Adeline Agut (École Polytechnique Executive Education) : "La formation joue un rôle crucial pour aider les organisations à devenir plus durables"
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Décideurs RH. En quoi la durabilité est-elle devenue un sujet urgent pour les organisations, qu’elles soient publiques ou privées ?
Adeline Agut. Il est crucial de reconnaître l’existence d’une urgence environnementale et sociale, car les enjeux globaux sont nombreux à traiter. Pour les entreprises, il est impératif de cesser d’aggraver les problèmes environnementaux et sociaux en s’engageant activement dans la transformation de leurs modèles d’affaires. Les organisations publiques sont également concernées par ces préoccupations, malgré leur rôle essentiel de pourvoyeuses de solutions durables. Il est donc nécessaire de transformer en profondeur les processus de production de valeur, en redéfinissant la nature même de la valeur créée et en s’assurant que cette valeur est compatible avec les enjeux de durabilité.
Par ailleurs, nous observons une augmentation des attentes des collaborateurs en matière de durabilité et de sens au travail. Les employés souhaitent que leur métier contribue au bien commun : cette quête de sens existait déjà, mais elle se répand de plus en plus. Le Manifeste étudiant pour un réveil écologique, signé par 30 000 étudiants en 2018, est symptomatique de ce souhait de ne pas travailler pour des entreprises qui ne seraient pas suffisamment engagées. De plus en plus de personnes sont prêtes à renoncer à des rémunérations parfois élevées pour donner du sens à leur travail.
Que change l’évolution de la réglementation européenne pour les entreprises, et notamment la mise en place de la CSRD ?
La mise en place de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) représente une évolution majeure dans la réglementation européenne concernant le reporting de durabilité des entreprises. Les directives précédentes ne permettaient pas de savoir précisément ce que faisaient les entreprises en matière de durabilité. Si cette directive n’oblige pas les entreprises à atteindre une certaine performance, elle les contraint en revanche à publier des informations détaillées sur leurs pratiques et leurs objectifs en matière de durabilité. La CSRD renforce les obligations de publication d’informations de durabilité, élargissant son périmètre pour inclure un plus grand nombre d’entreprises : à quelques exceptions près, toutes les structures de plus de 250 collaborateurs doivent dorénavant se conformer à cette réglementation. De plus, la directive exige l’utilisation d’un format de données plus homogène permettant de comparer les entreprises, ce qui facilite l’accès à ces informations et leur utilisation par quiconque le souhaite. Pour les sociétés déjà familières du reporting de durabilité, la transition vers la CSRD représente une petite marche à franchir. En revanche, il s’agit d’un réel défi pour celles qui découvrent cet exercice, nécessitant la mise en place de nouveaux processus et l’adoption d’une culture du reporting. Derrière ces obligations, la stratégie du législateur européen consiste à orienter les flux financiers vers la transition écologique et sociale. L’idée est de donner plus de visibilité, notamment aux acteurs financiers, afin qu’ils puissent orienter leurs investissements de manière plus informée vers des entreprises qui contribueront réellement à cette transition.
Pouvez-vous nous expliquer le concept de la double matérialité ?
Le concept de la double matérialité trouve son origine dans le domaine de la finance, où une information est considérée comme matérielle si elle est susceptible d’influencer la prise de décision. Le domaine de la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et de la durabilité a adopté cette notion pour l’appliquer aux enjeux de durabilité : un enjeu est matériel s’il est pertinent pour comprendre la manière dont l’entreprise interagit avec son environnement naturel et humain.
La double matérialité consiste à prendre en compte ces enjeux selon deux approches distinctes. La première est la matérialité financière : cette dimension concerne les enjeux ayant un impact sur les finances de l’entreprise au sens large. Ceci inclut par exemple les impacts sur ses opérations, sur son accès au financement, ou encore sur son image publique, qui peuvent tous se traduire par une rentabilité moindre ou une difficulté à se financer. En d’autres termes, il s’agit de l’impact du monde extérieur sur l’entreprise, comme une nouvelle réglementation environnementale, des événements climatiques extrêmes qui viennent perturber les opérations ou encore des changements dans les attentes des consommateurs.
