Le Parquet national financier inflige une amende de 1,2 million d’euros à Guy Dauphin Environnement qui reconnaît sa culpabilité dans une affaire de trafic d’influence auprès d’élus de l’Orne : la filiale du groupe Ecore a œuvré pour implanter un site d’enfouissement malgré les risques sanitaires et environnementaux pour son voisinage. L’affaire met notamment en cause un ancien ministre du gouvernement Chirac, Alain Lambert.

“Historique judiciaire”, “Trouble grave à l’ordre public” et “Implication d’un agent public de haut niveau”. Autant d’éléments “majorants” qui ont permis de fixer le montant de l’amende d’intérêt public dont écope Guy Dauphin Environnement pour trafic d’influence. Cela dit, conformément à l’esprit de la convention judiciaire d’intérêt public, le Parquet a pris en compte la coopération active des nouveaux dirigeants de la société de recyclage française, la reconnaissance des faits et l’indemnisation préalables des associations victimes à l’origine de la procédure par la société Guy Dauphin Environnement. C’est donc le montant de 1 230 000 euros que va devoir reverser la société au trésor public pour avoir monnayé l’influence de deux agents publics du département de l’Orne.

Blocage par les riverains

Le nœud du problème ? L’installation d’un centre d’enfouissement de résidus de broyages automobiles à Nonant-le-Pin. Le projet suscite dès son origine en 2006 un tollé de la part des haras voisins et des riverains qui craignent des retombées sanitaires, vétérinaires et écologiques. Les opposants se regroupent en associations et dénoncent un des principaux risques : la pollution d’un cours d’eau indispensable à la filière équine. Et par conséquent la mise en danger de la principale activité économique de la région.

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En 2010, le projet se heurte au refus du préfet de l’Orne qui se range à l’avis défavorable de la Direction régionale de l’environnement (Diren). Le Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) avait, lui, accordé son aval au projet. Une décision du juge administratif, rendue un an plus tard en février 2011, annule l’arrêté du préfet : le site d’enfouissement peut être installé à Nonant-Le-Pin. De nouveau, le Coderst donne un avis favorable en juin 2011. La société Guy Dauphin commence finalement à exploiter sa déchetterie en octobre 2013. Trois jours plus tard, il faut arrêter l’exploitation. Des collectifs de riverains font blocage. Les recours administratifs tombent, et aboutissent à une décision du 20 mai 2016 de la Cour administrative d’appel de Nantes qui annule le jugement du tribunal administratif de Caen “compte tenu du risque de pollution en cas de remontée des eaux souterraines vers le massif des déchets et du contexte hydrogéologique du site”. La société se tourne vers le Conseil d’État qui rejette son pourvoi en décembre 2016.

Vol en hélicoptère au-dessus du Mont-Blanc

En parallèle, une enquête pénale est ouverte fin 2014 à l’encontre du président du conseil général de l’Orne, et ex-ministre UMP Alain Lambert, et de son directeur de cabinet, Alain Pelleray, par le Parquet national financier. C’est le parquet d’Argentan qui lui a transmis la plainte pour “corruption passive et prise illégale d'intérêt” déposée par des associations opposées au projet de décharge. À l’origine de cette plainte, l’émission Pièce à conviction qui diffuse sur France 3 son épisode “Déchets : scandales et gros profits” dans lequel des soupçons sont portés sur le président du conseil général de l’Orne et son directeur de cabinet, qui seraient frauduleusement intervenus en 2011 auprès du ministère de l’Écologie – qui était alors Nathalie Kosciusko-Morizet – pour faciliter l’installation de la déchetterie. L’enquête du parquet révèle qu’entre 2007 et 2013, la société Guy Dauphin Environnement a demandé à Alain Lambert et à son directeur de cabinet leur soutien, notamment pour favoriser l’implantation du site d’enfouissement.

Par ailleurs, on apprend que la société Guy Dauphin Environnement a régulièrement invité le président du conseil général de l’Orne à déjeuner et à dîner ou, mieux encore, à survoler le Mont-Blanc en hélicoptère. Il est également question d’un fauteuil au sein du conseil de surveillance de la société et du financement d’un livre à hauteur de 10 000 euros en faveur de l’élu.

Le directeur du cabinet, qui est devenu ensuite directeur des affaires économiques du Conseil général, a de son côté prêté main-forte à son président. Les deux collègues œuvraient ensemble – avec des membres de la société Guy Dauphin Environnement – pour influencer les décisions du Coderst dans le sens de l’installation de la déchetterie. Le directeur de cabinet Alain Pelleray aurait également falsifié un courrier d’Alain Lambert à la direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement, en y ajoutant la mention “avis favorable”. Il aurait également fait part du contenu de la missive à la société de déchets en totale violation des règles de la procédure d’instruction de la demande d’installation d’enfouissement, toujours en cours à cette époque. Le directeur de cabinet tentait pour sa part d’entrer au capital de société d’enfouissement.

À côté de l’amende, la société mère, Derichebourg Environnement, devra verser près de 922 600 euros pour financer les contrôles de l’agence française anticorruption à son égard. Pendant trois ans, le groupe devra se soumettre à des audits et des vérifications pour veiller à l’efficacité de son dispositif anticorruption.

Anne-Laure Blouin

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