Entretien avec Céline Méchain, managing director en charge de la couverture des fonds de capital-investissement, Goldman Sachs
Décideurs. Comment expliquer l’afflux de capital vers le marché du private equity ?
Céline Méchain.
Le private equity reste une classe d’actifs qui assure des rendements élevés sur le long terme. Dans un contexte de taux directeurs durablement bas, les investisseurs sont obligés de prendre plus de risque pour trouver des placements qui peuvent rapporter plus. Le private equity offre une alternative attractive aux marchés publics. Avec des taux de rendement nets qui restent proches de 18 %, le capital-investissement a de beaux jours devant lui.

Décideurs. Combien de temps les taux peuvent rester aussi bas ?
C. M.
Tout va dépendre des politiques monétaires des différentes banques centrales qui ont renouvelé leur décision début septembre de maintenir durablement des taux directeurs bas pour permettre la relance économique. Pour les grands gestionnaires de capitaux, cette situation est difficile car elle met beaucoup de pression sur leur gestion actifs/passifs. Il en va de même pour les acteurs du capital-investissement car le coût de la dette et la liquidité importante des financements disponibles se traduisent par des niveaux de valorisation élevés dans un contexte où il y a peu de dossiers de qualité.

« Le ratio capital/dette devrait atteindre 39 % en 2014 »

Décideurs. Concilier taux bas et croissance faible, est-ce une solution soutenable à long terme ?
C. M.
Si l’on prend une photo du marché actuel, l’environnement est très bon : les marchés de crédit sont très porteurs, le high yield est un produit qui s’est durablement implanté en Europe, les volumes de M&A sont élevés et les introductions en Bourse continuent d’animer le marché. Lors des neuf premiers mois de 2014, il y a eu 140 opérations d’IPO et Goldman Sachs a participé à environ la moitié. Une douzaine d’introductions devraient encore voir le jour d’ici la fin de l’année. Pour autant, l’équilibre reste fragile : les risques géopolitiques en Ukraine et au Moyen-Orient ainsi que les performances macroéconomiques de l’Europe font peser un risque sur cette reprise, ce qui pourrait entraîner une correction tant sur les marchés de crédit que les marchés boursiers malgré leur profondeur et leur liquidité.

Décideurs. Selon vous, qu’est-ce qui freine la reprise du capital-investissement ?
C. M.
Il n’y a pas eu de véritable correction des multiples de valorisation payés par les fonds de capital-investissement lors de la crise. Même si la dette est plus abondante et moins chère, les valorisations demeurent élevées. Avant la crise, en 2007, le ratio moyen de valeur d’entreprise sur Ebidta pour les sociétés sous LBO était de 9,7x. Depuis, son niveau le plus bas (en 2011) n’a atteint que 8,8x. Sur les neuf premiers mois de l’année 2014, il s’élève à 9,1x. Il est donc resté relativement stable au fil du temps. Pour comparaison, le même ratio appliqué aux sociétés du DJ Stoxx 600 est passé de 9,8x en 2007 à 6,6x en 2008 et à 10,5x aujourd’hui.

Décideurs. Et en ce qui concerne le ratio capital/dette, a-t-on observé une correction ?
C.M.
Oui. D’un côté, les montants de levier d’endettement ont diminué et de l’autre la part d’equity demandée a augmenté. Ainsi, en 2007, le ratio dette/equity était, en Europe, de 34 %. Il a atteint 54 % en 2009 et 2012, avant de baisser de nouveau en 2013 à 39 %. Il s’est stabilisé à ce niveau moyen en 2014.

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