En 2013, Edward Snowden avait dénoncé la pratique de la surveillance de masse et du partage de renseignements mise en œuvre dans plusieurs pays européens. Le couperet est tombé pour le Royaume-Uni et la Suède : la Cour européenne des droits de l’homme a condamné le 25 mai les deux États pour violation du droit au respect de la vie privée et familiale et des communications.

À la suite des révélations du lanceur d’alerte, plusieurs organisations militant pour la défense des libertés des droits des journalistes, menées par Big Brother Watch, avaient introduit trois requêtes devant la Cour européenne des droits de l’homme en 2013, 2014 et 2015. Invoquant les articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale et de la correspondance) de la Convention européenne des droits de l’homme, les requérants se plaignaient de la portée et de l’ampleur des programmes de surveillance électronique mis en œuvre par le gouvernement britannique. Et sur le terrain de l’article 10 (liberté d’expression), ils estimaient également que leurs communications électroniques et leurs données avaient pu être interceptées ou recueillies par les services de renseignement anglais en raison de leurs activités journalistiques. Si la Cour considère que le recours à un régime de surveillance de masse n’est pas en soi contraire à la Convention, elle exige qu’il soit cependant être encadré des "garanties de bout en bout". 

Des règlementations lacunaires

La Cour explique dans sa décision que "la nécessité et la proportionnalité des mesures prises devraient être appréciées à chaque étape du processus, que les activités d’interception en masse devraient être soumises à l’autorisation d’une autorité indépendante […] dès la définition de l’objet et de l’étendue de l’opération et que les opérations devraient faire l’objet d’une supervision et d’un contrôle indépendant opérés a posteriori". Aux regards des critères ainsi établis, la Cour a estimé dans l’affaire "Big Brother Watch et autres c. Royaume-Uni" que le régime britannique présentait plusieurs carences. Elle énumère à ce titre l’absence d’autorisation indépendante des mandats d’interception en masse, l’absence de mention des catégories de termes de recherche dans les demandes de mandat et l’absence d’autorisation interne préalable des termes de recherche liés à un individu identifiable. Constatant donc une "ingérence" dans le droit des citoyens au respect de leur vie privée, la Cour a conclu que le Royaume-Uni avait violé de l’article 8 de la Convention. Les juges européens ont également estimé que la loi anglaise violait l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Celle-ci aurait dû subordonner l’interception ciblée de communications impliquant un journaliste à l’autorisation d’un juge ou d’un organe décisionnel indépendant et impartial. La Cour a également relevé que, lorsque des communications interceptées contenaient des éléments journalistiques confidentiels, la prolongation de leur conservation et la poursuite de leur examen n’étaient pas non plus subordonnées à une telle autorisation.

Concernant la Suède, la fondation Centrum för rättvisa reprochait au gouvernement suédois l’interception et l’examen de ses échanges avec des particuliers, des entreprises et des organisations, dans le cadre d’activités de renseignement d’origine électromagnétique (utilisation des ondes permettant des écoutes téléphoniques, la surveillance de télégrammes ou encore de courrier électroniques). Au regard des mêmes exigences de "garanties de bout en bout", la Cour a jugé que, comme la réglementation britannique, le régime suédois d’interception en masse présentait des lacunes consistant notamment en l’absence de règles claires concernant la destruction des éléments interceptés et l’absence de contrôle a posteriori effectif.

Léna Fernandes

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