Le garde des Sceaux a présenté jeudi 5 janvier son plan d’action pour renforcer l’efficacité de la justice. L’occasion d’évoquer la qualité de vie au travail des magistrats, la simplification de la procédure civile, la participation financière des entreprises et le renforcement de l’attractivité du droit français.

La réforme pensée par Éric Dupond-Moretti et présentée à la presse jeudi 5 janvier 2023 n’est pas la première réforme de la justice. Mais c’est "la première fois qu’une réforme de la justice s’accompagne de moyens à la hauteur des enjeux", assure le garde des Sceaux. Déconcentration, ministère "entièrement numérisé et zéro papier", application smartphone pour rapprocher les justiciables de la justice, refonte du Code de procédure pénale… Place Vendôme, le ministre a dressé un plan de route destiné à redresser la justice pour les prochaines années du quinquennat.

Juge conciliateur

Parmi les mesures phares pour les opérateurs économiques : le déploiement de la culture de l’amiable, politique que le ministre lancera officiellement le 13 janvier prochain. La première piste serait celle de la césure du procès civil, laquelle considérait à faire trancher par le juge la question de droit identifiée par les parties, et d’inciter ensuite les parties à s’entendre sur le reste des demandes, notamment l’estimation du préjudice et de l’indemnisation. Le procédé s’inspirerait de la pratique des Pays-Bas et de l’Allemagne : nos voisins néerlandais traiteraient "deux fois plus de contentieux en deux fois moins de temps". Le garde des Sceaux vise un temps moyen de procédure divisé par deux. L’autre piste serait celle de l’audience de règlement amiable. Sur le modèle de la pratique québécoise – qui atteindrait les 72 % de succès pour ces procédures –, les parties peuvent être renvoyées devant un juge qui, comme un conciliateur, "contribuerait à pacifier en dehors de la salle d’audience les rapports entre les parties". Ces dernières trouveront un accord, rédigé par les avocats et homologué par le juge dans un délai d’un mois. Éric Dupond-Moretti propose aussi de valoriser le travail de l’avocat qui contribuera à l’obtention d’un accord. Les dossiers résolus à l’amiable seront prioritaires. À la fin du quinquennat, le ministre veut avoir divisé par deux les délais de procédure civile. Il entend aussi, à cet effet, améliorer la structuration de l’écriture des avocats : pourrait être intégrée à la fin des conclusions une synthèse des moyens de droit. Des travaux avec le Conseil national des barreaux sont en cours.

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Parce que "le ministère de la Justice est aussi le ministère des tribunaux de commerce", Éric Dupond-Moretti compte "renforcer l’attractivité du droit français", par exemple avec la codification du droit international privé. Il souhaite également ouvrir les acteurs judiciaires aux sujets économiques, notamment par le détachement de magistrats de l’ordre judiciaire dans les tribunaux de commerce et grâce à l’expérimentation de la transformation de certains tribunaux de commerce en tribunaux des activités économiques, compétents pour connaître de toutes les procédures amiables et collectives quels que soient les statuts et les domaines des opérateurs économiques (commerçants, artisans, agriculteurs, SCI, libéraux, etc.). La contribution financière des entreprises, proportionnelle à l’enjeu du litige, reste dans les idées du ministre. L’idée d’un legal privilege accordé aux entreprises, quant à elle, n’a pas été évoquée pendant la conférence. Il est demandé depuis de nombreuses années par les associations, comme l’AFJE et le Cercle Montesquieu.

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"Tout n’est pas que budgétaire"

Les mesures, en partie nées des conclusions des États généraux de la justice, visent une "organisation nouvelle et une revalorisation des métiers de la justice". Ce qui passera par une hausse des moyens : Éric Dupond-Moretti vise 11 milliards d’euros par an d’ici à 2027. Des ambitions qui seront présentées au printemps, dans la loi d’orientation et de programmation de la justice. Elle devrait entériner le recrutement de 10 000 personnes dans les quatre prochaines années, dont 1 500 magistrats et autant de greffiers. Mais "tout n’est pas que budgétaire" : le ministre de la Justice veut penser à la qualité de vie au travail des magistrats et va mettre en place un outil qui permettra d’établir un référentiel de la charge de travail des magistrats. Il veut négocier, avec les syndicats, un accord cadre inédit sur la QVT (qualité de vie au travail). L’ancien avocat promet qu’il veut "redonner du sens au métier de juge et le sortir de l’isolement, car le juge est une ressource rare, avec une haute qualification et de grandes responsabilités". Le garde des Sceaux soumettra également un projet de loi organique qui "tendra à ouvrir la Justice sur le monde extérieur". Objectifs : mieux former et former davantage de nouveaux candidats, faciliter les recrutements de magistrats à titre temporaire, élargir le corps enseignant de l’ENM aux professions extérieures en lien avec les nouveaux enjeux.

Olivia Fuentes

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