La seconde approche est la matérialité d’impact : cette dimension se concentre sur les enjeux liés aux impacts de l’entreprise sur le monde extérieur. Cela inclut par exemple les répercussions de ses actions sur le climat, la responsabilité sociale, et d’autres aspects de durabilité. Par exemple, les émissions de CO2 de l’entreprise, son utilisation des ressources naturelles, et ses pratiques en matière de droits de l’homme sont des éléments clés – parmi beaucoup d’autres – de cette matérialité d’impact.
La prise en compte de ces deux composantes est relativement nouvelle dans le cadre réglementaire. La CSRD est le premier texte en matière de reporting qui exige que les entreprises prennent en compte ces deux dimensions de la matérialité. Avant la mise en application de la CSRD, les entreprises se concentraient principalement sur les risques susceptibles de les affecter directement, c’est-à-dire sur la matérialité financière. Elles n’étaient pas tenues de considérer systématiquement leur impact sur l’extérieur, c’est-à-dire la matérialité d’impact. En intégrant ces deux approches, la CSRD permet d’obtenir une vision plus complète de la manière dont les entreprises interagissent avec la société et l’environnement. Cela encourage les entreprises à évaluer non seulement comment les risques externes peuvent les affecter, mais aussi comment leurs propres activités influencent le monde extérieur. Cette approche holistique est essentielle à la promotion d’une véritable durabilité. Elle passe par l’alignement des objectifs financiers des entreprises avec les impératifs sociaux et environnementaux.
Comment la formation peut-elle aider les organisations à devenir plus durables ?
La formation a un rôle crucial à jouer en la matière, en fournissant les connaissances, les outils, et les réseaux nécessaires pour agir efficacement.
Elle permet d’abord de comprendre les enjeux : pour la durabilité comme pour tous les autres sujets, personne ne possède la science infuse. Il est donc essentiel d’acquérir des connaissances et des compétences spécifiques. Il ne suffit pas de savoir que le climat change, il faut comprendre pourquoi et comment cela se produit pour agir. La formation permet d’approfondir ces connaissances, ce qui rend les différents acteurs capables de comprendre les leviers à actionner pour mener la transition. Sans formation, il est plus complexe de saisir la complexité des défis auxquels nous sommes confrontés.
La formation offre par ailleurs la possibilité d’acquérir des outils : en premier lieu des outils de mesure pertinents, tels que le bilan carbone et l’analyse du cycle de vie par exemple. Au-delà de la simple mesure, il est également important d’acquérir des cadres de pensée innovants pour sortir des schémas traditionnels qui ont certes créé de la richesse financière mais aussi contribué à la dégradation de l’environnement et à l’accroissement des inégalités. La formation aide à réfléchir différemment, à innover sur la stratégie et les modèles d’affaires, et à transformer les pratiques existantes pour les aligner avec les objectifs de durabilité.
C'est aussi l'occasion de réunir des personnes confrontées aux mêmes problématiques, ce qui favorise l’échange d’expériences et l’inspiration mutuelle. Il ne s’agit pas seulement d’acquérir des connaissances, mais aussi de bénéficier d’une caisse de résonance auprès de publics partageant les mêmes préoccupations. Sur les enjeux de transition écologique, concernant l’urgence climatique ou l’effondrement de la biodiversité par exemple, il y a par ailleurs une dimension personnelle significative, qui s’exprime moins sur d’autres thématiques professionnelles. Bon nombre de participants doivent non seulement gérer des enjeux business, mais ressentent aussi un besoin urgent de parler de ces questions sur un plan plus intime, émotionnel et personnel. Il est fondamental de ne pas éluder cette dimension car elle est très importante. Se retrouver entre pairs permet de libérer la parole, de partager son sentiment personnel et de trouver un soutien moral précieux face à l’éco-anxiété et à l’angoisse.
Les formations attirent souvent des personnes très volontaires, désireuses de progresser dans leur entreprise ou de changer de poste pour mieux aligner leur carrière avec leurs valeurs personnelles. En fournissant les compétences et la confiance nécessaires, la formation peut encourager ces individus à prendre des initiatives, à conduire le changement au sein de leur organisation et à devenir des leaders en matière de durabilité. Ces personnes sont souvent prêtes à aller au-delà des attentes traditionnelles et se sentent capables de transformer leurs organisations de l’intérieur.
Propos recueillis par Cem Algul