Pour le responsable Emea des institutions financières non bancaires, "les nouveaux moyens de paiement pourraient révolutionner la banque transactionnelle".
Décideurs. Le marché de la banque transactionnelle peut-il se jouer sur l’innovation ?

Emmanuel de Rességuier.
Le domaine des nouvelles technologies pourrait fortement influencer le système bancaire dans les années qui viennent, et particulièrement le modèle des banques transactionnelles. Ceux qui sauront s’en inspirer auront un avantage décisif en proposant à leurs clients des offres intégrées performantes. Les innovations que nous suivons le plus sont celles développées par les acteurs des nouveaux moyens de paiement type Paypal qui ont des politiques R&D complètement différentes des nôtres. À la différence des banques, leur écosystème est basé sur une logique de ruptures technologiques qui peuvent s’avérer être des atouts décisifs. Ces nouveaux acteurs ont d’abord été perçus comme des concurrents par certaines banques. Mais la relation que nous voulons créer chez Deutsche Bank avec eux est identique à celle que les opérateurs de téléphonie mobile entretiennent avec les MVNO (les opérateurs de réseau mobile virtuel). Ils ont leur utilité en allant chercher des clients que nous ne pouvons pas atteindre. Chez Deutsche Bank, nous avons choisi de les accompagner en variabilisant le plus possible les coûts pour ne pas handicaper leur croissance. Cela nous permet aussi de bénéficier des innovations de rupture qui pourraient être découvertes par ces nouveaux acteurs.


Décideurs. Comment se positionne Deutsche Bank sur ce marché ?

E. de R.
La banque transactionnelle est un pilier majeur du groupe Deutsche Bank, au même titre que la banque d’investissement, la banque de détail et la gestion d’actifs. Cette activité représente aujourd’hui un chiffre d’affaires de quatre milliards d’euros, et affiche des taux de croissance à deux chiffres, y compris en Europe. Nous souhaitons naturellement continuer à développer ces métiers, qui jouissent d’un business model robuste et extrêmement résilient aux chocs externes. Les résultats (Ibit) de la banque transactionnelle ont augmenté en moyenne de 24 % par an entre 2004 et 2011 au niveau mondial. Notre avantage comparatif réside clairement dans la technologie avec un âge moyen des systèmes d’environ deux-trois ans. Et nous continuons à investir lourdement, avec notamment 140 millions d’euros supplémentaires alloués au développement des infrastructures cette année. Cela nous a d’abord permis de conquérir des parts de marché sur certains secteurs complexes tels que le Forex ou le correspondent banking. En termes de compétitivité, nous ne sommes peut-être pas les moins chers comparés à certaines offres low cost, mais nous nous attachons à offrir le meilleur rapport qualité-prix dans le cadre d’une relation globale. L’un de nos vecteurs de développement actuel a trait aux institutions financières non bancaires telles que les assureurs, les asset managers, les établissements de paiement, etc. Ces entités ont des modes de fonctionnement similaires à ceux des corporates, mais elles ont des contraintes réglementaires proches de celles des banques. Nous leur proposons un service de grande qualité avec une pratique de « one stop shop », ce qui a pu séduire de grands noms de l’assurance française et européenne.


Décideurs. Faut-il continuer à subventionner le financement dans le but d’obtenir du side business ?

E. de R.
Les activités de prêt ne peuvent plus être un produit d’appel pour obtenir du side-business, en particulier en banque transactionnelle. Il faut faire l’effort de pricer correctement ces produits sans que cela ne se traduise par un coût d’opportunité élevé pour les banques. Il suffit de regarder le coût du funding pour comprendre que cela n’est pas économiquement tenable. Les offres de prêt de certaines banques ne couvrent même pas le coût intrinsèque du risque (illustré par le niveau du CDS), et cela avant même de prendre en compte les coûts de refinancement. Concrètement, les entreprises ont pris l’habitude de demander des facilités de crédit (Revolving Credit Facility ou RCF) en contrepartie de l’attribution d’autres marchés tels que le Cash Management. Cette pratique doit être changée. Je pense qu’il est sain pour un marché d’offrir toute chose à son juste prix.

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