Conseil de nombreux acteurs du monde de la production audiovisuelle, cinématographique, de la culture et de la réalité virtuelle, l’équipe Cinéma-Média-Digital du cabinet Spring Legal accompagne la production de films de long-métrage de fiction et d’animation et de séries audiovisuelles. Le cabinet, qui couvre tous les domaines du droit des affaires (corporate, fusions-acquisitions, droit public et droit social) se différencie par son positionnement international et innovant.

Décideurs. Quels sont les grands enjeux juridiques pour les acteurs des secteurs audiovisuels et cinéma ?

Karine Riahi. Face à la baisse des financements traditionnels du secteur, l’enjeu principal pour nos clients est d’identifier les nouvelles sources de financement, parmi lesquelles des sociétés de private equity, pour compléter le triptyque classique : subventions, pré-achat, coproduction, dont le rapport Boutonnat pointait la nécessité. Impliquer ces nouveaux entrants nécessite une grande transparence des comptes de production et d’exploitation et des résultats. La transposition de la directive Droit d’auteur en droit français, qui impose ce principe de transparence, ou encore le recours à la blockchain permettent une meilleure traçabilité. Mais le chemin est encore long car ces secteurs, et surtout celui de la production cinématographique, sont encore considérés comme des économies de prototype où il est toujours difficile de modéliser de manière précise le succès d’une œuvre. L’engouement récent pour les films de genre, à petits budgets, est une manière pour les producteurs français de minimiser les risques et ainsi d’attirer ces nouveaux entrants.

Les NFT, qui représentent un autre enjeu de taille pour le secteur, pourraient également contribuer à diversifier les financements, avec une nouvelle catégorie d’investisseurs plus rompue au financement du risque. Par ailleurs, nous entrons aujourd’hui dans une économie de formats et de concepts qui permet de décliner sous la forme de plusieurs œuvres des « high concepts ». Les barrières entre les œuvres disparaissent car elles peuvent être adaptées à la fois en jeu vidéo, œuvres de réalité virtuelle, série d’animation live, etc.

Julien Brunet. Face à l’éclatement des guichets de financement, notamment avec l’arrivée des plateformes, nous avons un véritable rôle de business partner pour aider nos clients à identifier les bons canaux de diffusion pour leurs œuvres en mettant notre réseau à leur disposition. Nous intervenons ainsi très en amont des projets pour identifier les opportunités et leurs risques juridiques pour parvenir à une meilleure rentabilité des projets.

Quelles sont les problématiques contractuelles des projets audiovisuels ? Et cinématographiques ?

Julien Brunet. Avec l’arrivée des nouveaux services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), de culture anglo-saxonne, nous sommes face à des contrats dont la rédaction est de plus en plus sophistiquée. Cette « anglo- saxonisation » des contrats audiovisuels, qui mixe droit américain et droit français, est un challenge excitant à la mesure des conseils que nous sommes.

Karine Riahi. Lorsque nos clients sont face à ces contrats, il nous revient de les interpeller sur la cohérence et leur légalité au regard du droit français (droit moral, rémunération proportionnelle, inscription des contrats, etc.). À cet égard d’ailleurs, il est intéressant de souligner que le dernier accord signé entre les organisations syndicales des auteurs et des producteurs impose l’insertion de clauses types dans les contrats, respectueuses des obligations d’ordre public en droit français. Les producteurs font face à une avalanche de textes et de règles qu’ils ne peuvent pas toujours gérer seuls et nous les accompagnons pour les aider à y voir plus clair.

"Nos clients américains peuvent désormais trouver sur le territoire européen les outils juridiques pour lutter efficacement contre la piraterie de leurs œuvres"

Julien Brunet. Concernant le cinéma, nous sommes intervenus en 2021 sur un important dossier de concentration des médias où nous avons dû faire un audit de catalogue de films, nécessitant l’analyse des chaînes de droit. Quand on étudie dans le détail les mécaniques de leur financement, on constate que les contrats commerciaux, de par la multiplicité des acteurs dans la chaîne de financement, sont complexes, notamment, s’agissant des droits à recettes de chacune des parties. Les sources de financement étant de plus en plus nombreuses, la rédaction des contrats s’en trouve marquée. Quant à la mesure fiscale du crédit d’impôt international, notre expertise permet de rassurer des producteurs internationaux dans leurs tournages en France.

