Au début du mois de mai, la Commission européenne a présenté sa proposition de directive pour lutter contre la corruption dans l’Union européenne. Elle souhaite entre autres renforcer la prévention, créer une culture favorisant l’intégrité des fonctionnaires européens, harmoniser le cadre judiciaire européen sur le plan de la répression… Toutes ces règles anticorruption veulent coller aux engagements pris par la présidente de la Commission Ursula Von der Leyen dans son discours sur l’état de l’Union de 2022.

“Le bilan incalculable de la corruption sur la vie de millions de personnes est dévastateur et la mission implacable de l'Union doit être de l'éradiquer où qu'elle se produise”, selon le vice-président grec chargé de la promotion du mode de vie européen de la Commission, Margaritis Schinas. Le 3 mai dernier, la Commission européenne a fait connaître sa nouvelle proposition de directive destinée à éradiquer la corruption au sein de l’Union européenne. Au programme : extension des sanctions pénales à un ensemble plus large de délits, construction d’une culture de l’intégrité, harmonisation des définitions des infractions pénales. La Commission se donne les moyens de ses ambitions et, selon les mots de l’Espagnol Josep Borrell, haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-président de la Commission européenne, “envoie un message clair : l'UE n'est pas ouverte aux affaires de ceux qui se livrent à la corruption, où que cela se produise”.

Une culture de l’intégrité

Si la corruption est par nature difficile à quantifier, puisqu’opaque, des estimations prudentes suggèrent qu’elle représente un coût d’au moins 120 milliards d’euros par an à l’économie de l’Union européenne. Et selon une déclaration de la présidente du Conseil économique et social des Nations unies, Lachezara Stoeva à l’occasion d’une réunion au début du mai, “la corruption draine plus de 5% du PIB mondial”. Les conséquences de la corruption ne se limitent pas à la perte d’argent public : elles ont trait également à la perte de ressources naturelles, la pauvreté et les inégalités. Au sein de la Commission européenne, on pointe aussi le risque grave pour la démocratie et l'État de droit que représente la corruption. L’Eurobaromètre de 2022 montre qu’en 2022, 68% des Européens pensaient que la corruption était répandue dans leur pays. Seulement 31% considéraient les efforts des gouvernements pour lutter contre la corruption efficaces.

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C’est donc sur le chemin d’une action décisive que la Commission veut s’engager, avec un socle légal solide.  “C’est d’ailleurs la première fois que nous réunissons la corruption dans le secteur public et la corruption dans le secteur privé sous une même loi-cadre”, explique Ylva Johansson, commissaire aux affaires intérieures. Un texte concocté pour “resserrer le filet autour des corrompus”. Parmi les éléments clefs des propositions du 3 mai, il y a en premier lieu la volonté de renforcer la communication en matière de lutte contre la corruption. Pour ce faire, la Commission propose la mise en place d’un réseau européen de lutte contre la corruption, réunissant les forces de l'ordre, les autorités publiques, les praticiens, la société civile. Un réseau qui aidera notamment la Commission à cartographier les domaines très touchés par la corruption dans l'UE. Bruxelles promet également un durcissement des règles pour lutter contre la corruption, règles qui s’étayeraient sur une définition harmonisée de la corruption couvrant le détournement, le trafic d'influence, l'abus de fonctions, ainsi que l'entrave à la justice et l'enrichissement illicite liés aux infractions de corruption. Il est aussi question d’augmenter le niveau des sanctions pénales. En parallèle, la Commission veut promouvoir une culture de l’intégrité, qu’elle veut diffuser grâce à des campagnes d'information et de sensibilisation, des programmes de recherche et d'éducation. Les États membres auront l’obligation d’adopter des règles efficientes sur le libre accès aux informations d'intérêt public, les conflits d'intérêts dans le secteur public, les actifs des agents publics et l'interaction entre le secteur privé et le secteur public. “La promotion et le renforcement à long terme de l'intégrité morale des agents publics réduiront davantage l'espace de la corruption dans une société démocratique saine”, indique la Tchèque Věra Jourová, vice-présidente de la Commission européenne et chargée du respect des valeurs de l'Union européenne et de la transparence, pour qui la corruption est semblable à un “cancer” qu’il faut traiter.

La directive a vocation à produire des effets en dehors de l’Union. Puisque la corruption constitue un fléau mondial, qui sape les efforts pour atteindre les objectifs de développement durable des Nations unies. Josep Borrell propose d'établir “un nouveau régime de sanctions PESC (Politique étrangère et de sécurité commune de l'UE, ndlr) ciblant les actes graves de corruption dans le monde entier“. Une manière aussi de “compléter notre boîte à outils externe de lutte contre la corruption”. Ce nouveau cadre de sanctions PESC devrait être discuté et adopté par les ministres des Affaires étrangères réunis en Conseil. La proposition de directive devra être négociée et adoptée par le parlement européen et le Conseil avant d’être effective. Affaire à suivre.

Anne-Laure Blouin

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