Face à l’inflation réglementaire et à la pression des régulateurs, les regtechs accompagnent les banques et les institutions financières à se mettre en conformité dans un contexte de transition numérique. François Saulnier, CEO de Bleckwen, nous dévoile comment la jeune pousse a gagné la confiance des grands comptes sur le marché bancaire et financier, et lève les zones d’ombre qui gravitent autour de l’intelligence artificielle.

Décideurs. Pouvez-vous nous présenter les origines de Bleckwen ?

François Saulnier. Bleckwen est née d’une aventure intrapreneuriale au sein d’Ercom, une société française reconnue sur les marchés de la sécurité des communications, des données et des terminaux. Nous faisions partie au départ d’une business unit sur l’analyse de la donnée par l’intelligence artificielle. Face à la transformation numérique de ces dernières années, à la multiplicité des moyens de paiement, et à l’accélération des mouvements financiers qui s’accompagnent de nouvelles infractions en la matière, nous avons décidé d’explorer le marché bancaire et celui de l’octroi de crédit dès que l’occasion s’est présentée. En 2018, nous avons lancé la construction de notre offre antifraude sur les moyens de paiement et celle sur l’octroi de crédit. Toujours soutenue par ses investisseurs historiques comme Bpifrance, TempoCap ou Ineo, Bleckwen est ensuite devenue indépendante lors du rachat d’Ercom par Thalès début 2019. Nous avons par la suite réalisé un premier tour de table pour une série A mené par Ring Capital à hauteur de 8 millions d’euros la même année !

Quelles solutions apportez-vous aux banques et aux institutions financières pour les aider à optimiser leurs démarches de lutte contre les crimes financiers ?

Notre ambition est d’être leur partenaire privilégié pour qu’elles puissent créer leur propre plateforme de prévention de la criminalité financière. Cette démarche se traduit par deux offres ciblées. La première concerne le paiement et la transaction: grâce à l’intelligence artificielle, notre plateforme permet d’effectuer une analyse comportementale en temps réel sur les paiements par virement ou carte bancaire. Par exemple, nous sommes en mesure de déterminer que la consommation des paiements sans contact de certains clients d’une banque ne correspond pas à leurs habitudes historiques en matière de fréquence ou de localisation. Nous fournissons ensuite directement aux banques notre analyse sur les comportements anormaux pouvant correspondre à un risque de fraude ou suspicion de blanchiment. La seconde offre adresse le crédit. Si les organismes ont déjà mis en place un certain nombre de solutions pour prévenir la fraude, notre service permet de détecter entre 50 % et 80 % de la fraude résiduelle restante afin de limiter les pertes financières de nos clients et leur risque réputationnel.

"Notre vocation est d’être principalement un
accélérateur technologique pour nos clients.
"

Bleckwen compte dans son portefeuille clients BNP Paribas, Equals ou encore Carrefour Banque et assurance. Comment avez-vous gagné la confiance des grands comptes, la plupart étant encore réticents à externaliser le développement de solutions technologiques ?

Nous avons mis en place des processus pour garantir une "pseudonymisation" ou une anonymisation des données, tout en étant en mesure d’expliquer les raisons pour lesquelles l’octroi de crédit présenterait un risque de fraude ou de blanchiment. Par ailleurs, un nouveau logiciel peut générer des complications pour les équipes de la DSI. Avec Bleckwen, elles peuvent choisir le mode qui s’intègre le mieux à leur infrastructure technologique. À ce titre, nos solutions peuvent se déployer dans le cloud, qu’il soit public ou privé. Mais nos clients peuvent également opter pour un déploiement on-premise lorsqu’ils souhaitent garder le contrôle en interne du traitement de la donnée. Nous permettons à nos clients de personnaliser et d’étendre les capacités de notre plateforme tout en bénéficiant d’un produit utilisable tel quel, dès le premier jour. Enfin, nos clients ont accès au code source de notre solution afin de les rendre les moins dépendants possible de notre roadmap produit, de nos experts techniques, et adressons ainsi la problématique courante du build vs buy.

Comment vous différenciez-vous sur un marché de plus en plus concurrentiel ?

Notre vocation est d’être principalement un accélérateur technologique pour nos clients en leur apportant de nouvelles solutions qu’ils pourront ensuite intégrer à leurs propres socles technologiques tout y ajoutant de nouvelles fonctionnalités en fonction de leur besoin. Notre objectif est ainsi de consolider notre position sur les marchés historiques en France et en Angleterre et de s’étendre sur toute l’Europe en restant un partenaire privilégié des banques et des institutions financières pour qu’elles puissent créer leur propre plateforme de prévention de fraudes et de blanchiment. Enfin, nous sommes entièrement transparents sur les capacités de nos logiciels et nos clients ont accès aux codes sources. Notre approche d’architecture composable permet aussi aux banques et aux institutions financières de mettre en place de manière incrémentale une stratégie à base de règles puis d’augmenter les capacités de la plateforme en déployant des modèles d’intelligence artificielle qui viendront compléter la couverture des règles.

"Notre ambition est d’être un fédérateur de connaissances pour les banques et les institutions financières."

Face à l’inflation réglementaire (Solvabilité II, MiFID II, RGPD, etc.) et à l’apparition de nouveaux types de fraudes, les regtechs viennent à la rescousse de la conformité. Ces start-up de la régulation sont-elles en phase de devenir des acteurs de référence pour les institutions financières ?

Les regtechs sont effectivement en voie de devenir incontournables ! Concernant les aspects réglementaires, notre ambition est d’être un fédérateur de connaissances pour les banques et les institutions financières,lesquelles, individuellement, ont déjà mis en place un ensemble de solutions pour faire face à l’inflation réglementaire et à l’apparition de nouveaux types de fraudes. Il y a là une opportunité réelle pour les entreprises comme la nôtre d’amener ce partage de la connaissance et de faire en sorte que le bénéfice soit commun et mutuel. Face à l’inflation réglementaire relative aux transactions et à la pression des régulateurs, notre rôle est également d’accompagner les banques et institutions financières, lesquelles doivent s’adapter au plus vite à ces changements dans un contexte de transition numérique.

Dans beaucoup de pays en Europe, les régulateurs travaillent de concert avec les regtechs. Pourquoi cette collaboration tarde-t-elle encore à s’étendre en France ?

Cette collaboration tarde en raison du manque de confiance technologique et de connaissances suffisamment aiguisées en la matière. Dans l’inconscient collectif, l’intelligence artificielle suscite des craintes alors qu’il ne s’agit, ni plus ni moins, que d’une approche statistique automatisée du monde et renvoie à des méthodes scientifiques d’analyses calibrées. Technologistes et data scientists doivent ainsi lever toutes les zones d’ombre autour de l’intelligence artificielle et sur le rôle crucial qu’elle peut jouer dans la prévention et la détection des fraudes et de blanchiment d’argent. Cela étant, le régulateur français a mis en place un pôle consacré à ces thématiques : le pôle fintech de l’ACPR. Nous participons à ses travaux et aux consultations, néanmoins, et à juste titre, ces changements technologiques nécessitent une phase d’observation et d’analyse afin de s’assurer des impacts et des implications de ces technologies appliquées à la lutte contre la fraude et le blanchiment d’argent.

Propos recueillis par Jessie Razafindrabe

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