également l’espoir que l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir relance le couple franco-allemand.

Jusqu’à présent, la classe économique et politique allemande était profondément dubitative sur la capacité de la France à se réformer. C’est aujourd’hui l’espoir numéro un. En donnant des signes favorables à une réforme du pays, Emmanuel Macron pourrait obtenir une attitude plus ouverte et conciliante de l’Allemagne vis-à-vis du reste de l’Europe. Les Allemands seraient davantage enclin à laisser Mario Draghi poursuivre sa politique monétaire accommodante.

C’est la première fois qu’une prime de risque française pesait sur les marchés mondiaux

 

Les élections législatives et une possible cohabitation peuvent-elle avoir des conséquences sur les marchés financiers ?

La France est un cas intéressant en matière de science politique. En fonction des résultats de ces élections, elle se trouvera, soit dans un régime présidentiel, soit dans un régime législatif. En cas de cohabitation, c’est le Premier ministre qui aura le pouvoir politique et économique. Aujourd’hui, l’inquiétude potentielle des marchés serait qu’il n’y ait pas de majorité de gouvernement cohérente, c‘est-à-dire ni majorité « mono-parti » ni coalition convenablement soudée. La France a déjà vécu un exemple de coalition en 1988. Après sa réélection présidentielle, François Mitterrand n’avait pas obtenu de majorité absolue aux législatives. Le gouvernement de Michel Rocard avait alors bénéficié du soutien d’un certain nombre de centristes à l’image de Raymond Barre. Sur le plan institutionnel, cela avait d’ailleurs plutôt bien fonctionné. Quoi qu’il en soit, ce sujet ne semble pas inquiéter outre-mesure les marchés internationaux.

 

L’inquiétude des marchés liée à l’élection de Donald Trump s’est très vite dissipée. Les investisseurs appréciant l’idée d’une baisse des impôts et de la mise en œuvre d’une politique de relance budgétaire. L’échec de la réforme de l’Obamacare jette-t-elle le discrédit sur sa capacité à mener à bien ces différents projets ?

À ce jour, Donald Trump n’a mis en œuvre aucune des mesures envisagées. Pour l’instant, cela n’a pas de conséquences sur les marchés US, actuellement au plus haut. Ce calme s’explique par le fait que l’économie américaine n’avait pas besoin d’un plan de relance à court terme. C’est à la rentrée que les marchés vont attendre Donald Trump au tournant. Il devra alors montrer qu’il est capable d’appliquer une partie au moins de son programme et particulièrement la baisse des impôts promise.

À ce jour, Donald Trump n’a mis en œuvre aucune des mesures envisagées

 

Qu’en est-il de sa politique internationale ?

Il a été globalement aimable avec le Premier ministre japonais Shinz? Abe, très mal élevé avec la chancelière allemande Angela Merkel et finalement très conciliant avec le président de la République populaire de Chine Xi Jinping. C’est donc avec l’Europe que les relations sont les plus difficiles.

 

L’imprévisibilité de Donald Trump n’inquiète-t-elle pas les investisseurs ?

Cela pourrait notamment devenir le cas si le Président américain revenait sur l’accord secret conclu à Shanghai en février 2016 et instaurant une trêve des changes. Le risque étant que Donald Trump ne se sente pas tenu par un accord qu’il n’a pas passé lui-même. S’agissant des relations avec la Russie, c’est un facteur de tension, mais les investisseurs, à tort ou à raison, ne pensent pas que cela puisse influencer la bonne marche de l’économie mondiale.

Il semble logique que les investisseurs très longs en actions prennent des premiers profits 

 

En Chine, c’est le niveau d’endettement qui pose question.

Xi Jinping va entamer en octobre son deuxième mandat à la tête de la République populaire de Chine. Durant les dix-huit derniers mois, il a mené une politique de relance significative pour s’assurer d’une paix sociale dans le pays. Conséquence, la bulle de crédit chinoise est susceptible de faire passer un jour la crise « des subprimes » comme un épiphénomène à côté de la crise chinoise potentielle.

À court terme, les autorités chinoises peuvent contrôler ce risque. Dans une économie administrée comme l’est celle de la Chine, les contraintes ne sont pas les mêmes que dans une économie pleinement ouverte. Mais la question commence à inquiéter Xi Jinping lui-même qui est intervenu pour dire qu’il était temps de mettre de l’ordre dans la finance non réglementée chinoise, ce qui a d’ailleurs provoqué un mini krach obligataire.

 

Quelles sont vos stratégies d’investissement pour le second semestre 2017 ?

Les marchés viennent de vivre une période haussière très significative. Compte tenu du niveau des valorisations, il semble logique que les investisseurs très longs en actions prennent des premiers profits. Pour nos investissements obligataires, nous privilégions des durations courtes, avec un intérêt plus marqué pour les convertibles. Sur la partie investie en actions, nous sommes actuellement en dessous de notre pivot, sans être particulièrement pessimistes. Nous pensons que les valorisations des titres européens sont à leur prix mais bien soutenues par les beaux résultats des entreprises, alors qu’aux États-Unis Wall Street est un peu cher, comme souvent. Concernant les marchés émergents, il convient d’être plus sélectif car leur évolution sera très dépendante du marché chinois. Cependant, il ne faut jamais oublier que les marchés d’actions en phase ascendante vont toujours plus hauts qu’on ne le prévoit. 

 

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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