Le 23 mars 2023, les juges du Conseil d’État ont considéré que les dark stores étaient des “entrepôts” au sens du Code de l’urbanisme et du plan local d’urbanisme (PLU) parisien. Les sociétés Frichti et Gorillas Technologies auraient donc dû déposer une déclaration préalable auprès de la mairie de Paris pour pouvoir utiliser les locaux comme des entrepôts. Le 24 mars 2023, une réglementation prévoyant la possibilité de les interdire a été publiée au Journal officiel.

C’est un revers de fortune pour Frichti et Gorillas Technologies dont le principe est d’utiliser d’anciens commerces pour stocker les produits qu’elles vendent en ligne. Les entreprises de livraison doivent désormais demander à la mairie de Paris l’autorisation d’utiliser ces anciens commerces, ou « dark stores », comme entrepôts car, depuis le 23 mars 2023, ils doivent être qualifiés comme tels. Voilà quelque temps que la mairie de Paris bataille contre ce type de commerces qui fleurissent dans la capitale, rien que pour deux des acteurs de cette industrie, Frichti et Gorillaz Technologies, neuf adresses parisiennes sont concernées dans les 8e, 11e, 12e, 13e, 15e, 16e et 17e arrondissements. Elle avait donc mis en demeure les deux start-up du quick commerce de restituer dans leur état d’origine les commerces utilisés pour leurs livraisons sous peine d’une astreinte administrative de 200 euros par jour de retard. Mais le 5 octobre 2022, le juge des référés a suspendu les décisions de la ville de Paris à l’encontre de Frictchi et Gorillaz.

Flou juridique

Dans son argumentaire, il avait relevé l’intérêt des dark stores en ce qu’ils permettent “d’optimiser en milieu urbain le délai et le mode de livraison” et donc de “diminuer le trafic de camions et le nombre de points de livraison dans Paris intra-muros.

Le Conseil d’État a annoncé dans le résumé de la décision que “les dark stores [étaient] des ‘entrepôts’ au sens du Code de l’urbanisme et du plan local d’urbanisme parisien”. Le juge administratif suprême a considéré par ailleurs que la décision du juge des référés était erronée. Il aurait d’abord dû examiner si le changement de destination des locaux nécessitait une déclaration préalable auprès de la mairie. Ce qui aurait permis à la mairie de Paris de s’opposer à la transformation. Au lieu de quoi, il a sauté cette étape et considéré qu’il existait un doute quant à la qualification des locaux, qui pouvaient être qualifiés, selon lui, d’“espaces de logistique urbaine”. Cette appellation du PLU autorise la transformation de locaux existants en rez-de-chaussée sur rue. C’est sur cette ambigüité qu’il s’est fondé pour suspendre les décisions de la mairie de Paris. Au contraire, pour le Conseil d’État, “ces locaux stockent des marchandises pour livrer rapidement des clients et ne sont plus destinés à la vente directe au sens du code de l’urbanisme”. Ils ne relèvent en rien de la catégorie “constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif” dans le PLU. Et d’en conclure que “la mairie avait le droit de demander que les deux sociétés restituent ces locaux à leur activité d’origine, les entrepôts étant interdits en rez-de-chaussée sur rue à Paris”.

Arrêté et décret du 24 mars 2022

Le lendemain de cette décision, le gouvernement a publié au Journal officiel les réglementations attendues par les conseillers de la ville de Paris. Un arrêté déclare notamment qu’il sera possible de fermer les dark stores ou dark kitchens, si le PLU interdit ce type d'activité à l'adresse en question.  

Relance des sanctions financières

L’organisation France urbaine sollicite depuis 2022 l’appui du gouvernement pour mieux réguler et encadrer l’activité de ces entrepôts. Le collectif rapporte avoir été alerté par plusieurs métropoles et agglomérations au second semestre 2021 sur l’apparition et l’implantation non contrôlées en centres-villes des dark stores : “en 2022, 150 dark stores [ont été] comptabilisés en France, dont les trois quarts en Ile-de-France. Ces premières interpellations ont principalement trait aux nuisances provoquées par ces implantations : livraisons en poids-lourds, stationnement sur les trottoirs, comportement des livreurs à vélo, gestion des déchets.”

Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la maire de Paris chargé de l’urbanisme, de l’architecture, du Grand Paris et des relations avec les arrondissements, se réjouit sur Twitter de la décision du Conseil d’État et assure que ”dès maintenant, les sanctions financières qui ont été suspendues vont être relancées. Ces entrepôts illégaux seront verbalisés.”

 Anne-Laure Blouin

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