Connotation sexiste, notion d’accumulation… La loi Santé du 2 août 2021 est venue introduire de nouvelles notions dans la définition du harcèlement sexuel. Aux DRH, CSE et managers de s’approprier ces nouveautés.

Depuis plusieurs années, les instances reconnues sur la thématique de l’égalité professionnelle, comme le HCE (Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes) et le CSEP (Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes), invitaient le législateur à renforcer l’arsenal juridique en matière de prévention et traitement des agissements sexistes et du harcèlement sexuel au travail.

Nouveautés

Sous l’impulsion de ces recommandations, la loi du 2 août 2021, dite loi Santé, introduit dans le Code du travail une nouvelle définition du harcèlement sexuel, qui aura des impacts importants sur les politiques d’entreprise à partir de son entrée en vigueur le 31 mars 2022.

Le nouvel article L. 1153-1 du Code du travail énonce :
Aucun salarié ne doit subir des faits :
1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements
à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
Le harcèlement sexuel est également constitué :
a) lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements venant
de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;
b) lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ;

2° soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

La première nouveauté est l’intégration de la “connotation sexiste” dans la notion de harcèlement sexuel : si dans le passé seuls les comportements à connotation sexuelle pouvaient être constitutifs de harcèlement, dorénavant les agissements sexistes pourront aussi, si répétés, être qualifiés de harcèlement sexuel. Ainsi, si les notions de comportement sexiste et comportement sexuel restent conceptuellement distinctes – la première se traduisant par une conduite dévalorisante ou humiliante basée sur les stéréotypes de genre, la seconde par des propos ou comportements sexualisant la personne ou la réifiant en objet sexuel –, cette nouvelle définition du harcèlement sexuel pointe du doigt les impacts nocifs que peuvent représenter les agissements sexistes quand ils deviennent systémiques au sein des organisations.

La deuxième nouveauté est la notion d’accumulation, qui se manifeste notamment en cas de harcèlement sexuel d’ambiance : c’est par exemple le cas d’un collectif de travail au sein duquel plusieurs personnes tiennent des propos et des comportements inappropriés, comme des blagues graveleuses ou des commentaires suggestifs sur les tenues vestimentaires des autres collègues, sans viser forcément une personne en particulier. Cette accumulation de propos et comportements offensants pourrait porter atteinte à la dignité des autres membres de l’équipe, voire dégrader leurs conditions de travail. On pourra retenir alors le harcèlement sexuel d’ambiance auquel chaque personne aurait contribué en n’ayant tenu qu’un seul propos dégradant.

Mode d'emploi

À travers la loi Santé, la volonté du législateur se manifeste clairement : renforcer le volet préventif des politiques d’entreprise afin de s’attaquer aux prémices des violences sexistes et sexuelles, qui sont justement les comportements sexistes. Dans une approche de prévention des risques psychosociaux, la première action à mettre en place par l’employeur sera notamment une campagne d’information sur les agissements sexistes et le harcèlement sexuel en soulignant les nouveaux contours de ces phénomènes et indiquant à qui s’adresser si victime ou témoin.

Ensuite, il sera utile que la DRH, en accord avec le CSE et les référents harcèlement sexuel, élabore une procédure de traitement des agissements inappropriés pour établir le mode opératoire et l’identification des parties prenantes afin de simplifier le signalement des situations dysfonctionnelles et sécuriser la prise en charge des victimes. 

Enfin, la formation des managers sera une étape incontournable pour repérer rapidement les comportements à risque et apporter des réponses appropriées et proportionnées : jusqu’à présent, les propos ou comportements sexistes étaient souvent ignorés ou suivis par un simple recadrage managérial et, si particulièrement offensants ou humiliants, sanctionnés par des avertissements ou des blâmes. Or, à partir de mars 2022, les agissements sexistes, en cas de répétition, pourront se solder par des sanctions plus lourdes, y compris le licenciement. En conclusion, les entreprises vont devoir s’approprier cette nouvelle définition et la partager avec les collaborateurs et collaboratrices afin de créer une ambiance de travail plus respectueuse et sereine.

Alice Marchionno, consultante senior Équilibres (groupe Human & Work)

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