Contenu ciblé, publicité à destination des mineurs, suppression des comptes aux contenus illicites… Le DSA entre en application et met face à leurs responsabilités 19 entités numériques qui avait été qualifiées le 25 avril 2023 dernier de "très grandes plateformes" et de "très grands moteurs de recherche" par la Commission européenne.. Deux d’entre elles contestent déjà être concernées par les mesures obligatoires du texte législatif européen.
Numérique : le Digital Services Act est entré en vigueur le 25 août
“La France et l’Europe mettent les géants du numérique face à leurs responsabilités”, prévient Jean-Noël Barrot sur son compte X (ex-Twitter). Le Digital Services Act (DSA), négocié au sein des institutions européennes depuis décembre 2020, est entré en vigueur le 25 août dernier. “Une étape majeure dans la protection de nos concitoyens sur Internet”, selon le ministre délégué chargé du Numérique. Le leitmotiv de la législation ? “Ce qui est illégal hors ligne est illégal en ligne.”
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With success comes responsibility
Pour ces 19 entités numériques listées par la Commission européenne, le DSA s’applique déjà. “Ces entreprises peuvent déjà être sanctionnées”, précise Thierry Breton interrogé sur la chaîne LCI qui assure également que ses services les ont accompagnées, avec des stress tests, pour les aider à se préparer. Selon le commissaire européen au marché intérieur, Meta (ex-Facebook) aurait embauché un millier de personnes pour se conformer au DSA, pour “contrôler et réagir très rapidement”. X, l’entreprise d’Elon Musk aurait également promis de collaborer. L’ex-ministre de l’Économie avertit les plateformes : “Les bonnes intentions c’était avant le 25 août.” Et de poursuivre : “Après, c’est la loi qui s’applique.”
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Un ton strict qu’il avait déjà adopté en juin à l’occasion de sa discussion avec Robert Gentz, le CEO de Zalando, qui a affiché son désaccord avec la désignation de son site comme très grande plateforme. Si Thierry Breton se félicite du caractère constructif des échanges avec l’entrepreneur allemand, il n’en oublie pas de rappeler que “with its millions of users, @Zalando is a European success story. And with success comes responsibility”. (Avec ses millions d’utilisateurs, Zalando est une réussite européenne. Et le succès s’accompagne de responsabilités.) Devant la Cour de justice de l'Union européenne, la marketplace européenne assure ne pas dépasser le seuil des 45 millions d’utilisateurs. Elle fonde cette assertion sur la distinction entre visiteurs et acheteurs. Si le nombre des premiers s’élève à 83 millions, seuls 31 millions d’entre eux achètent. Au début du mois de juillet dernier, c’est Amazon qui s’opposait à la Commission. Selon le géant du Net, le DSA vise les entreprises dont la publicité est le principal revenu. Ce qui n’est pas son cas : la grande majorité de son chiffre d’affaires provient de ses activités de distribution de biens de consommation. Un argument invalidé par la Commission pour qui le très grand nombre d’utilisateurs augmente les risques et les responsabilités des plateformes, qu’elles soient des places de marché ou des réseaux sociaux.
Analyser les risques qui pèsent sur la démocratie
Dans l’attente de la réponse judiciaire, Amazon, Zalado et les autres plateformes sont déjà tenues par de nombreuses obligations : mettre en place des canaux de signalement facilement accessibles et utilisables pour les contenus illicites, retirer ces contenus, traiter en priorité les alertes des signaleurs de confiance – ces organisations reconnues comme Pharos en France pour décrypter les contenus racistes, haineux –, supprimer les comptes éditeurs réguliers de contenus illicites. Elles devront coopérer activement – “mieux” selon l’exposé des points clefs publiés sur X par Jean-Noël Barrot, ministre du Numérique – avec les autorités judiciaires. Le DSA condamne par ailleurs le ciblage publicitaire sur les mineurs ou réalisé à partir de données sensibles (ethnie, religion, orientation sexuelle ou opinion politique) ou les interfaces trompeuses. Celles sur lesquelles les internautes se rendent pour se désinscrire à leur service sans jamais y parvenir par excès de complexité ou de longueur. Le règlement européen va plus loin encore. Il oblige les plateformes à analyser les risques systémiques (manipulation de l'information...) qu’ils font peser sur la démocratie et à mettre en place les moyens pour les atténuer.
À défaut, les entreprises risquent une amende plafonnée à 6 % de leur chiffre d’affaires mondial. En cas de récidive, c’est le blocage pur et simple en Europe qui les guette. Pour tous ceux qui ne font pas partie de la liste des 19 (les fournisseurs d'accès à Internet, les services de cloud, les marketplaces, les réseaux sociaux, les plateformes de partage de contenus, les plateformes de voyage et d'hébergement…), le règlement s’appliquera à compter du 17 février 2024.
Anne-Laure Blouin