Le Japon est confronté à un déclin démographique inexorable. Une situation dans laquelle le gérant d’Aviva Investors, spécialisé sur le marché japonais, perçoit de grandes sources d’opportunités.

Décideurs. Quelles sont les spécificités de l’environnement économique et politique au Japon ?

Jean-François Chambon. Le Japon est un pays exportateur. Son économie est donc dépendante de la santé de tous ses clients, c’est-à-dire de l'Asie, de l'Europe et des États-Unis. Il ne faut pas rêver d'une forte croissance pour le pays. A contrario, il serait bien mal venu pour les investisseurs de tomber dans un excès d'inquiétudes puisque les économies de leurs clients se sont consolidées et que le Japon connaît une situation de plein emploi. Autre avantage et non des moindres : la stabilité politique actuelle du Japon depuis le retour au pouvoir de Shinzo Abe. Le premier ministre demeure très apprécié du peuple japonais. La popularité trouve une partie de son explication dans le programme des Trois flèches. Culturellement cette image a touché les japonais. Il évoque, en effet, l’histoire d’un samouraï ayant confié à chacun de ses trois fils une flèche et leur ayant appris que pour être forts, ils devraient rester unis.

L'épargne des ménages représente trois fois le PIB du Japon

 

Le Japon doit à la fois faire face à une croissance faible mais aussi à une dette importante.

La croissance du pays oscille entre 0,5 % et 1 %. Quant à la dette japonaise, elle atteint 240 % du PIB. Celle-ci ne représente cependant pas un danger pour le Japon. L'État détient, en effet, de nombreux actifs, de l’ordre de  100 % du PIB. Les compagnies japonaises disposent, par ailleurs, d’importantes liquidités. Les ménages ne sont d’ailleurs pas en reste, leur épargne représentant trois fois le PIB.

 

Cette épargne pourrait donc être un précieux soutien à la consommation ?

Durant ces quinze dernières années, l’économie japonaise s’est caractérisée par une inflation négative. Les prix ont baissé chaque année, ce qui a poussé les ménages à retarder leur consommation. C’est un cercle vicieux. Les sociétés qui lancent de nouveaux produits ne peuvent alors pas les commercialiser à des prix  trop élevés. Pour préserver leur marge, elles sont contraintes de baisser les salaires.  Il était donc essentiel pour le pays de sortir de cette spirale, ce que Kuroda de la Banque du Japon a réussi à faire.

L’accélération de la robotisation est une priorité de Shinzo Abe

 

Quels thèmes d’investissement avez-vous décelés ?

Il faut savoir transformer les contraintes en opportunités. L’histoire du pays est faite de grands changements. Le Japon doit composer avec une baisse et un vieillissement de sa population. Or l’accélération de la robotisation est une priorité de Shinzo Abe. Une dynamique désormais visible dans le secteur de services, notamment à destination des personnes âgées. Nous pensons également que le Japon peut tirer profit de l'émergence d'une classe moyenne en Asie avec notamment le développement du tourisme et les besoins en automatisation des chaînes de production notamment en Chine. Autre révolution culturelle, le retour des femmes au travail après la naissance de leur premier enfant. Cela signifie l’émergence de nouveaux services, plus de crèches et de maisons de retraite pour prendre en charge leurs enfants et les personnes âgées dont elles pouvaient s’occuper. Avec leur retour au travail, elles ont également moins de temps pour cuisiner. Une véritable économie est en train de se développer sur les plats à emporter. Ce phénomène est appelé womenomics.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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