La prestigieuse université américaine annonce la fin des investissements dans les énergies fossiles, une décision que des voix de plus en plus nombreuses - tant sur le campus qu'à l'extérieur - lui réclamaient depuis des années.

Dans un message adressé le 9 septembre dernier, le président de Harvard Lawrence S. Bacow déclarait que son établissement n'avait plus l’intention d’investir directement dans des entreprises qui explorent ou développent des combustibles fossiles, ajoutant que les investissements dans des fonds de capital-investissement ayant des participations dans ces énergies "sont en mode de liquidation et prendront fin lorsque ces partenariats seront liquidés".

Une bataille de longue haleine

Récemment évaluée à environ 42 milliards de dollars, soit le montant le plus élevé de toutes les universités, la dotation de Harvard fait l’objet de pressions de la part de militants depuis des années. Durant la dernière décennie, les anciens responsables de l’école prestigieuse ont résisté aux appels à céder leurs investissements détenus dans le secteur des combustibles fossiles, mais ils ont récemment changé de direction sous l’impulsion des nouveaux dirigeants, dont Lawrence S. Bacow, à la présidence depuis 2018. Avant lui, Drew Gilpin Faust, à la tête de l’université américaine de 2007 à 2018, avait manifesté à plusieurs reprises son opposition au désinvestissement. Selon elle, être actionnaire peut permettre d’influencer les patrons et de dénoncer les pratiques. Elle soulignait également la difficulté de ne pas traiter avec les compagnies d’énergie alors que la société en dépend fortement.

Militants, étudiants et anciens élèves demandent depuis longtemps à l'université d'agir en vendant ses avoirs, ces voix se faisant de plus en plus entendre ces dernières années. Les partisans du désinvestissement ont notamment déposé des plaintes en justice, organisé des manifestations sur le campus, obtenu des sièges au conseil de gouvernance et pris d'assaut le terrain lors du match de football Harvard-Yale de 2019. Les militants saluent l'annonce comme une victoire, tout en précisant qu'il reste encore du travail à faire. Le groupe de défense Fossil Fuel Divest Harvard a qualifié la décision de "preuve que l'activisme fonctionne, purement et simplement".

Un point de départ

L’initiative est suivie par d’autres campus. Boston University, quatrième plus grande université privée des États-Unis, accompagne Harvard dans la démarche, tout comme l’université du Minnesota. Selon Fossil Free, campagne internationale appelant les institutions à retirer leurs capitaux des combustibles fossiles et à les réinvestir dans les solutions au changement climatique, une centaine d’universités ont pris la décision de désinvestir – partiellement ou totalement - dans les industries fossiles. Toujours selon l’association, 1 336 institutions internationales ont annoncé leur volonté de vendre leurs actions détenues dans les plus grosses sociétés du secteur pétrolier, gazier et charbonnier. Parmi elles, on compte 15 % d’établissements d’enseignement et 13 % d’institutions gouvernementales variées.

"Je ne saurais trop insister sur le pouvoir de cette victoire, a tweeté l'écologiste Bill McKibben, journaliste écologiste à l’initiative du mouvement Divest.  Elle va se répercuter dans le monde entier". Il a attribué aux militants le mérite d'avoir forcé "l'école la plus riche de la planète qui, en 2013, s'était engagée à ne jamais désinvestir ... à capituler".

Juliette Woods

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