Noémie de Galembert (Galembert Avocats) : "Nous souhaitons rester un cabinet de niche, agile, flexible et indépendant"
Décideurs. Quel impact la crise sanitaire a-t-elle eu sur l’activité du cabinet ?
Noémie de Galembert. Nous avons traversé deux mois de sidération, comme beaucoup, durant le premier confinement. Le système judiciaire a tourné au ralenti avec la fermeture des tribunaux, et plusieurs négociations ont été suspendues. Nous avons néanmoins largement rattrapé ce ralentissement depuis car la crise sanitaire n’a eu aucun impact négatif sur notre activité. Bien au contraire, le cabinet a continué sa croissance de façon sereine. Et en tant que boutique indépendante, nous sommes restés flexibles, la règle étant la responsabilité mais surtout la liberté.
Vous intervenez principalement en contentieux haut de bilan. Quelles grandes tendances avez-vous observées dernièrement dans votre secteur d’activité ?
Il y a un écart de plus en plus net entre les prix formules, c’est-à-dire la valeur des titres pré-agréée dans les pactes d’actionnaires ou promesses de vente/achat et la valeur de marché des titres. Cette distorsion de la réalité s’explique par un excès de liquidité et par les levées de fonds records auprès des investisseurs, d’une part, et par la dette qui reste peu chère, d’autre part. Cette situation est ainsi susceptible d’engendrer des conflits à l’avenir. En fonction du scénario et du point de vue, les uns estimeront qu’ils sont rachetés à prix forcés décotés, et les autres considéreront être tenus par une formule de prix agréée au préalable dans les contrats mais jugée trop élevée a posteriori.
Les opérations de M&A n’ont pas faibli en dépit de la pandémie. Avez-vous observé une hausse – tant redoutée – des contentieux post-acquisition ?
Le cabinet est intervenu régulièrement sur des litiges post-acquisition cette année mais je n’ai pas encore observé la grande vague de contentieux annoncée. Néanmoins, j’observe que les acheteurs réalisent des audits de plus en plus superficiels avant d’acquérir. Ils préfèrent acheter, de plus en plus cher, tout en acceptant un grand niveau de risque qui n’est donc pas reflété dans le prix. Il y aura sans doute une plus grande vague de contentieux dans un horizon de deux à quatre ans.
"Cette polyvalence conseil/contentieux nous permet d’avoir une approche très pragmatique et stratégique de ces dossiers"
En parallèle de votre activité centrale, vous avez une expérience significative des conflits opposant les dirigeants de sociétés sous LBO à leur partenaire financier. Dans ce cas particulier, nous avez choisi de n’intervenir que du côté des CEO. Pourquoi avoir opté pour ce positionnement de niche ?
Le cabinet comprend parfaitement la technicité des investissements private equity et des bouclages de packages LBO. Mais ce genre de dossiers fait surtout appel à notre savoir-faire pluridisciplinaire : nous savons comprendre et déboucler des investissements, manier des documentations corporate et structurations financières complexes, tout en maîtrisant les demandes judiciaires d’urgence pertinentes (désignation d’huissiers, mise sous séquestre de titres, etc.). C’est cette polyvalence conseil/contentieux qui nous permet d’avoir une approche très pragmatique et stratégique de ces dossiers. Elle fait notre singularité et donc notre atout.
Les compétences techniques et financières qu’impliquent ces contentieux me passionnent et ce positionnement de niche était peu pris par les cabinets institutionnels soucieux de leur positionnement commercial vis-à-vis de leur clientèle de fonds d’investissement. Grâce à notre savoir-faire et notre indépendance, nous sommes moins confrontés aux conflits d’intérêts. Les associés de fonds d’investissement que nous assistons dans la négociation de leur accord de sortie (avec les enjeux de titres, carried, co-investissements et éventuelle non-concurrence) y sont particulièrement sensibles.
En revanche, hors du contexte private equity, nous pouvons intervenir du côté des investisseurs ou de l’actionnaire majoritaire, par exemple lorsqu’ils souhaitent révoquer leur dirigeant, obtenir l’exécution forcée d’un pacte d’actionnaires ou mettre en œuvre un droit à liquidité.
"Il y a un écart de plus en plus net entre les prix formules, c’est-à-dire la valeur des titres pré-agréée dans les pactes d’actionnaires ou promesses de vente/achat et la valeur de marché des titres"
Le cabinet fêtera ses 5 ans l’année prochaine. Comment percevez-vous l’avenir ?
Les cabinets vraiment spécialisés en contentieux haut de bilan sont en réalité assez rares sur le marché. Nous souhaitons rester un cabinet de niche, agile, flexible et indépendant. Notre développement restera donc contrôlé et passera vraisemblablement par de la croissance organique ou par le recrutement d’associés qui partagent le même ADN que le nôtre.