Vous reprendrez bien un peu de legaltech française ou européenne ? Elle a des atouts : une bonne compréhension des enjeux juridiques locaux, une envie de se positionner sur les sujets de collaboration, de contract management et de compliance, et une conformité rassurante aux règles de protection des données personnelles.

Ces dernières années, le marché de la legaltech française et européenne s’est recentré. “Avec l’autorégulation des acteurs et le Covid, les solutions dont le besoin n’était pas évident ont été évacuées”, explique Grégoire Miot, trésorier de l’Association européenne des legaltech (Elta). En Europe, on s’intéresse aux outils de collaboration, de contract management et de compréhension réglementaire. “Aux besoins primaires, donc.” LegalPlace, qui a annoncé en octobre une levée de fonds de 20 millions d’euros, veut compléter sa gamme de services juridiques destinée à faciliter les démarches de création d’entreprise et permettre aux entrepreneurs de vérifier s’ils ont bien respecté toutes leurs obligations. DiliTrust, en rachetant Hyperlex, a montré qu’elle souhaitait se positionner sur le segment des contrats, avec l’aide de l’intelligence artificielle. La legaltech souhaite aussi faciliter la vie des utilisateurs sur les sujets de fonds documentaires et de partage de fichiers confidentiels, et sur la centralisation et le suivi des dossiers de pré-contentieux et contentieux. Lex Persona, de son côté, a opté récemment pour la mise à disposition d’un outil gratuit de signature de documents à distance.

REX clients

L’étape suivante dans la vie des legaltech franco-européennes, pour le trésorier de l’Elta, sera celle de l’élaboration de solutions tout-en-un. Ce qui pourra sans doute se faire avec l’activité M&A des éditeurs juridiques, qui s’est densifiée depuis trois ans. De nombreuses solutions tricolores sont pionnières de leur secteur, ou ont su se positionner à un moment où leur activité a connu un bond. Des legaltech comme Doctrine et Predictice participent au rayonnement du marché françaisSigne que les utilisateurs cultivent une fibre locale ? Le membre de l’Elta relève une “sensibilité aux choix de solutions françaises ou européennes”. Dans les appels d’offres publics, la préférence locale serait prédominante depuis quelques années. Il faut dire que choisir des solutions françaises ou européennes présente ses avantages. Il y a la question du besoin de proximité, bien sûr. Pour les utilisateurs des solutions, c’est l’assurance que la legaltech aura une bonne compréhension des enjeux spécifiques légaux et réglementaires locaux. “La proximité permet aussi le suivi de l’évolution de la profession juridique, des pratiques locales. De nombreux paramètres relèvent de la pratique business et juridique locale”, analyse Grégoire Miot. La plupart des legaltech européennes se sont d’ailleurs construites à partir des retours d’expérience de leurs clients. Clients qui, ajoute Grégoire Miot, apprécient de pouvoir utiliser une autre langue que l’anglais, qui ne suffit pas forcément. “Et ça, les anglo-saxons ne l’intègrent pas toujours.”

Grands chevaux

Au sein du Vieux Continent, le marché est encore en évolution. Grégoire Miot pense qu’il existe encore “une grande marge de progression pour les professionnels du droit, en matière d’équipement. Nous sommes encore à la première génération de renouvellement de solutions.” La bonne nouvelle, c’est que les acteurs européens rassurent : dans l’esprit des utilisateurs, les legaltech françaises et européennes sont synonymes de sécurité des données. Orlando Appell, chief operating officer de SAP, reconnaît que “de nombreux clients demandent d’héberger les données en Europe et de passer par des intervenants européens”. L’éditeur propose désormais des encryptions privées. Les clients peuvent aussi, en fonction de la solution cloud choisie, décider de la localisation du data center qui stockera ses données.

L’Europe peut aussi faire jouer sa réglementation pour favoriser ses jeunes pousses de la legaltech. Le segment de la signature électronique est un bon exemple : Des acteurs d'outre-Atlantique ont tenté de conquérir le marché européen, mais se sont heurtés à de nombreux acteurs locaux déjà solidement implantés, rappelle Grégoire Miot. Les prestataires de solutions de signature électronique ne sont pas agréés de la même façon aux États-Unis et en Europe. Au sein de l’Union européenne, il faut se plier au règlement eiDAS, qui s’applique à promouvoir le développement d'un marché de la confiance numérique. Les États membres ont pu dresser des listes de prestataires autorisés. L’Espagne, par exemple, a décidé d’en exclure DocuSign. Reste qu’à l’échelle publique, pense Grégoire Miot, le potentiel des legaltech ne serait pas vraiment compris, là où la fintech rafle tous les encouragements. Les créateurs de solutions juridiques ne montent pas de dossiers de demandes de financements publics, lesquels sont seulement octroyés à la numérisation de la justice. Un constat regrettable, quand on sait que la legaltech franco-européenne ne demande qu’à s’envoler.


Olivia Fuentes

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