AG2R La Mondiale est le quatrième plus grand intervenant sur le marché de la complémentaire santé. Avec 1 800 commerciaux spécialisés sur les entreprises, le courtage national et régional et une équipe dédiée à la négociation des accords de branche, le groupe s’est donné un défi de taille : prendre 10 % de parts de marché soit 40 000 nouvelles entreprises. Rencontre avec son directeur général délégué.

Décideurs. Les nouvelles dispositions de l’ANI constituent-elle un avantage pour le salarié ?

 

Philippe Dabat. Oui, c’est une bonne chose à la condition que le chef d’entreprise choisisse un contrat qui offre aux salariés les mêmes garanties que celles dont ils disposaient avant à titre personnel. Néanmoins, pour les très petites entreprises, le risque est que certains dirigeants ne cherchent à remplir que leur obligation minimale. Or, l’ANI ne concerne que le salarié et non le conjoint ou la famille, il est donc évident que le panier de soin ne suffira pas. Nombreux sont ceux qui devront prendre une sur-complémentaire. Dans ce cas, ils n’auront plus la liberté de choix car, avec le tiers-payant, la mutuelle est chaînée à la sécurité sociale, mais les systèmes informatiques ne savent pas chaîner les mutuelles entre elles. Le salarié devra alors s’engager avec l’organisme qu’aura choisi l’entreprise. Souvent, l’assureur, par un prix d’appel très bas, attire les entreprises et propose par la suite des renforts individuels très chers : le salarié est piégé.

 

Décideurs. Les entreprises peuvent-elles optimiser leurs dépenses de complémentaire santé sans baisser le niveau des prestations offertes aux salariés ?

 

P. D. Nous estimons que l’équilibre pour un contrat socle s’établit à 28 euros par mois, par salarié. Aujourd’hui, certain  vendent – à perte – à environ quinze euros et se rattrapent avec la sur-complémentaire. C’est un mauvais calcul de la part du chef d’entreprise que de choisir ce type de contrat bas de gamme car cela entraînera le mécontentement des salariés. Une  bonne couverture permet au salarié à la fois d’arrêter sa mutuelle personnelle et de gagner en pouvoir d’achat. Pour preuve, un calcul simple : une cotisation santé de 100 euros coûte 108 euros à l’entreprise, tandis qu’une augmentation salariale sur la même base lui coûte 150 euros. C’est une réelle motivation pour l’employeur et pour le salarié.

 

Décideurs. Quelles sont pour vous les opportunités afférentes au texte ?

 

P. D. Avant le texte, 94 % des salariés bénéficiaient d’une mutuelle personnelle ou par l’intermédiaire de leur entreprise. Nous allons donc assister à un transfert de l’individuel vers le collectif, car la plupart des salariés vont  choisir de réduire ou d’arrêter leur complémentaire personnelle. D’autre part, l’ANI a accéléré les discussions dans les branches. Notre enjeu : les accompagner pour être recommandés. Car si le chef d’entreprise dispose de la liberté de choix de ses prestataires, il doit avant tout respecter l’accord de branche.

 

Décideurs. La concentration amorcée de ce marché en particulier au sein des mutuelles ne va-t-elle pas s’accentuer ? Qui selon vous seront les grands gagnants ?

 

P. D. Le marché va se fragmenter entre un grand nombre d’intervenants. Les acteurs qui vont réussir auront la capacité de proposer les deux types d’offres, individuelles et collectives, pour répondre aux demandes de sur-complémentaires. Ce sont ceux également qui pourront envoyer des commerciaux sur le terrain, car il va falloir aller chercher les entreprises non équipées, estimées à 400 000. Ce défi est majeur  car personne n’a assez de commerciaux pour aller toucher autant  d’entreprises d’ici le 1er janvier. Enfin, il faut accompagner le chef d’entreprise dans ces démarches complexes. Nous devons simplifier la tâche à nos  assurés (extranet, réseaux de soins, services de prévention …).

Naturellement, les groupes qui connaissent les entreprises seront favorisés, notamment les institutions de prévoyance, les banques, les assurances. Mais vendre de la santé collective ne s’improvise pas et à ce jeu les mutuelles, les assureurs santé et les instituts de prévoyance pourront se distinguer. Un  nouvel équilibre va donc s’opérer sur le marché. De manière globale, nous allons tous perdre de la rentabilité car l’individuel est sensiblement plus rentable que le collectif.

 

Propos recueillis par Julie Atlan

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