Multi-family office indépendant, adossé ou bancaire, …difficile de s’y retrouver. La réalité du métier est aussi large qu’il existe de structures différentes. L’envers du décor est plus complexe à appréhender qu’il n’y paraît malgré les efforts réglementaires auxquels sont soumis les acteurs du marché. Si on pose l’intérêt du client au centre du débat c’est bien la notion d’indépendance qui s’avère centrale. Mais finalement, que recherchent vraiment les clients de ces structures ? Répondre à cette interrogation c’est d’abord se poser la question de ce que doit être la mission du Family Office (FO).

Le family office "vend" avant tout du temps à consacrer aux thématiques patrimoniales de ses clients : de la stratégie globale et multigénérationnelle au déploiement opérationnel des investissements, en passant par la revue critique des réalisations. L’assistance d’un FO est une aide précieuse pour permettre aux clients une prise de décision éclairée. L’objectivité du FO doit donc être irréprochable. Comment apprécier dès lors son degré d’indépendance : par son organisation ? son actionnariat ? son mode de rémunération ? Au-delà des mots, l’indépendance de conseil d’un FO peut s’avérer plus délicate qu’il n’y paraît pour plusieurs raisons.

Les biais à l’indépendance, tout d’abord ; ils peuvent survenir à différents niveaux. Parmi eux, nous pouvons notamment citer :

1. Le mode de rémunération du FO : un indicateur précieux d’objectivité

- Mettre en avant un produit car il apporte au FO un complément de rémunération par rétrocession, peut soulever de nombreuses questions, y compris lorsque celle-ci est reversée aux clients. Les pratiques consistant, en amont de la lettre de mission initiale, à anticiper d’éventuelles rétrocessions ou commissions de courtage à capter pour les déduire, une fois perçues, des honoraires de conseil, peuvent inciter à augmenter d’autant ces derniers, et de manière substantielle. En sus, pouvoir déduire d’éventuelles rétrocessions d’honoraires de conseil pour effacer facialement son coût annuel d’intervention peut pousser à privilégier certaines classes d’actifs ou produits d’investissement. A contrario, il est important aussi de souligner que le meilleur produit ne présente pas nécessairement la plus faible rétrocession.

- La rémunération attachée à une classe d’actifs peut apparaître comme un autre écueil :

* le courtage, par exemple, attaché aux contrats d’assurance-vie pousse naturellement le FO à orienter le client vers ce support, mais est-ce toujours pertinent ?

* la souscription de fonds de private- equity dans le cas où le family office bénéficie de parts de carried interest : la recherche d’un alignement d’intérêt est-il toujours bien opportun dans ce cas et le socle d’un conseil objectif ?

2. Le conseil à l’attention d’un groupe familial client

Comment s’assurer que le conseil sera bien donné en toute indépendance et de manière individuelle à tous les membres d’une famille lorsqu’il y a une proximité naturelle avec le patriarche qui vous a missionné et qui règle vos factures ?

3. Au niveau des habitudes du travail. Le comportement naturel des individus peut pousser les family offices à se tourner vers les experts avec lesquels ils ont le plus l’habitude de travailler. Ce confort et cette facilité sont-ils toujours une source de valeur ajoutée pour le client ? Ces spécialistes sont-ils toujours les plus adaptés et les plus compétents en fonction des sujets traités ? 

Les conflits d’intérêts :

- Liés au formalisme des conventions de partenariat et à la vente privilégiée de certains produits, en premier lieu. L’existence de relations privilégiées entre un family office et un prestataire peut amener quelques interrogations en matière d’indépendance.

- Le "Pooling" de clients. Ce biais naturel qui dans la pratique fait économiser du temps et facilite la vie quotidienne du FO, est-il toujours dans l’intérêt du client ?

- La proximité du family office avec des clients actionnaires de leur structure peut aussi soulever des questions : le traitement entre tous les clients sera-t-il équitable, notamment en termes de temps consacré à chacun d’entre eux ?

Indépendance et transparence

- L’indépendance d’un multi family office est souvent justifiée par le modèle de rémunération. Les clients rémunèrent le conseil et connaissent le coût en amont, en toute transparence. Mais comment évaluer le temps des missions. Est-ce logique de facturer plus cher un patrimoine simple de 100M€ qu’un patrimoine complexe de 20M€. Le temps passé pour chaque famille est obligatoirement important dans la mesure où le Conseil s’investit normalement de la même manière.

- La responsabilité de tous les multi family office face à leurs clients est d’afficher une transparence totale sur les modalités de rétribution du conseil. Néanmoins, comment évaluer finement le conseil ? Indépendance et courtage d’assurance

- La plupart des multi family offices proposent à leurs clients d’être courtier de leurs différents contrats d’assurance sous couvert de transférabilité et ou pour réaliser des économies. Sur le fond, la démarche est compréhensible, néanmoins les mêmes effets pourraient s’obtenir par l’intermédiaire d’appel d’offres et par l’obtention de courrier officiel du courtier octroyant la transférabilité sur simple demande du client de chaque contrat. Ainsi, les activités de conseil et d’intermédiaire en assurance ne sont pas mélangées. Ainsi, nous l’aurons compris, l’indépendance sur le plan du conseil patrimonial est bien une notion de faits, elle ne se décrète pas. La probité d’un Conseil peut néanmoins rester parfaitement intacte, quel que soit le risque de conflits d’intérêts potentiels. Au-delà de leur mode de rémunération ou d’intervention, les clients retiendront finalement deux éléments : la transparence et le professionnalisme des structures de family office, clés d’une relation de confiance et de performance sur le long terme. 

Valéry Barbaglia Resal, Directeur de Neuflize OBC Family Office, Gregory Saucey, Family Officer, CIIA et Frédéric Misslin, Family Officer

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