Dans un marché obligataire rendu complexe par l’intervention des banques centrales, s’affranchir des contraintes géographiques pour aller chercher de la performance en dehors de la zone euro est un atout précieux. C’est ce que nous explique le gérant d’Amundi Oblig Internationales, Cédric Morisseau.

Décideurs. Soutenu par les anticipations de hausse des taux de la Fed, le taux à dix ans US est remonte au cours du troisième trimestre 2016. Quelles en sont les incidences ?

Cédric Morisseau. Pour les investisseurs américains, ce récent mouvement redonne davantage d’intérêt à ces émissions obligataires, le rendement devenant plus attractif. S’agissant des investisseurs européens, cette opportunité doit être relativisée au regard du coût d’emprunt en dollars, de l’ordre de 1,70 % par an. Ainsi, un gérant obligataire européen qui se positionnerait sur le taux US 10 ans, rapportant 1,75 %, à la place du « 10 ans » allemand, qui offre une rémunération de 5 points de base, verrait son gain complètement neutralisé.

Un distinguo doit être fait entre les obligations souveraines core et celles émises par les États périphériques

 

L'anée 2016 a encore été marquée par l’appétit des investisseurs pour le marché obligataire européen. Comment l’expliquez-vous ?

En zone euro, les taux d’intérêt ont continué de baisser, suite aux achats massifs de la BCE, ce qui a mécaniquement provoqué un renchérissement du prix des obligations. Il convient toutefois de discerner les dettes souveraines des dettes privées, qui offrent des rendements plus attractifs. Au sein même des obligations d’État, un distinguo doit également être fait entre les obligations souveraines core, symbolisées par des pays comme l’Allemagne et la France, et celles émises par les États périphériques. Les obligations italiennes, espagnoles ou portugaises proposent une rémunération bien plus intéressante. Les taux portugais à dix ans affichent par exemple un rendement de 3,25 %.

La Banque centrale européenne va probablement prolonger sa politique de rachat de titres au-delà de mars 2017. Cet élément sera à n’en pas douter un précieux soutien au marché obligataire de la zone euro. Enfin, il ne faut pas omettre les effets liés à la régulation, les investisseurs étant obligés d’acquérir des obligations de bon rating de la zone euro.

 

Des entreprises comme Sanofi ont réalisé des émissions obligataires à taux négatif. Le marché paraît tellement anesthésié par les politiques des banques centrales qu’il ne semble plus en mesure de donner une valeur au risque.

Les taux négatifs sont un non-sens total. 50 % des obligations souveraines émises au sein de la zone euro se trouvent en territoire négatif. Un investisseur qui prend le risque de prêter de l’argent à un agent économique peut ainsi être amené à le rémunérer pour cela ! Certes, il peut gagner à court terme, si les taux d’intérêt continuent de baisser. Mais à plus long terme cela peut soulever de nombreuses inquiétudes (risque asymétrique), d’autant plus que la situation politique en zone euro pourrait être source de forte volatilité dans l’année à venir. Or, la prime de risque est aujourd’hui proche de 0, voire négative.

La dette brésilienne émise en real brésilien offre ainsi un rendement entre 13 % et 14 % sur un an

 

Où aller chercher du rendement dans l'environnement international ?

Nous sommes positionnés à hauteur de 20 % sur les dettes émergentes. Une stratégie d’investissement sélective qui est principalement dirigée vers des dettes souveraines telles que celle du Brésil, du Mexique, de la Russie, de l’Indonésie et de la Croatie. Pourquoi cet attrait ? Car les fondamentaux de ces pays s’améliorent significativement. Cette classe d’actifs a par ailleurs été fortement délaissée ces dernières années. Une désaffection qui a donc entraîné une sous-exposition des investisseurs, ce qui est pour nous également un facteur positif.  Enfin, ces investissements doivent être analysés en fonction du rendement qu’ils proposent. Pour certains de ces pays, les investisseurs perçoivent aujourd’hui une véritable prime de risque qui les rémunère correctement face aux incertitudes économiques et politiques. La dette brésilienne émise en real brésilien offre ainsi un rendement entre 13 % et 14 % sur un an. Un chiffre à mettre en perspective avec les rendements proposés par les pays européens dont la prime de risque nous semble globalement sous-évaluée. 

 

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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