Décideu : Comment avez-vous vécu la crise da votre activité ?

Décideurs : Comment avez-vous vécu la crise dans votre activité ?
Xavier Moreno : La crise c’est d’abord une récession qui touche la plupart des entreprises. Celles sous LBO étaient théoriquement, plus fragiles, car elles devaient supporter le poids de la dette d’acquisition. Dans la réalité on a constaté trois situations différentes.
La première est celle des entreprises sous LBO qui ont bien traversé la crise, car elles étaient dans des secteurs très peu cycliques comme la santé ou les activités liées à la défense. Une majorité du portefeuille Astorg appartient à cette catégorie : comme beaucoup d’entreprises, elles avaient été choisies pour leur capacité de résistance aux crises. 
La deuxième situation concerne des entreprises touchées par la crise, sans grande gravité. Leurs actionnaires financiers et leurs banques de financement leur ont permis de passer correctement l’obstacle grâce à des reports d’échéances ou à des apports de fonds propres. Les « coupe-feux » entre holding d’acquisition et sociétés opérationnelles ont bien fonctionné.
Viennent enfin les cas difficiles, ceux nécessitant des restructurations importantes où il faut gérer, en plus de la dette d’acquisition, les besoins financiers et la perte de rentabilité brutale de l’entreprise. Ces situations exigent en général un recours à une « chirurgie lourde ». À ce jour, ce type de restructuration ne rencontre pas plus d’obstacle dans les entreprises sous LBO que dans les sociétés indépendantes ou dans les filiales de grands groupes.
Au total, si la plupart des LBO ont souffert, le système s’est révélé aussi résistant que flexible. Les acteurs, fonds et banques, ont eu un comportement responsable. Il n’y a pas eu de désertion des actionnaires. Ceux qui manifestaient une certaine « fatigue », ont passé la main rapidement à d’autres, dont des fonds de retournement, qui ont investi à leur place.
C’était l’intérêt de tous de sauver les sociétés opérationnelles. Mais le sens de la responsabilité des fonds actionnaires, comme des banques créancières, a joué aussi. C’était pour eux une question de réputation, tout autant que de contrat moral.

Décideurs : L’appréciation du risque et l’offre de dette par les banques ont-elles changé ?
X. M. : Oui, à l’évidence, mais pas seulement pour les LBO. Pour tous, « l’impensable », le risque systémique, est devenu « pensable » et a été réintroduit dans l’évaluation des risques.
Cela a balayé l’illusion de la disparition des cycles économiques et d’une réduction corrélative des risques. Les banques en ont tiré les leçons : elles ont doublé leurs marges et réduit les montants des dettes proposées. La proportion entre fonds propres et dettes est passée de 25 / 75 à 55 / 45. La corde du levier d’endettement est moins tendue, ce qui réduit le risque, mais aussi la surperformance en cas de succès.

On observe toutefois, depuis un mois, une renaissance soudaine des dettes LBO aux États-Unis, grâce au marché du high yield (émission de dette par une entreprise mal ou pas notée par les agences de rating, et réservée aux investisseurs qui acceptent plus de risques en contrepartie d’un intérêt plus élevé). C’est peut-être le signe que les « gros » LBO vont rebondir plus vite que prévu.

Décideurs : Quelle est votre vision du marché à venir ?
X. M. : Il y aura toujours grand besoin d’actionnaires professionnels pour les sociétés non cotées, que ce soit pour la transmission des entreprises familiales ou pour les filiales de grands groupes qui se restructurent en les cédant. Le LBO a donc un bel avenir.

Mais comme il y aura moins d’offres de dette et donc moins de force de frappe financière pour le private equity, sa « part de marché » dans la détention des « actifs industriels » va diminuer, au bénéfice d’une détention de ces actifs via les marchés financiers.
Dans les petits LBO, il y aura aussi moins de leviers et donc moins d’opérations sans fonds d’investissement (OBO), et moins de capacité des managers à racheter leur propre entreprise (MBO).

Dans les gros LBO, tout dépendra de la résurgence durable des émissions de dette LBO placées directement auprès des investisseurs, comme le high yield. Ce sont des opérations plus transparentes, pour l’acquéreur de la dette, que les titrisations de l’époque de la bulle. Mais elles restent complexes et coûteuses.

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