Pierre Person, député LREM, est connu pour être un crypto-enthousiaste. Il cherche notamment à faire progresser la régulation des actifs numériques en France et en Europe. Retour sur son intervention lors du Sommet du Patrimoine et de la Performance 2021.

Décideurs. Comment peut-on à la fois représenter l’État et défendre un mouvement qui se veut décentralisé et antisystème ?

Pierre Person. C’est une très bonne question. Il faut savoir qu’à la base, la technologie blockchain est un projet plutôt libertarien mené en 2008 par des particuliers qui avaient constaté une situation de fait dans la finance mondiale et ont voulu y remédier d’un point de vue monétaire. Ensuite, j’ai pour coutume de dire que la technologie en tant que telle n’a pas de fin politique et c’est pour cela que réguler la technologie n’a pas de sens. La technologie, c’est l’application et l’usage que vous en faites qui déterminent à quoi elle sert. En somme cette technologie n’a pas de finalité politique. En revanche, le mouvement de décentralisation va redonner de la souveraineté à l’individu. 

La régulation n’est-elle pas un frein à l’innovation ?

À mon sens la régulation est extrêmement importante car elle permet de fixer des cadres protégeant les investisseurs et ainsi de généraliser la maturité. C’est le cas de Binance, l’une des principales plateformes d’échange pour les cryptos-actifs, dont l’activité avait commencé dans l’illégalité dans les îles vierges mais représentait plusieurs centaines de milliards de capitalisation.  Pour rentrer dans une deuxième phase de développement, ils doivent aujourd’hui être régulés afin de rassurer le petit épargnant qui souhaiterait investir. Ainsi l’institutionnalisation permettra l’expansion de cette technologie.

Peut-on considérer le bitcoin comme une réserve de valeur, au même titre que l’or ?

Oui intrinsèquement, dans la philosophie du bitcoin, il est là pour se protéger de l’érosion monétaire. Or on observe que le bitcoin est très corrélé aux actifs risqués. Cependant il a répondu favorablement à l’annonce de la Fed concernant l’inflation américaine. La forte décorrélation sur le long terme de cet actif en comparaison avec les actifs plus traditionnels permet de se "hedger" contre l’inflation. C’est la raison pour laquelle les investisseurs institutionnels s’interrogent sur la possibilité d’investir une partie de leurs trésoreries dans le bitcoin afin de s’exposer à quelque chose qui est décorrélé du marché traditionnel.

Quelle sera la place des actifs numériques dans l’économie de demain ?

À l’heure actuelle les usages tels que nous  les connaissons sont peu définis. Selon moi, quatre points se dessinent. Vis-à-vis du marché, cette technologie pourrait devenir une place de marché avec l’émission de titres financiers par exemple. La blockchain pourrait moderniser ce secteur, d’ailleurs l’AMF est plutôt favorable à ces changements. D’un point de vue bancaire, à mon sens si les banques traditionnelles ne s’adaptent pas, elles seront rayées de la carte. Le rôle d’intermédiaire que représente la banque ne sera plus utile, car les opérations comme les prêts seront décentralisées. Ensuite, la monnaie n’a pas toujours été l’apanage de l’État, c’est le cas depuis plusieurs siècles.

"Est-ce que l’on veut que la monnaie reste dans le giron de l’État ?"

La vraie question est : "Est-ce que l’on veut que la monnaie reste dans le giron de l’État ?" Nous observons, à l’échelle mondiale, une guerre monétaire et de souveraineté se jouer pour laquelle les Européens sont les tristes spectateurs. Enfin, par rapport aux NFT, le marché est actuellement en trop-plein de liquidité. Je ne suis donc pas certain que la valeur actuelle de ces œuvres d’art soit pérenne. Pour autant, cette technologie permettra une hyper-liquidité interopérable où les copies des œuvres ne seront plus possibles, l’authenticité sera plus simple et les transactions beaucoup plus souples. Finalement cela pourrait révolutionner la finance traditionnelle.

Propos recueillis par Marc Munier et Clément Redon

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