Au-delà de l’impact économique et monétaire, le référendum actuel sera nécessairement lourd de conséquences géopolitiques. Explications.

Brexit or Bremain ? Difficile à dire à l’heure à laquelle nous bouclons cet article. Conformément aux prédictions des derniers jours, les deux camps demeurent au coude à coude et les paris ouverts, déchaînant les passions et multipliant les prédictions de tous types.  Conséquences sur les marchés –« la livre sterling pourrait chuter de 15 à 20% contre le dollar, poussant l’euro/sterling vers la parité et déclenchant une flambée d’inflation », selon HSBC –, les entreprises, la croissance et le PIB, fort risque d’instabilité financière pour l’Europe tout entière, voire de crise à la Lehman Brothers… la liste noire des effets secondaires d’un Brexit sur les économies françaises et européennes est désormais connue. Au point qu’on en oublierait presque les autres. Ces effets moins visibles et non moins désastreux qui accompagneraient non seulement une sortie du Royaume-Uni, mais aussi son maintien à conditions négociées au sein de l’Union européenne rappelle Charles Nicolas, directeur général adjoint de l’Institut Montaigne.

 

« Si le Bremain l’emporte, on ignore à quel prix le Royaume-Uni restera dans l’Europe »

 

Pour lui, aucun doute : les deux options comportent le même lot d’incertitudes et surtout, véhiculent le même message négatif sur l’Europe. Message qui, insiste-t-il, dépasse de beaucoup les seuls enjeux économiques et financiers sur lesquels focalisent, depuis des mois, analystes et politiques.

 

Un message de fragilité et de division

« Un Brexit aurait évidemment des effets lourds sur l’économie, mais les conséquences en termes géopolitiques le seraient tout autant, souligne Charles Nicolas. Une sortie du Royaume-Uni enverrait un message désastreux au monde : un message de fragilité et de division à l’heure même où l’instabilité et l’insécurité du contexte mondial requiert que l’Europe apparaisse comme un pilier solide, une zone de stabilité capable de répondre à la fois aux problématiques de compétitivité et aux enjeux croissants liés à l’insécurité. »

Pour l’analyste, afficher un tel message de « dislocation » pourrait avoir des conséquences désastreuses, notamment en favorisant l’émergence, au sein de mouvements populistes, de revendications directement inspirées des exigences britanniques. Cela porterait un coup d’arrêt au projet d’intégration – économique, monétaire et politique – à l’origine de la construction européenne, le remplaçant par l’émergence d’une « Europe à la carte » permettant à chacun de bénéficier des avantages de l’Union européenne sans se soumettre à ce qu’ils pourraient percevoir comme des entraves à leur souveraineté. Une perspective d’autant plus alarmante que, note Charles Nicolas, si la sphère économique se prépare depuis des mois aux conséquences qu’aurait l’éventualité d’un Brexit sur leur domaine d’activité, il n’en est rien côté politique. « Le fait que les dirigeants politiques n’aient pour l’heure aucun plan de relance, aucun projet en cas de sortie du Royaume-Uni contribuera à renvoyer l’image d’une Europe affaiblie, incapable de répondre au coup qui lui est porté. »

 

Vers une Europe « à la carte »

Quant à une victoire du Bremain, celle-ci permettrait certes d’éviter le pire, mais ne constituerait en aucun cas une réponse satisfaisante à la crise actuelle, l’accord de février sur les conditions de maintien du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne restant une option à haut risque pour l’Europe et son projet de départ.  « Là encore, les incertitudes sont nombreuses : si le Bremain l’emporte, on ignore à quel prix le Royaume-Uni restera dans l’Europe », explique Charles Nicolas pour qui cette option ne comporte qu’une certitude : « Elle marquera la fin de "l’Union sans cesse plus étroite" spécifiée dans le traité. » De quoi ouvrir une brèche inquiétante dans un des principes fondamentaux de l’Union européenne, tout comme celui que constituait, jusqu’alors, la libre circulation des travailleurs et des personnes. Principe lui aussi impacté par les conditions spéciales négociées par le Royaume-Uni en février et qui ne manqueront pas de s’appliquer en cas de Bremain.

 

Caroline Castets

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