Un journaliste peut divulguer des informations privilégiées (des rumeurs sur des sociétés cotées en Bourse) dans un article qui sera publié prochainement à condition que cela soit nécessaire pour mener à bien son activité journalistique et que cela respecte le principe de proportionnalité.

Quelle balance trouver entre la liberté de la presse, les intérêts privés d’investisseurs et l’intégrité des marchés financiers ? Voilà la question posée par la Cour d’appel de Paris à la Cour de justice de l’Union européenne. Les juges de Luxembourg ont trouvé la réponse : la divulgation d’une information privilégiée par un journaliste n’est licite que lorsqu’elle est considérée comme nécessaire à l’exercice de sa profession et lorsqu’elle respecte le principe de proportionnalité. Si au titre de la liberté de la presse et de la liberté d’expression, la communication d’informations privilégiées à des fins journalistiques peut en effet être justifiée, elle sera dorénavant soumise à un contrôle de nécessité et de proportionnalité. Il faudra donc regarder l’effet potentiellement dissuasif de l’interdiction de ce type de divulgations sur l’exercice de l’activité journalistique - y compris sur les travaux d’investigation préparatoires - ainsi que le respect par le journaliste des règles et des codes régissant sa profession.

Cette décision intervient dans le cadre d’un recours en annulation porté devant la Cour d’appel de Paris contre une décision de l’Autorité française des marchés financiers (AMF). L’affaire concernait la publication par un journaliste de deux articles sur le site du Daily Mail relayant des rumeurs de dépôt d’offres publiques d’achat sur les titres de Hermès et de Maurel & Prom, dont les prix indiqués dans les articles étaient largement supérieurs aux cours des titres sur Euronext. Il était reproché au journaliste d’avoir fait part de la publication prochaine de ses articles à des résidents britanniques. En connaissance de ce fait, ces derniers ont pu passer des ordres d’achat sur les titres en question avant la publication de l’article et les revendre à la suite de celle-ci, laquelle avait fait augmenter la valeur des titres. Le journaliste a écopé d’une sanction pécuniaire de 40 000 euros infligée par l’AMF, qu’il a contestée devant la Cour d’appel de Paris. À elle, désormais, d’examiner si la divulgation de ces informations était bien nécessaire.

Anaëlle Demolin

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