Quel est l’impact de la directive Droit d’auteur sur le secteur ?

Julien Brunet. Beaucoup de dispositifs de la directive Copyright étaient déjà présents en droit français et seront désormais appliqués aux 27 États membres. Je pense par exemple à la rémunération proportionnelle des auteurs. La directive va responsabiliser les plateformes de partage de vidéos en les obligeant à négocier en amont des accords avec les ayants droit, et ainsi les associer véritablement à la création de richesse. Karine Riahi. L’atout de cette directive est quand même de parvenir à harmoniser les législations en droit d’auteur des 27 États membres de l’UE sur des principes fondamentaux. J’ajouterai ici que nos clients américains peuvent désormais trouver sur le territoire européen les outils juridiques pour lutter efficacement contre la piraterie de leurs œuvres. L’article 17 de la directive les protège désormais.

La transposition de la directive SMA était le grand enjeu audiovisuel de 2021. La mise en œuvre de cette directive et son évaluation par la Commission européenne seront l’un des enjeux de 2022. Quel impact sur le secteur audiovisuel ?

Julien Brunet. Le droit est toujours en retard sur les évolutions technologiques. Après la première directive SMA de 2007, s’est très vite posée la question de réfléchir à une nouvelle directive qui viserait à faire contribuer les SMAD au financement de la création audiovisuelle, ce qui a été fait par une dérogation au principe dit du pays d’origine selon lequel l’éditeur du service relève de la juridiction de son lieu d’établissement.  Ainsi, pour la contribution au financement de la création audiovisuelle, c’est désormais le principe du pays de réception qui s’impose. Nous sommes convaincus que la transposition de la directive SMA par la France incitera les autres pays à ne pas se contenter d’une transposition a minima et donc de respecter l’ambition de ce texte majeur. En mai 2020, Le président  Emmanuel Macron, avait  annoncé, lors des Assises de la culture, la transposition prochaine de cette directive SMA [Services de Médias Audiovisuels, Ndlr]. La transposition a été actée par l’ordonnance de décembre 2020 puis par les décrets d’application de juin et décembre 2021.

Karine Riahi. Le chaînon manquant était alors la révision de la chronologie des médias à laquelle ces décrets renvoyaient et qui est entrée en vigueur le 10 février 2022 pour une durée de 3 ans. Les deux grands gagnants de la nouvelle chronologie sont Canal+ et  Netflix en ce qu’ils ont bénéficié d’une fenêtre plus favorable (6 et 15 mois) en contrepartie de financements plafonnés (600 et 200 millions), avec la perspective pour Netflix de pouvoir bénéficier des comptes de soutien du CNC. Ce dernier sujet reste controversé et devrait animer les discussions de l’année 2022. D’autres ont manifesté leur mécontentement, à l’instar de Disney+ et Amazon qui ne bénéficient pas de la même fenêtre que Netflix.

Quelle est la valeur ajoutée de votre accompagnement et expertise en droit de l’audiovisuel et du cinéma ?

Karine Riahi. Depuis ma prestation de serment en 1989, le monde de l’audiovisuel est en changement permanent ce qui m’a obligée à faire preuve de créativité juridique, reconnue par mes clients et par mes pairs. Cette agilité est une force face aux enjeux que traverse aujourd’hui ce secteur. En créant Spring Legal en 2017, j’ai souhaité que ma spécialité s’articule avec celle de mes associés en corporate, fusions acquisitions, droit public et droit social pour répondre aux besoins multiples de mes clients. Nous offrons donc un accompagnement global à nos clients. J’ajouterai que notre département traite lui-même les dossiers de contentieux du secteur, tant devant les tribunaux que devant les instances de médiation.

Julien Brunet. Pour ma part, le sujet que j’ai souhaité que notre département porte dès la création du cabinet est celui des technologies immersives (réalité virtuelle, augmentée et mixte), à la frontière entre la production traditionnelle et les nouvelles technologies. Enfin, de par mon parcours international où j’ai étudié en Italie (Florence) et aux ÉtatsUnis (UCLA), la dimension internationale est également très ancrée dans l’ADN de notre cabinet. Avocat au barreau de Californie, j’ai pour ambition de faire la passerelle entre la France et les États-Unis dans ce secteur, toujours dans une approche « business affairs », et plus particulièrement les projets de coproduction. 

Propos recueillis par Anne-Sophie David

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