Vincent Taupin estime que la principale erreur des banques privées serait de vouloir améliorer à tout prix leur performancefinancière, au détriment de la qualité de leur service client.
 Décideurs. Quel est l’impact du poids de la réglementation sur le modèle opérationnel des banques privées ?

Vincent Taupin.
Le poids de la réglementation est devenu très important. Il suffit pour s’en convaincre de jeter un oeil à la liste des textes réglementaires qui s’appliquent au monde de la banque. L’inflation réglementaire de ces dernières années est sans précédent. Un certain nombre de dispositions ont eu des impacts opérationnels très importants, ce fut notamment le cas de Fatca. À l’inverse, d’autres textes comme les directives bâloises ont eu des répercussions moins prononcées pour les banques privées dans la mesure où elles traitent des problèmes liés aux fonds propres. Or la banque privée est rarement l’entité qui en consomme le plus. S’agissant de la connaissance client, les textes renforcent la nécessité d’avoir des systèmes bien dimensionnés, des process front-to-back efficaces et d’être particulièrement bien organisé en termes de compliance et de contrôle interne. De nouvelles obligations qui ont appelé à un renforcement des effectifs. Bien que son périmètre d’application n’ait pas encore été précisément défini, la directive Mifid 2 devrait, quant à elle, avoir des conséquences importantes en ce qu’elle prévoit la fin des rétrocessions. Cela devrait tout simplement bouleverser la profession. Mais selon que vous êtes propriétaire de votre société de gestion ou non, j’y vois deux opportunités distinctes. Les premiers auront ainsi l’opportunité de développer un savoir-faire en asset management, tandis que pour les autres l’occasion leur est donnée d’étendre leur gamme de services et produits.

Décideurs. Comment une banque privée peut-elle réduire son coût d’exploitation tout en conservant un service client optimal ?

V. T.
Il n’y a, à mon sens, pas de recette miracle. Ce qui fait le propre d’une banque privée, c’est un service client irréprochable. Je pense qu’une banque privée ne peut pas prendre le risque de délivrer un service qui ne soit pas conforme aux attentes des clients. Bien plus, elle doit apporter une véritable valeur ajoutée. Le vrai sujet d’une banque privée n’est pas de traquer les coûts d’exploitation pour améliorer sa performance financière mais, au contraire, de veiller à préserver la qualité de son service, et de faire appel aux compétences les plus expertes pour traiter des besoins sophistiqués. La banque privée ne peut pas céder à la tentation de la banque de détail où le client fait tout par Internet. De même, lorsqu’un client ou un prospect appelle, il ne peut pas tomber sur un serveur vocal, il doit avoir un banquier privé ou une assistante en ligne rapidement pour lui apporter une réponse dans les meilleurs délais.

Décideurs. Pourquoi certaines banques privées optent-elles pour un booking offshore ?

V. T.
La plupart des banques privées sont des groupes internationaux. C’est donc pour elles, à mon sens, un moyen de réduire les coûts d’exploitation que d’avoir un centre de booking unique à l’étranger. Pourtant, si l’on veut se développer dans ce métier, il faut garder en ligne de mire les attentes et besoins de nos clients. Si certains souhaitent parfois être bookés à l’étranger et notamment à Luxembourg, qui revendique une stabilité de ses lois fiscales, la plupart souhaitent conserver ses avoirs en France… Et la finalité des choses dans notre métier est de toujours répondre aux souhaits de nos clients. Le plus gros risque quand on construit une banque, qui je le rappelle est un métier de services, est de réfléchir par rapport à ses propres contraintes et non pas à celles de ses clients.
«Le plus gros risque quand on construit une banque, qui je le rappelle est un métier de services, est de réfléchir par rapport à ses propres contraintes et non pas à celles de ses clients. »

Décideurs. Le marché de la banque privée en France est mature. Assistera-t-on à une consolidation des petits acteurs dans les années à venir ?

V. T.
Avant toute chose il convient de partir du postulat qu’une consolidation du marché ne pourra se faire que s’il y a des acteurs à intégrer. Or, il n’y en a pas tant que cela. Le nombre de banques indépendantes en France s’est largement réduit ces dernières années. De plus, la problématique de consolidation du secteur est particulièrement complexe : qu’il s’agisse des coûts d’intégration, de la pérennité des marques ou de l’intuitu personae avec les banquiers, le marché n’est finalement pas très ouvert et le nombre de cibles à racheter est très restreint. S’agissant du marché des CGPI, il pourrait toutefois y avoir d’avantage de mouvements.

Propos recueillis par H. W.
@hugo_weber

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Voir aussi : Banques privées : consolidation obligatoire ?

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