Décideu. Après plusieu années passées aux États-Unis, vous venez tous les deux de réintégrer respectivement les équipes parisiennes de restructuring de Rothschild et d’Orrick. Quelles différences cotatez-vous entre la France et les États-Unis da leur approche du métier ?

Décideurs. Après plusieurs années passées aux États-Unis, vous venez tous les deux de réintégrer respectivement les équipes parisiennes de restructuring de Rothschild et d’Orrick. Quelles différences constatez-vous entre la France et les États-Unis dans leur approche du métier ?

Charles Mussat. Malgré d’apparentes similitudes, la procédure de sauvegarde française et le Chapter 11 américain ont des effets très différents. Globalement, le régime français est favorable à l’emprunteur car il a pour objectif de sauver l’entreprise et l’emploi. C’est également un système essentiellement judiciaire : les tribunaux et les organes parajudiciaires y jouent un rôle prépondérant.

Matthieu Grollemund. Le régime américain, quant à lui, s’attache à sauver les activités ayant démontré leur viabilité tout en visant à désintéresser les créanciers. Il est essentiellement contractuel et laisse débiteurs et créanciers négocier entre eux. Le tribunal conserve un rôle d’arbitre et l’US Trustee intervient pour organiser et administrer la procédure. De façon générale, les prêteurs bénéficient d’une meilleure protection.


Décideurs. Pourriez-vous nous donner un exemple ?

C. M. Les cessions d'actifs via la procédure des articles 363 (b) et (c) du Chapter 11 illustrent bien cette différence d'approche. Il s’agit d’un outil de restructuration très efficace qui permet, par une procédure transparente et encadrée dans le temps, de préserver les branches d'activité de valeur tout en maximisant le remboursement des créanciers.

M. G. Classiquement, une société en difficulté a trois solutions : elle peut choisir une cession classique d'actifs en dehors du Chapter 11, une réorganisation sous l'égide du Chapter 11. Elle peut aussi, toujours sous le régime du Chapter 11, opter pour une cession d'actifs sous l'égide du tribunal, organisée selon les dispositions de la section 363 du US Bankruptcy Code.
En 363, un débiteur peut vendre des biens dans un processus d'enchère organisé, encadré par le tribunal et limité dans le temps. Un tel processus dure généralement moins de trois mois, l'enchère elle-même pouvant se limiter à quelques jours. Une fois validée, cette cession permettra le transfert d'actifs ou branches d'activités débarrassés des suretés et de tout ou partie de leurs passifs. Le tribunal confirme ensuite la vente par un jugement. Pour approuver la cession, le tribunal a pour seule véritable obligation de démontrer que l’actif a été cédé au mieux-disant dans le cadre d’une enchère ouverte.


Décideurs. Du côté de l’acheteur, quels sont les avantages de la procédure 363 ?

M. G. L'avantage majeur de ce processus réside dans la définition du périmètre acquis. L’offre n’est pas restreinte et peut porter sur un actif spécifique ou une branche d’activité. L’acheteur a la main pour sélectionner les actifs qui l’intéressent (cherry pick), ainsi que les contrats qu'il souhaite reprendre. Il identifie aussi précisément les dettes qu'il entend assumer.

C. M. Au cours de ce processus, le premier acheteur potentiel à se manifester bénéficie d’un avantage majeur. Surnommé le «?lièvre?», ou «?stalking horse?» aux États-Unis, son offre déclenche un processus concurrentiel et fixe, de facto, un seuil de valorisation. En contrepartie, il se voit rembourser une partie de ses frais et percevra un dédommagement (break-up fee ; généralement de 1 à 3 %) s’il ne remporte pas les enchères. Par ailleurs, il agit souvent en amont du début officiel du processus d’enchère, ce qui lui permet de disposer d’un délai plus long de due diligence. En 2009, dans plus de 80?% des cas, le stalking horse a remporté l’enchère.

M. G. Par sa rapidité et son orientation très pragmatique, la procédure 363 permet d'assurer la pérennité des activités rentables au sein d'une entreprise en difficulté. Même si a priori, les considérations relatives à l'emploi sont secondaires, une opération rapide est fréquemment la meilleure façon de préserver l’activité restructurée et donc in fine bénéfique au maintien de l'emploi. Cette procédure permet également de maximiser le désintéressement des créanciers en s'assurant que les actifs ont été cédés au plus offrant.

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