Julien Naginski conseille sociétés, entrepreneurs et fonds d’investissement dans leur stratégie de développement dans le secteur minier, de l’énergie, de l’infrastructure, de la distribution et de l’industrie depuis une vingtaine d'année. Tour d’horizon.

Décideurs. Quelles sont les tendances les plus marquantes de ces dernières années en matière d’investissement sur le marché africain ?

Julien Naginski. Le mot optimisme me vient spontanément à l’esprit. Selon le FMI, dix pays africains figurent dans la liste des vingt pays avec la plus forte croissance du PIB en 2019, et selon cette même organisation internationale les perspectives de croissance en Afrique d’ici 2023 sont plus élevées que celles de n’importe quel autre continent. Nous pouvons également citer le fait que dernièrement, et malgré les pronostics contraires en début 2020, la Covid-19 a beaucoup moins touché l’Afrique qu’ailleurs : les derniers chiffres publiés par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies montrent qu’il y a environ dix fois moins de cas signalés et huit fois moins de décès dus à la Covid en Afrique qu’en Europe, des chiffres d’autant plus surprenants que la population africaine est environ deux fois celle de l’Europe. Cette confiance dans l’avenir économique africain se reflète dans la variété et le nombre croissant de nouveaux investisseurs étrangers, notamment les fonds d’investissement spécialisés par secteur ou par région venant de la France et du monde entier. Il faut aussi noter que la diaspora africaine, la « best and brightest » partie en Occident pour les études et carrières, revient de plus en plus en Afrique et fait partie de ces nouveaux entrants. Notre cabinet compte parmi ses clients plusieurs sociétés, entrepreneurs et fonds dirigés par de tels profils.

Un élément dorénavant essentiel dans tout projet est l’adhésion active de toutes les parties prenantes, investisseurs, acteurs industriels et surtout communautés locales. Cette exigence systématique d’un développement social et économique pour la population concernée conditionne la réussite de tout investissement. Le périmètre va donc plus loin que le principe de bonne gouvernance ou de RSE, mieux exprimé d’ailleurs par le terme « stakeholder buy-in » ou l’adhésion de toutes les parties prenantes.

Par exemple, dans le secteur minier, se développent rapidement des objectifs et pratiques de « carbon footprint neutral mining » accompagnés d’engagements ab initio par les opérateurs en développement d’éducation, et autres services essentiels (eau, électricité, infrastructures, santé et formation professionnelle) en faveur de la communauté locale. Il convient également de souligner l’implication dans ce contexte des ONG locales, souvent dirigées par des femmes. Ces engagements soulignent non seulement les exigences des investisseurs ultimes, qu’ils soient étatiques ou privés, mais aussi une réalité opérationnelle. L’ingénierie d’un projet minier est très complexe et de longue durée. Il faut garantir l’adhésion de la population locale au projet ou alors s’attendre à des entraves, parfois de longue durée.

« Les investisseurs prennent en compte les attentes des populations locales »

Comment se positionne votre cabinet sur ce marché ?

Le positionnement de Chammas & Marcheteau est très diversifié pour un cabinet indépendant. Notre département structuration de fonds et services financiers est intervenu à plusieurs reprises sur la création de fonds d’investissement dédiés à l’Afrique. Nous sommes plusieurs à travailler en matière de M&A et financement de projets en Afrique, ainsi que notre département fiscal. Notre nouvel associé Jean-François Rage accompagne les investisseurs sur le droit social en France et à l’international, notamment la mobilité des équipes et les politiques sociales. Nous conseillons de nombreux clients français et étrangers qui investissent en Afrique francophone, anglophone et lusophone. Ainsi, nous participons, à notre mesure, à l’internationalisation du barreau parisien car nous conseillons une clientèle internationale depuis Paris. En ce qui concerne la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE), notre cabinet soutient la fondation Aldinie qui a pour objet l’aide à l’enfance et à la jeunesse défavorisée à Madagascar par le biais d’actions visant l’éducation et la santé.

Quels genres de dossiers M&A avez-vous eu à traiter récemment ?

Nous travaillons régulièrement avec des investisseurs étrangers sur les aspects Ohada, par exemple pour structurer la dette d’une société opérationnelle et convertir cette dette en actions. Nous sommes récemment intervenus dans des dossiers d’acquisition d’actifs miniers (métaux industriels et gemmes colorées) en Côte d’Ivoire, au Maroc, au Mozambique, en Éthiopie et à Madagascar. Par ailleurs, dans le cadre d’une acquisition d’actifs pétroliers en Afrique du Nord, nous avons conseillé un client spécialiste des puits matures, ce qui requiert une technologie et ingénierie particulières. Dans ce dossier, nous avons mis en place une joint venture avec une société norvégienne cotée et gagné l’adjudication. Nous conseillons aussi le Groupe Pallinghurst, un fonds anglo-suisse spécialisé dans l’exploitation des métaux nécessaires pour véhicules électriques ainsi qu’un fonds basé en Afrique du Nord et au Moyen-Orient dans leurs acquisitions hors ressources naturelles. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos confrères locaux.

« Nous conseillons de nombreux clients français et étrangers qui investissent en Afrique francophone, anglophone et lusophone »

Quels sont vos principaux conseils aux structures voulant investir en Afrique ?

Le premier est la patience, les opérations en Afrique prennent souvent beaucoup plus de temps qu’en Europe. Il faut prendre l’initiative d’aller sur place, de créer des relations directes avec les contreparties, leurs conseillers et la population locale. On ne peut pas juste « négocier et signer » de Paris. Aussi, l’un de mes confrères a remarqué que « l’avocat doit veiller à ce que le deal économique et sociétal soit juste pour toutes les parties prenantes », et je suis absolument d’accord avec ce propos. Il faut également privilégier les clauses de médiation et d’arbitrage – le nombre de centres d’ADR en Afrique est aussi en croissance – et prévoir dans le cadre de projets à long terme une structure interne qui permet aux parties de discuter et résoudre les différends avant qu’ils ne se transforment en contentieux. Il faut également savoir se montrer flexible, privilégier les contrats clairs et synthétiques pour qu’ils soient accessibles par ces mêmes parties prenantes qui ne sont pas nécessairement des juristes.

Quel est votre parcours ?

Je suis né aux États-Unis dans une famille française, j’ai fait mes études à Columbia et Cornell Law School et suis venu à Paris en 1995 où j’ai commencé chez Salans et Coudert, puis à la direction juridique de PPR. Ensuite j’ai travaillé dix ans à Londres comme directeur juridique. 

Propos recueillis par Roxane Croisier

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