Mathilde Saltiel, la concurrente
Attirée par le droit européen et par une carrière institutionnelle, Mathilde Saltiel entame des études à Sciences Po Paris, avant de poursuivre en faculté de droit "afin de ne me fermer aucune porte", relate l’avocate de 34 ans. Pour garder l’ancrage européen qui lui plaît tant, elle s’intéresse en particulier au droit de la concurrence qui lui est enseigné par le président de l’Autorité de la concurrence de l’époque, Bruno Lasserre, ce qui la marquera pour toujours et lui apportera cette certitude : l'antitrust sera sa spécialité.
Elle poursuit son parcours chez Jeantet puis chez Willkie Farr au sein duquel elle exerce pendant huit ans, dont un an en détachement à New York. En suivant son associé de l’époque, Jacques-Philippe Gunther, elle rejoint Latham en tant que collaboratrice puis devient rapidement counsel. Deux ans après, elle y sera nommée associée, "au moment même où j’étais en congé maternité", relève-t-elle. Une reconnaissance pour son investissement sans relâche dans les dossiers qu’elle traite, dans les associations de mentoring et la vie du cabinet. Depuis 2019, elle occupe la fonction de co-chair du Women Enriching Business (WEB), destiné à promouvoir les avocates dans leur milieu professionnel. "Ce comité a vocation à créer des rencontres entre nos avocates, nos clientes et relations professionnelles, autour d’événements notamment culturels avec un mot d’ordre : mettre les femmes à l’honneur."
Création du premier opérateur européen de paiement
Comme elle se consacre entièrement au droit français et européen de la concurrence, Mathilde Saltiel représente régulièrement ses clients devant l’Autorité de la concurrence française, mais également devant la Commission européenne à la concurrence, tenue d’une main de maître par sa redoutable présidente, Margrethe Vestager. "Mes dossiers en contentieux portent sur les procédures lancées par l’Autorité de la concurrence et la Commission européenne contre des entreprises pour entente et abus de position dominante, en représentant soit les plaignants soit les entreprises mises en cause. Mon activité contentieuse comprend aussi les appels de telles décisions ainsi que les demandes de réparation. Le volet transactionnel concerne le contrôle des concentrations, soit la sollicitation auprès des autorités françaises, européennes ou internationales de l’autorisation d’un rachat ou d’une fusion entre deux entreprises."
Dès le début de sa carrière, l’avocate se plonge dans d’importants dossiers de place, comme celui de la potentielle acquisition de Bouygues par Orange. Une affaire d’envergure en matière de télécoms puisque cette opération, bien qu’elle n’ait pas abouti, aurait pu conduire à la suppression d’un acteur du marché. Des affaires épineuses, elle en a connu beaucoup d’autres. Une en particulier a marqué sa carrière, lorsqu’elle était encore counsel : celle de Worldline, une entreprise française qui a racheté en 2020 Ingenico, une société spécialisée dans les terminaux de paiement. Cette bataille, qui l’aura occupée une année entière et qui aura été notifiée au sein de l’Union européenne, lui a permis de participer à la création du premier opérateur européen en matière de paiement, en parvenant à obtenir un accord de la Commission européenne à la concurrence pour la réalisation de cette opération.
Les semaines de Mathilde Saltiel se suivent, mais ne se ressemblent pas. Malgré un rythme de travail effréné, elle garde la tête sur les épaules : "Il est primordial d’arriver à trouver un équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie privée. Le métier d’avocat est très prenant et imprévisible, mais il faut arriver à poser ses propres limites, et ne pas se fixer d’objectifs démesurés, pour tenir la cadence sur le long terme", concède celle qui s’octroie une heure de boxe par semaine. Sans oublier les moments de déconnexion en famille ou entre amis, autour d’un bon repas. Des moments simples, mais essentiels pour l’inarrêtable Mathilde Saltiel.