Déjà en vogue avant la crise sanitaire, la signature électronique a connu un boom en 2020 en ce qu’elle constitue l’outil incontournable pour poursuivre son activité quand on est une entreprise. En France, les acteurs de la legaltech proposant un outil de signature à distance se sont multipliés. Parmi eux, Docusign, le géant venu des États-Unis. Ajoutant à son offre d’origine la création de documents et la gestion du cycle de vie des contrats, Docusign a réalisé une croissance record de son chiffre d’affaires lors de son dernier exercice fiscal. Son directeur général en France, Olivier Pin, détaille la stratégie de la société au regard de ces résultats. Ce polytechnicien et diplômé de l’École des Mines est arrivé chez Docusign en février 2018 après avoir passé dix ans chez Salesforce. Un bagage bien utile pour piloter un outil intégré aux principaux logiciels d’entreprise.

Décideurs Juridiques. Sur l’année fiscale clôturée au 31 janvier 2021, Docusign a enregistré une croissance de son activité d’environ 50 %, pour atteindre près de 1,5 milliard de dollars de chiffre d’affaires et un taux de rétention de sa clientèle de 123 %. Ces records sont-ils le signe d’un bond des demandes de signature électronique ?

Olivier Pin. Oui, même si le marché était déjà très porteur avant 2020. Entre 2019 et 2020, nous avions connu une croissance de notre chiffre d’affaires d’environ 40 %. La crise sanitaire a été un accélérateur dans le sens où celles et ceux qui étaient réticents jusque-là ont réalisé qu’ils ne pourraient plus continuer à contracter par coursier. Quelque 590 000 entreprises avaient recours à nos services en 2019. Elles sont plus de 900 000 aujourd’hui. Notre efficacité est incontestable : la moitié de nos accords sont signés un quart d’heure après l’envoi. Et nous signons plus de deux millions d’accords par jour dans plus de 180 pays.

Comment expliquez-vous que les avocats soient moins outillés que les directions juridiques ?

Je ne dirais pas ça. Simplement, les avocats ont besoin d’un niveau supérieur de sécurisation de leurs outils digitaux. Nous travaillons avec de nombreux cabinets dans le monde puisque nous sommes capables de leur mettre à leur disposition une signature électronique qu’on appelle "qualifiée" : nous sommes ce qu’on appelle un "prestataire de confiance" grâce à nos équipes techniques qui gèrent leurs propres logiciels et data centers. Nous sommes régulièrement contrôlés par des auditeurs mandatés par l’Anssi (l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information). Docusign France est d’ailleurs le prestataire de confiance de tous nos clients en Europe.

Docusign ne fait pas que de la signature électronique mais aussi de la gestion du cycle de vie contractuel et de la création documentaire. Or, vous arrivez sur un marché très concurrentiel, réunissant aussi bien des prestataires indépendants que des outils créés par les entreprises en interne. Est-ce que la signature électronique est un point d’entrée pour accéder à d’autres technologies ?

Lorsqu’une entreprise a besoin de recourir à la signature électronique, elle va faire appel à un prestataire par souci de neutralité. Il est très rare que ce genre d’outil soit développé en interne. En revanche, la rédaction des contrats et la gestion des documents sont parfois automatisées au sein même de l’entreprise. Si nous avons développé nos outils de gestion contractuelle et de création de documents, c’est pour aller plus loin que ces outils internes puisque nous ajoutons à notre plateforme les technologies avancées permettant une analyse des documents.

L’un de vos atouts est l’intégration de Docusign au sein des principaux logiciels d’entreprise. Qu’est-ce que cela signifie ?

En effet, l’intégration est une de nos forces. Plus de la moitié de nos transactions se font par API. Le but est d’éviter les ruptures dans le traitement des données entre nous et les logiciels généralistes de SAP, Microsoft, Salesforce… mais aussi de ceux qui sont spécifiques à certains segments ou métiers. Mais cette intégration n’est pas notre seul atout. Nous savons développer des solutions sophistiquées inédites comme l’envoi de documents à signer par sms ou la possibilité d’ajouter des photos et dessins dans ces documents.

Votre expérience de dix ans chez Salesforce a-t-elle été motrice dans l’intégration des fonctionnalités de Docusign dans la plateforme Salesforce ?

Non, pas du tout, ce partenariat a été conclu avant que je ne rejoigne le groupe et nos sièges sont situés à quelques rues l’un de l’autre. Mais cela facilite d’autant plus nos relations. Je suis parfois le pont entre la côte ouest des États-Unis et Paris. Il faut savoir que Docusign est l’application la plus téléchargée sur la plateforme Salesforce.

Zoom sur la France. Comment Docusign a-t-il percé le marché français et à quel moment ?

Nous avons intégré le marché français il y a quatre ans. Docusign avait alors compris que l’international était un enjeu important et que nos équipes aux États-Unis de détenaient pas toutes les cartes pour comprendre les entreprises européennes dans des environnements économiques, soit très régulés, soit régulés autrement. "Business is global but trust is local."

Plus de la moitié de nos transactions se font par API

C’est la raison pour laquelle nous avons fait trois acquisitions de sociétés au Brésil, au Mexique et en France afin de bénéficier des compétences qui nous faisaient défaut en matière de signature électronique respectueuse des contraintes légales. C’est donc le rachat d’OpenTrust, qui était déjà un partenaire de confiance certifié par l’Anssi, qui nous a permis de nous installer à Paris le 8 septembre 2015. C’est cette même équipe, qui réunit à la fois les personnes aux services des clients et nos experts de la R&D, que nous faisons grandir au fil du temps. Nous sommes aujourd’hui 120 en France !

Menez-vous des actions (de réflexion, de lobbying ou de financement) pour promouvoir promotion de la legatech française ?

Notre intérêt se concentre sur l’accélération de la digitalisation des accords. Pour cela, nous menons des actions d’évangélisation auprès des acteurs de l’entreprise, notamment les développeurs afin de faciliter leur prise en main de la plateforme Docusign.

Par ailleurs, nous cherchons à apporter toujours plus de clarté à la signature électronique : un règlement européen définit les différents formats de sécurisation imposés mais laisse à ses utilisateurs le choix des niveaux de protection en fonction des hypothèses qu’ils rencontrent. Ce choix se concentre donc encore souvent entre les mains des pays ou des entreprises elles-mêmes. L’idéal serait d’aboutir à des standards d’utilisation. C’est la raison pour laquelle nous sommes membres du Cloud Signature Consortium, qui réunit de nombreux acteurs du monde de la signature électronique, et dont le but est de créer un standard d’intégration des tiers de confiance et de simplifier des mécanismes de vérification des identités. Aujourd’hui, la réglementation impose la présence d’un agent certifié face à face là où l’IA pourrait tout autant sécuriser la vérification d’identité. Nous discutons avec l’Anssi pour cela, ainsi qu’avec nos clients juristes.

Comment voyez-vous l’avenir de Docusign ? 

Nous travaillons à intégrer toujours plus l’IA. En effet, gérer le cycle de vie des contrats sur une même plateforme permet de savoir quelle clause a été beaucoup discutée ou a fait l’objet de nombreuses modifications. Cela permet d’identifier dans chaque nouveau contrat les points sur lesquels nous devons attirer l’attention de l’utilisateur qui pourra ainsi se concentrer sur l’essentiel en anticipant des événements qui pourraient se produire. Notre devise : rendre la vie plus agréable !

Propos recueillis par Pascale D'Amore

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