Avec six associés et 80 membres, CMS Monaco est l'un des plus importants cabinets d'avocats du Rocher et fête cette année ses 15 ans. Avec Olivier Marquet et Stephan Pastor, managing partners du cabinet, nous revenons sur l'historique du cabinet, les spécificités du droit monégasque et ce qui rend le marché de la Principauté de Monaco unique en Europe.

Décideurs : Pouvez-vous revenir sur l’histoire du cabinet ainsi que sur vos parcours respectifs ?

Olivier Marquet : À l’origine du cabinet, nous sommes trois associés-fondateurs : Christine Pasquier-Ciulla, Sophie Marquet et moi-même. Nous sommes en 2009, notre cabinet est encore de petite taille : six personnes assurant une pratique généraliste, quelque chose d’assez typique sur le marché local. Avec Sophie, depuis notre retour des Etats-Unis où nous avons suivi une formation américaine à la Duke Law School, nous avions le projet de bâtir un cabinet d’avocats proposant un service innovant et de qualité. Nous avons immédiatement identifié que nous pouvions bénéficier d’un environnement propice. La réalité économique de Monaco est assez peu connue, l’image que le grand public a de la Principauté étant assez stéréotypée. Dans les faits, c’est un lieu très dynamique économiquement : le PIB 2023 de Monaco est de 8.34 milliards d’euros courants, en augmentation de 50 % depuis 2013.

C’est aussi une place cosmopolite, beaucoup de personnes de différentes nationalités s’y installent pour des raisons personnelles ou professionnelles et sont habituées à un service one stop shop haut de gamme, fourni par les cabinets de premier rang. Nous nous sommes donc mis au travail et avons commencé à bâtir un cabinet capable de proposer à ses clients le même niveau de service qu’ils peuvent trouver dans les grands centres business, les mêmes méthodes du travail, la même qualité d’équipe, tout en gardant notre fort ancrage monégasque. Résultat : cette année nous avons fêté nos 15 ans et nous sommes désormais six associés et plus de 80 membres.

Stephan Pastor : Pour ma part, j’ai pris le train en marche car j’avais fait mes études en France et passé mon barreau à Paris où j’ai travaillé plusieurs années dans un grand cabinet américain, avec l’objectif de faire ma carrière à l’étranger. Trois ans plus tard, Olivier m’a contacté et m’a fait découvrir le projet que Christine, Sophie et lui-même étaient en train de concrétiser. Au fil des discussions s’est posée la question de mon retour à Monaco, d’abord comme collaborateur, puisque je devais repasser le barreau dans la Principauté. J’ai franchi le pas et intégré l’équipe d’Olivier en 2016. Nous étions à l’époque trente. Le cabinet a ensuite connu une croissance continue jusqu’à aujourd’hui et j’ai évolué au sein de la structure jusqu’à devenir managing partner aux côtés d’Olivier en 2022.

Comment le cabinet est-il structuré ?

OM : Aujourd’hui le cabinet est structuré autour d’associés et d’équipes spécialisées couvrant des secteurs comme le monde des affaires, l’immobilier, le social, la fiscalité, la banque et la finance ou bien encore la clientèle privée. 

Toutes nos équipes ont une pratique aussi forte en conseil qu’en contentieux civil, pénal, administratif ou règlementaire. Nous couvrons de manière complète les deux aspects de l’activité de l’avocat.

SP : Notre niveau de spécialisation est très important pour la place. Notre particularité est d’avoir un associé et des collaborateurs spécialisés dans chacune des pratiques. Cela peut paraître classique, mais c’est unique pour un cabinet monégasque.   

OM : Je dois aussi ajouter qu’en 2017 nous sommes devenus membre du réseau CMS, composé de plus de 75 bureaux indépendants dans 47 pays dans le monde, et nous sommes aujourd’hui l’unique cabinet monégasque coopté par un réseau de cette ampleur. Nous avons fait ce choix pour trois raisons. Premièrement, nous voulions proposer à nos clients un service cross-border fluide, avec la possibilité d’organiser rapidement des équipes d’avocats spécialisés pour chaque secteur et pays concerné. Deuxièmement, nous voulions attirer et retenir les meilleurs, en proposant de rejoindre un cabinet d’envergure internationale situé dans un environnement à nulle autre pareil. Enfin, nous souhaitions aussi profiter de ce levier pour faire la promotion de la Principauté et de faire valoir ses intérêts sur les places économiques les plus influentes dans le monde.

Quelles sont les particularités du droit monégasque ?

OM : Le droit monégasque est un droit autonome, c’est un droit civil. Je dirais qu’il est comparable au droit suisse dans ses rapports avec le droit français. Cela peut ressembler au droit français mais ce n’est pas du droit français. Le droit du travail est très probablement une illustration éclairante : il ne ressemble, en rien, au droit du travail français et se caractérise par sa nature beaucoup plus contractuelle. Le marché du travail est donc plus liquide et efficace. Le droit bancaire et financier est, quant à lui, l’illustration de l’interdépendance de certains pans du droit monégasque avec le droit de l’Union Européenne. En toutes hypothèses, à Monaco, nous sommes dans un environnement comportant systématiquement des éléments d’extranéité. C’est quelque chose de très typique de notre pratique : tous nos dossiers concernent des personnes, des flux, des droits, des situations impliquant plusieurs pays et cette gymnastique intellectuelle est au cœur de notre pratique.

