Par Daniel Martins, directeur du développement. Leyton
 Le contrat de génération est la traduction d’une promesse de campagne de François Hollande. Le texte de loi n°?2013-185 du 1er?mars 2013 en porte création. Ce dispositif innovant a été conçu comme un instrument voué à stimuler le recrutement des jeunes en CDI, à favoriser l’embauche et le maintien dans l’emploi des seniors et, d’une certaine façon, à institutionnaliser le «?tutorat?».

Le contrat de génération s’appuie sur deux leviers : tantôt il incite - c’est la fonctionnalité de la «?carotte?» - tantôt il punit - c’est la fonctionnalité du «?bâton?».

La fonctionnalité du «?bâton?» et de la «?carotte?»
Le contrat de génération comprend des mesures coercitives qui l’inscrivent ainsi dans la lignée des «?pénalités sociales?». Il s’agit désormais de ne plus récompenser les entreprises qui s’engageraient sur une valeur sociétale singulière par le biais d’un dispositif incitatif, mais de sanctionner celles qui, à l’inverse, ne s’engageraient pas sur les différentes priorités sociétales. Pour les entreprises de plus de 300 salariés, le contrat de génération crée, en cas d’inactions intergénérationnelles, une sanction financière de 1?% des gains et rémunérations plafonnées à 10?% du montant des allégements Fillon.
Le contrat de génération comprend par ailleurs des mesures incitatives, renouant ainsi avec les dispositifs «?d’allégements de charges?». Pour les entreprises de moins de 300 salariés, il crée une aide financière qui sera versée par Pôle Emploi. Concernant le montant de cette aide - qui n’est pas fixé par la loi - le ministère a indiqué qu’il s’agirait de 2 000 €/an pendant trois ans pour le jeune, cumulés avec 2 000 €/an pour le senior jusqu’à ce que ce dernier soit éligible à sa retraite à taux plein.

Des ambitions réalistes ?
Le contrat de génération est supposé générer 500 000 embauches ciblées en cinq ans, et notamment pour les jeunes de moins de 26 ans (30 ans en cas de handicap) et les seniors de plus de 57 ans (55 ans au moment de l’embauche ou en cas de handicap). Mais ces ambitions ne sont pas sans contraintes.

Les contraintes administratives en direction des TPE
Pour les TPE de moins de 50 salariés, le contrat de génération n’emporte que peu d’obligations. La taille de l’entreprise ne nécessite pas de «?radiographie?» de la situation. Aussi, à partir du moment où un jeune est recruté et que l’entreprise comprend un senior dans ses rangs (ou inversement) - et il peut s’agir du chef d’entreprise travaillant seul - elle est éligible à l’aide financière. Toutefois, si le dispositif se veut simple et efficace, les modalités d’obtention de l’aide ne le sont guère puisqu’il appartiendra à l’entreprise de constituer un dossier auprès de Pôle Emploi afin d’exposer sa situation. Si la formalité peut sembler dérisoire, on peut légitimement penser que la procédure pourra être chronophage. Sous ce rapport, on ne peut que regretter que le dispositif n’ait pas été simplifié à l’extrême, et, qu’à l’occasion d’un tel recrutement, l’entreprise ne puisse procéder à une imputation immédiate des 4 000?€ d’allégements sur ses déclarations Urssaf. Cela aurait eu le mérite de générer de la trésorerie et aurait potentiellement renforcé les élans de recours à ce dispositif. La confiance n’excluant pas le contrôle, l’Urssaf aurait pu le faire a posteriori comme pour d’autres dispositifs (réduction Fillon notamment).

Les contraintes introspectives en direction des PME
Pour les PME de plus de 50 salariés, le contrat de génération emporte des contraintes plus importantes d’ici la mise en route effective du dispositif fixée au 30?septembre 2013. Les entreprises seront invitées à réaliser un diagnostic de situation intergénérationnel qui soit «?réel et sérieux?» car il devra figurer en annexe de l’accord ou du plan d’action intergénérationnel. Le contenu sera précisé ultérieurement par un décret du ministère du Travail. La question est de savoir à qui les entreprises vont confier ces diagnostics : selon leur taille et leurs moyens on peut imaginer que ce soit le chef d’entreprise, le DRH, le RRH ou un cabinet extérieur qui puisse réaliser cette mission, sans oublier que celui-ci sera le point d’ancrage de la politique intergénérationnelle de l’entreprise. Une analyse erronée ou insuffisante pourra donc avoir des répercussions importantes en termes de coûts. Les entreprises seront alors invitées à négocier un accord intergénérationnel et à défaut, à adopter un plan d’action. C’est à elles également qu’il appartiendra de se fixer leurs propres objectifs, les indicateurs chiffrés de référence et leurs grilles d’évaluation.

Une innovation : une combinaison d’évaluations a priori et a posteriori
Les conséquences engendrées par un accord ou un plan d’action sous-évalués pourront être extrêmement contraignantes car le législateur a prévu un dispositif innovant : il conviendra d’évaluer les mesures entreprises et d’en formaliser le contenu chaque année. Cette évaluation devra être transmise à l’inspection du travail – sous peine de sanction financière (1?% de la masse salariale) – qui pourra ainsi procéder à un contrôle annuel. Autre parade notable, les aides ne seront allouées aux entreprises de 50 à 300 salariés qu’une fois que l’inspection du Travail aura validé l’accord ou le plan d’action.

La carotte sera-t-elle suffisamment appétissante ?
Pour les entreprises de plus de 300 salariés la question ne se pose pas car elles sont, par nature, non-éligibles au dispositif incitatif même si, pour autant, elles sont sous le coup du dispositif coercitif.
Pour les entreprises de 1 à 300 salariés, cette aide sera-t-elle suffisante ? Avec un SMIC à 1 430,22?€ bruts mensuels non chargés, les 4 000?€ d’aide représentent :
- Pour un senior et un jeune au SMIC, une diminution du coût du travail de 7,9?% ;
- Pour un senior à 2 500?€ bruts mensuels non chargés et un jeune au SMIC, elle est de 5,8?%.
Ces montants sont significatifs en temps de crise. Mais pourront-ils à eux seuls être à l’origine de créations d’emplois directs ? Il semble que ces allégements du coût du travail ne puissent réellement profiter qu’aux entreprises ayant déjà planifié le recrutement d’un jeune ou d’un senior. Les pouvoirs publics voulaient éviter les effets d’aubaine mais en réalité, les aides associées au dispositif intergénérationnel ne sont pas suffisamment significatives pour créer de l’emploi. À l’instar d’Oscar Wilde qui considérait qu’«?aujourd’hui les gens savent le prix de tout et ne connaissent la valeur de rien?», il ne reste plus qu’à espérer que le jugement personnel des chefs d’entreprises et des recruteurs rejoindra celui de la majorité représentative pour que l’insertion pérenne des jeunes et le maintien dans l’emploi des seniors deviennent la priorité de tous.

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