Les start-up sont de plus en plus nombreuses à frapper à la porte des mandataires judiciaires. Peu d'entre elles parviennent à sauver leur activité et leurs idées de la faillite.
Start-up écornées, l’heure des procédures collectives a sonné
Finie l’époque bénie où il suffisait aux start-up de traverser la rue pour trouver du financement. La conjoncture internationale et la hausse des taux d’intérêt qu’elle génère poussent les investisseurs à la prudence. "Les fonds sont plus sélectifs", confirme Serge Vatine, fondateur du cabinet d’avocats Bold. Un avis partagé par Marine Pace. Selon l’administrateur judiciaire de 2M & Associés, de plus en plus de fondateurs de start-up sont en difficulté, "les entrepreneurs qui avaient des tours de table en cours les voient se redécaler de plusieurs mois avec des horizons de cash qui s’éloignent". Même constat chez Bold. "On se rend compte quand on assiste nos clients sur les tours de refinancement que ceux-ci deviennent bien plus complexes, explique Serge Vatine. On actionne les warnings à ce moment-là."
Se former à l’échec
Des signaux que les créateurs de jeunes pousses ne voient pas ou refusent de voir. "Même en phase de difficultés, ils sont toujours à fond derrière leur projet dans les discussions avec les banques et parviennent à susciter de l’adhésion", souligne Marine Pace. Cette persévérance conduit parfois les dirigeants d’entreprises en difficulté à rater les délais des procédures collectives, au risque d’engager leur responsabilité. Pour Serge Vatine, "il est facile de se former à l’entrepreneuriat mais personne ne parle de l’échec, de comment garder de bonnes relations avec les investisseurs et les banques".
"Il est facile de se former à l'entrepreneuriat mais personne de parle de l'échec, de comment garder de bonnes relations avec les investisseurs et les banques"
Marine Pace perçoit toutefois une prise de conscience dans l’écosystème des start-up, notamment à travers "un certain nombre d’associations d’alumni qui échangent sur les moyens de prévention des difficultés." C’est cette catégorie de dirigeants qui saura décrocher son téléphone et solliciter un mandataire judiciaire. Le but du jeu, durant la première phase des procédures amiables (mandat ad hoc et conciliation) est de gagner du temps. "On peut obtenir des banques le gel de la part en capital des dettes bancaires, ou constituer un passif social fiscal, un levier intéressant pour les start-up qui ont de nombreux salariés", décrypte Marine Pace. Autre solution, obtenir un bridge des investisseurs historiques pour tenir quelques mois de plus. Si l’amiable ne permet pas de redresser la barre, la start-up se déclare en redressement judiciaire.
C’est le tribunal de commerce qui choisira un repreneur parmi les éventuels candidats. Serge Vatine et Marine Pace insistent sur l’importance de la transition et le rôle du fondateur. Très souvent, il travaillera aux côtés du repreneur de manière provisoire ou définitive. "La greffe peut prendre ou pas", explique Serge Vatine. Par exemple, la fondatrice de Fraîche Cancan va quitter le navire repris par Neocorner après avoir assuré la transition.
Faire face à la liquidation
Dans les cas plus désespérés, c’est la liquidation. Pour l’avocat de Bold, il y a, à ce stade, un désintérêt des organes de la procédure collective vis-à-vis des start-up, parce qu’elles n’ont souvent aucun actif à sauver. "Le liquidateur a tendance à sous-valoriser l’entreprise et, en face, le fondateur la survalorise. Malheureusement l’avocat n’est plus là pour conseiller la start-up qui n’a plus de quoi s’offrir ses services." Celles qui ont le plus de chances de s’en sortir appartiennent au secteur de la biotech et comptent des actifs incorporels valorisables. "Les investisseurs ne veulent pas laisser partir au tapis ces start-up qui sont pour certaines des pépites de la biotech", estime Marine Pace. La licorne BioSerenity, rachetée 24 millions par Jolt en 2023, est un cas d’école selon Serge Vatine. Il conseille aux start-up qui sentent le vent tourner de se faire racheter par un industriel pour éviter la liquidation et préconise d’enseigner l’échec aux entrepreneurs de manière à limiter la casse.
Anne-Laure Blouin