SP : Je dois ajouter que les collaborateurs qui rejoignent le cabinet sont souvent surpris par la qualité des clients et des dossiers. Monaco c’est à peine 2 kilomètres carrés, un petit État dont certains pensent encore qu’il fait partie de la France. C’est en réalité une place dont le fonctionnement institutionnel et juridique est souvent mal compris. On y retrouve la même qualité de clients et des enjeux juridiques ou financiers comparables à Londres, Paris ou New York. La place monégasque est donc petite, mais ses dossiers sont d’une qualité exceptionnelle.

Le droit monégasque est resté très proche du droit français jusqu’au XIXe siècle, puis s’en est un peu affranchi, et a connu une inflation législative moindre que dans l’Hexagone. La loi sur les procédures collectives constitue un bon exemple : elle est équivalente à celle adoptée dans les années 1960 en France. Nous avons donc moins de textes et il nous faut donc souvent trouver des réponses dans les décisions déjà rendues, à Monaco bien entendu, mais également en France, quand les législations de référence sont très proches. Ce que je trouve particulièrement motivant, c’est qu’en l’absence de texte ou de précédent à Monaco, nous devons être très créatifs par exemple pour structurer une opération ou offrir une solution au juge.

Nos clients sont aussi souvent surpris par le fort niveau de régulation de l’économie, avec notamment le régime de l’autorisation d’exercice d’une activité artisanale, commerciale, industrielle ou libérale. Lorsque vous n’êtes pas monégasque et que vous souhaitez créer une activité à Monaco, vous devez obtenir une autorisation du Ministre d’Etat qui peut vous être refusée si, par exemple, l’activité en cause est réglementée ou jugée surreprésentée à Monaco. Pour conclure, je dirais que le droit monégasque a une véritable autonomie : il ne faut pas arriver à Monaco en pensant y retrouver le même droit que dans son pays d’origine.

Quelles sont les particularités de la clientèle monégasque ?

OM : Monaco, c’est plus de 140 nationalités qui vivent ensemble sur un tout petit territoire. Être avocat à Monaco c’est s’adapter en permanence à des cultures différentes, changer souvent de langue. C’est être « glocal ». Il faut être à l’écoute de clients qui arrivent avec des attentes très différentes. Nous servons donc de trait d’union entre les attentes et projets des clients et l’environnement normatif, historique, institutionnel et culturel de la Principauté.  

SP : Nous travaillons avec des entreprises, des investisseurs, des institutions financières et des particuliers fortunés et leurs représentants. La clientèle monégasque est très exigeante – l’excellente qualité de service est devenue une évidence et c’est la valeur ajoutée qui fait la différence. Ces clients attendent une approche globale, surtout lorsque leurs dossiers impliquent de multiples juridictions – ils veulent avoir un seul cabinet d'avocats qui peut s'occuper de toutes leurs questions juridiques et judiciaires, qui connaît leur mode de fonctionnement, leur façon de travailler et de penser. L’aspect one stop shop est donc crucial.

Pour ce qui est de la pratique immobilière du cabinet plus précisément : quelles sont ses spécificités ? Quelles sont les grandes tendances et problématiques du moment ?

OM : D’une manière plus générale l’immobilier est un pilier de l’économie et de l’attractivité monégasque, avec de grands promoteurs et grands groupes ainsi qu’une clientèle très haut de gamme qui vient chercher des biens d’exception. Le marché de la location est en forte tension, nourri par la stabilité et l’attractivité fiscale de Monaco. Et cela se traduit par de nombreux projets de promotion d’ampleur, qui s’étendent notamment sur la mer, puisque nous sommes limités en termes de foncier. Il y a aussi d’importants enjeux de rénovation à venir : une bonne partie du parc est vieillissant et il va falloir rénover massivement pour gagner en prestations et en efficacité énergétique. Le marché immobilier fait l’objet d’une règlementation fournie, qui a pour objet de protéger les investisseurs et acteurs, mais naturellement également pour assurer la conformité des opérations aux impératifs en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Le cabinet a bien grandi : vous êtes désormais 80 membres. Quels sont vos objectifs de développement ?

OM : Nous ne visons pas un chiffre, mais à soutenir une dynamique d’expansion en recrutant les meilleurs candidats. Nous ne pensons pas que le cabinet soit arrivé à sa taille maximum et souhaitons poursuivre son développement.

Nous sommes bien évidements particulièrement attentifs à la question du recrutement. Même sans être monégasque une carrière est tout à fait possible en Principauté, au sein de notre cabinet. Nous avons mis en place un « parcours CMS » donnant une vraie visibilité sur la trajectoire professionnelle de nos collaborateurs. Nous mettons l’accent sur l’efficience et sur le respect de nos valeurs.

SP : Nous souhaitons conserver la même dynamique qu'aujourd'hui, continuer à moderniser le cabinet afin de surprendre les clients avec une approche créative et innovante, développer nos pratiques de contentieux et de conseil, avec des équipes passionnées par leur travail et des clients qui se sentent écoutés et rassurés par notre assistance. Notre mission principale restera la même : construire de véritables partenariats avec nos clients, défendre leurs intérêts à Monaco et assurer leur succès. Nous nous devons d’avoir toujours une longueur d'avance. Aujourd'hui, l’avocat doit être capable de prévoir les défis auxquels les clients seront confrontés demain et participer à construire et à sécuriser leur avenir.

Propos recueillis par François Arias

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