Lynceus Partners accompagne depuis 2017 une clientèle professionnelle dans la construction de produits structurés. Le fondateur de ce broker en grande croissance, Patrick Chotard, revient sur les spécificités de cet actif, privilégiant le sur mesure.

DÉCIDEURS. Les marchés financiers ont fortement rebondi depuis les points bas de 2020. Le moment est-il propice à l’investissement dans un produit structuré ?

Patrick Chotard. La forte volatilité de mars avril l’an dernier a certes permis à des investisseurs de profiter de points d’entrée intéressants, mais aujourd’hui, avec la reprise du marché, toutes les incertitudes ne sont pas levées. Investir dans les produits structurés après une année 2020 chaotique fait sens car cela permet de profiter d’un gain connu à l’avance, à travers une formule de remboursement lisible, mais aussi d’une protection du capital en cas de baisse.

Quelles sont les conditions demandées par les intermédiaires financiers avec lesquels vous travaillez ?

Nous sommes des architectes du produit sur mesure. Nous observons que l’autocall reste le produit phare en France pour la majorité des clients, notamment les conseillers en gestion de patrimoine, dans sa version distribuante (dite Phoenix) ou dans sa version capitalisante (dite Athena). La suprématie de l’autocall s’explique notamment par la baisse des taux et un rendement intéressant, pouvant atteindre 7 % ou 8 % par an. Les clients corporate ou institutionnels s’intéressent quant à eux plutôt aux produits structurés de type crédit (CLN, credit linked note1, repack2). En matière de sous-jacents, plusieurs possibilités existent. En France, il y a trois principales catégories : historiquement, les indices classiques (CAC 40, Euro Stoxx 50, DAX 30, etc.), devenant de moins en moins intéressants compte tenu de leurs rendements. Nous avons ensuite les indices synthétiques (comme ceux développés par les banques) et enfin les titres vifs (Total, Unibail, BNP, etc.). En fonction des niveaux de volatilité, la tendance peut se porter plutôt sur des titres vifs que sur des indices.

« La suprématie de l’autocall s’explique notamment par la baisse des taux »

Quels sont les écueils à éviter lorsque l’on investit dans un produit structuré ?

Cela paraît évident, mais il ne faut pas acheter un produit que l’on ne comprend pas. Maîtriser ses caractéristiques, comme la lisibilité du sous-jacent ou les risques est essentiel, d’autant plus qu’il s’agit de produits sophistiqués. Il faut également savoir que l’on ne touche pas de dividendes sur le sous-jacent, et que le coupon sacrifie la hausse au bénéfice d’une protection en cas de baisse. Le mieux reste de se faire accompagner par des professionnels : CGP, banquier ou broker. Il est, de plus, important de diversifier son portefeuille. Dédier une allocation entre 10 % à 25 % de son patrimoine et la compléter avec des obligations, actions en direct ou encore fonds actions semble être une bonne stratégie.

Le marché secondaire est-il une source d’opportunité intéressante pour les investisseurs ?

C’est une question intéressante. D’une part, en tout cas pour l’année 2020, il y a eu un important mouvement de marché. Il faut savoir que trois paramètres peuvent avoir un impact sur le prix et donc sur la valeur liquidative d’un produit structuré sur le marché secondaire. Tout d’abord le taux d’intérêt qui, s’il monte, fait baisser la valeur des produits de façon presque mécanique, ensuite le sous-jacent, qui fait baisser la valeur liquidative lorsqu’il baisse, et enfin la volatilité : lorsque celle-ci augmente, la valeur liquidative a tendance à diminuer. Dès lors qu’en mars avril les sous-jacents ont baissé en parallèle de l’explosion de la volatilité, cela a eu un double effet sur les valeurs liquidatives. L’achat des produits (décotés) apparaissait alors comme une belle opportunité. Néanmoins, acheter sur le marché secondaire demande une gestion très active et une connaissance très fine des marchés. Les produits structurés restent des produits de fond de portefeuille. L’approche patrimoniale peut donc paraître en opposition avec des arbitrages sur le marché secondaire, qui sont, par essence, plus opportunistes.

1Credit linked note : une CLN est très proche d’une obligation dans son fonctionnement : le capital investi est à risque si l’entité sous-jacente subit un événement de crédit, tel que défini par l’ISDA et si l’investisseur reçoit un intérêt (= coupon) à intervalle régulier.
2Une obligation Repack ou « recomposée » est un titre de créance structuré sur une obligation en cours de vie auquel s’ajoute une option : taux variables, indexations à divers marchés, période de taux fixe, puis taux variable.

Propos recueillis par Emilie Zana

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