Depuis quelques mois, impossible de ne pas observer le regain d’intérêt du marché pour les captives d’assurance. En raison de son cadre réglementaire très imposant, la France n’attire pas ses entreprises à les domicilier sur son sol.

La crise sanitaire du Covid-19 a fortement secoué le monde de l’assurance. Le marché s’est alors tendu avec une augmentation des primes, un durcissement des garanties et des renouvellements de contrats d’assurance compliqués pour les entreprises. C’est dans ce contexte que les captives d’assurance sont revenues sur le devant de la scène. De grandes entreprises ont ainsi récemment fait appel à leur structure déjà présente ou étudient la possibilité d’en créer une afin d’optimiser le coût du risque et de soutenir leur programme de prévention. D’après une récente enquête de l’Amrae, il n’existe pas moins de 50 projets de créations de captives d’entreprises françaises, dont 30 en réassurance et 20 en assurance, soit "cinq fois de plus qu’habituellement" précise Oliver Wild, président de l’Amrae.

Le principe de l’auto-assurance 

Une captive d’assurance est une compagnie d’assurance ou de réassurance, filiale d’une entreprise ou d’un groupe, dont l’activité commerciale n’est pas l’assurance. Elle est généralement gérée par un courtier. Sa mission ? Assurer les risques du groupe propriétaire souvent difficiles à assurer auprès des compagnies d’assurance. La captive permet ainsi de diminuer la vulnérabilité de l’entreprise face aux fluctuations du marché de l’assurance, de créer des polices sur mesure ou encore d’accéder directement au marché de la réassurance. Ainsi, en cas de sinistre, la captive indemnise la structure touchée selon les conditions définies au contrat. "La captive est un formidable tableau de bord pour mesurer l’efficacité de son risk management et de sa prévention", indique Oliver Wild. Brigitte Bouquot, ancienne présidente de l’Amrae, la voit comme un "outil stratégique des entreprises".

Une réglementation contraignante

Les captives d’assurance sont soumises à des réglementations très strictes dont la directive européenne Solvabilité 2. Cette dernière encadre notamment la constitution d’une captive, son fonctionnement et sa gouvernance, mais n’est pas forcément adaptée aux captives qui ont un mode de fonctionnement plus souple que les compagnies d’assurance et de réassurance. D’ici à juillet 2021, la Commission européenne devrait ainsi adopter des propositions pour réviser cette directive. En France, des discussions émergent également afin de faciliter la création de captives domiciliées dans l’Hexagone. Le gouvernement devrait sous peu proposer un nouveau cadre législatif pour optimiser le fonctionnement des captives. "Il faut que la France soit au moins aussi compétitive que ses voisins ! Et il ne faut pas rater cette opportunité", déclare Oliver Wild. "Les annonces gouvernementales ne peuvent plus se faire attendre pour que les entreprises puissent finaliser leurs projets de captives et être prêtes pour les renouvellements du 1er janvier 2022. On ne crée pas une captive à la légère !"  Et lorsqu’on lui demande le calendrier idéal des annonces, il répond : "Dès que possible. Mais avant la fin juin, ce serait le mieux pour que l’on puisse avancer correctement et sereinement sur le sujet." Le président de l’Amrae révèle également que l’Amrae, qui milite de longue date pour un cadre réglementaire et légal plus favorable aux captives, a reçu au cours des derniers mois de nombreuses demandes d’entreprises de toute taille sur la manière de créer une captive.

"Les annonces gouvernementales ne peuvent plus se faire attendre pour que les entreprises puissent finaliser leurs projets de captives et être prêtes pour les renouvellements du 1er janvier 2022." 

De son côté, Hervé Lecuyer, professeur à l’université Panthéon-Assas, est plus tranché : "Soit on simplifie la création des captives, soit on met un terme à leur existence !" Et de poursuivre : "Soit on se convainc de la pertinence, de l’utilité de la captive, mais à ce moment-là, il faut un grand élan de simplification dans leur réglementation, soit on considère que, au fond, cela fausse un peu le marché de l’assurance, privilégiant les grandes entreprises par rapport aux PME et aux ETI, et il faut abandonner l’idée de la captive." Principalement créées par les grandes sociétés, les captives sont en effet peu accessibles aux PME mais restent envisagées par les ETI. Les frais de création et de constitution d’un dossier d’agrément sont de l’ordre de 60 000 euros à 100 000 euros, sans compter le montant de l’étude de faisabilité commandée en amont à un courtier. Une fois la captive créée, la société et ses filiales lui versent tous les ans des primes prélevées sur leurs capitaux. Ce qui représente donc souvent des sommes importantes ! Mais Olivier Wild l’affirme : "L’idée est de donner cette opportunité à toutes les entreprises, de la plus petite à la plus grande, afin de les responsabiliser, qu’elles soient moins dépendantes de l’État qui pourra ainsi investir de l’argent sur d’autres initiatives."

L’essor des captives et le manque d’attractivité de la France

On recensait environ 1 000 captives d’assurance à travers le monde en 1977 et 3 000 en 1993. Aujourd’hui, on en compte près de 7 000. En effet, les grandes entreprises sont de plus en plus nombreuses à créer leurs captives. Si les Bermudes ou les îles Cayman en attirent de nombreuses (respectivement 680 et 652 en 2020), la France non. Pour cause, l’administration française a longtemps assimilé les captives d’assurance et de réassurance à de l’optimisation fiscale, à tort. Le cadre légal étant trop contraignant dans l’Hexagone (cf. partie précédente), les entreprises françaises se tournent ainsi davantage vers le Luxembourg (200 captives) ou encore vers l’Irlande (80 captives) et Malte, alors qu’environ 120 entreprises françaises, dont près de 80 % du CAC, sont aujourd’hui équipées d’une captive. Seuls Veolia, Dassault Aviation, L’Oréal, Ariane Espace, Orano et plus récemment Worldline sont équipés d’une captive domiciliée en France. À voir si les annonces prochaines du gouvernement convaincront les entreprises françaises de domicilier leur future captive dans l’Hexagone.
Fabrice Domange, président de Marsh France, a récemment révélé dans les colonnes d’Atout Risk que sur la seule année 2020, 89 captives avaient été créées, ce qui représente une croissance de 154 % en un an ! Mais "voir l’effet de la création de captives prendra du temps : c’est un système qui se développera sur les dix prochaines années", conclut Oliver Wild.

Margaux Savarit-Cornali

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