En prenant la tête du Crédit mutuel à seulement 50 ans, il devient le plus jeune président d'une banque française. Pour faire oublier Michel Lucas, son patron historique, il devra mettre un terme aux querelles entre Est et Ouest.

À la tête de la banque depuis 1971, Michel Lucas tire sa référence. Nicolas Théry, qui lui avait déjà succédé en début d’année à la présidence de la Fédération Centre Est Europe, a été élu président de la Confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM). À seulement 50 ans, il devient le plus jeune patron d'une banque française. Pascal Durand, jusqu’alors patron du Crédit mutuel Maine-Anjou, Basse-Normandie, est quant à lui nommé directeur général.

 

Des envies de scission

 

Si, avec plus trois milliards d’euros de bénéfice en 2015, la banque mutualiste affiche d’excellents résultats financiers, elle traverse depuis de nombreuses années une crise interne sans précédent entre l’Est et l’Ouest. Des tensions que Michel Lucas nourrissaient. Alors que Crédit mutuel Arkéa, basé à Brest, n’avait produit que 9 % des résultats du groupe, l’ancien président mettait en garde : « Lorsqu’Arkéa va sur les marchés extérieurs pour se financer, il faut bien qu’il soit conscient que c’est la solidité globale du groupe qui est prise en compte, pas les données locales. » Un moyen aussi de couper court à toute tentation de scission.

 

Dans un tel environnement, la principale tâche de Nicolas Théry sera de renouer le contact. Une mission qui s’annonce compliquée. Lors de la dernière assemblée générale, les sociétaires ont validé la réforme des statuts de la structure de tête du Crédit mutuel. Or, le Crédit mutuel Arkéa (CMA), qui réunit le Crédit mutuel de Bretagne, du Sud-Ouest et du Massif central, y est farouchement opposé. Pire encore, il n’exclut pas de déposer un recours. Pourquoi une telle défiance face à ce nouveau statut ? Afin de répondre aux demandes des instances de tutelle et de supervision, la confédération va réduire son nombre d’administrateurs à dix-huit (dont deux administrateurs indépendants) et instituer une direction générale distincte de celle des groupes régionaux. Autant de nouveautés qui risquent de faire perdre du poids aux fédérations de l’Ouest dans la confédération.

 

Ce major de l’ENA pourra se servir de son expérience dans la sphère publique pour y arriver. En 1997, il rejoint le cabinet de Dominique Strauss-Kahn, alors ministre de l'Économie et des Finances, comme conseiller chargé des affaires bancaires. Sous les ordres de François Villeroy de Galhau, il doit gérer la crise des entreprises publiques financières : le Crédit lyonnais, Gan, la Marseillaise de crédit… Alors que tout le monde lui prédit une carrière fulgurante, il surprend en  rejoignant, en 2000, la CFDT en tant que secrétaire confédéral pour les questions économiques. Deux ans plus tard, il intègre le cabinet de Pascal Lamy alors commissaire européen pour le Commerce international. En 2004, il tente de s’imposer à la Commission européenne mais il paie son image de gauche et finit par être mis au placard. Cinq ans plus tard, il rejoint le Crédit mutuel à Strasbourg. En seulement sept ans, il s’impose comme l’homme incontournable pour remplacer Michel Lucas. Son secret ? Avoir obtenu  le soutien de Michel Lucas grâce à sa discrétion et sa force de travail. Cela sera-t-il suffisant pour séduire les dirigeants du Crédit mutuel Arkéa ?

 

Vincent Paes

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